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Commencer par le pourquoi (Partie 1)

By Lotfi BENYELLES

Start with Why (« Commencer par Pourquoi « , Éditions Performance) est un livre de Simon Sinek, un conférencier britannique qui s’est interrogé ces dernières années sur les raisons pour lesquelles certains leaders parviennent à créer des situations inspirantes. Sinek constate que ces leaders ont tous une idée claire du Pourquoi de leur entreprise, c’est-à-dire le bénéfice que l’action de l’entreprise doit apporter ou le problème qu’elle doit résoudre. Ce pourquoi n’est pas une simple position du moment, c’est une croyance ferme et continue. Dans ces entreprises, les gens aiment leur travail et s’y investissent. Ces contextes enthousiasmants favorisent également l’adhésion des clients et contribuent à améliorer durablement l’image des marques.

 

Partie 1 : Ceux qui négligent de commencer par le pourquoi

Chapitre 1 – Ce que nous pensons savoir, la nature spéculative de la décision

Un homme de 43 ans devint un jour chef d’état. Cet homme avait été éduqué dans la foi catholique. Il remplaçait à ce poste un ancien général qui avait commandé les armées de son pays dans un conflit où l’Allemagne avait été défaite. Il passa les premières heures de sa nomination à assister à des défilés et à des cérémonies en son honneur.

Pour un américain, cette description sommaire évoquera immédiatement J. F. Kennedy. Ajoutons maintenant une date à cette description, le 30 janvier 1933. Avec cette information, il s’agit plus certainement Adolf Hitler. Nous voyons fonctionner ici la mécanique d’une prise de décision. Un premier essai en coup de dé nous amène à imaginer une personne. Puis en récoltant une autre information, second coup de dé et une autre image remplace la première.

Nous émettons constamment des hypothèses

Nous n’agissons donc pas à partir d’informations complètes sur un sujet donné. Nous prenons nos décisions sur la base de spéculations plus ou moins informées. Mallarmé assimilait la pensée à un coup de dé. Nous pensons et nous décidons à partir de ce que nous pensons savoir, nous émettons constamment des hypothèses.

Pour décider du nom d’une personne dans une devinette toute simple, l’ajout d’information peut-être éclairant pour affiner son hypothèse. Mais la plupart du temps nous agissons dans des environnements complexes avec de multiples intervenants et des subjectivités contradictoires (chacun personne a ses propres désirs et ces désirs ne s’accordent pas entre eux). L’ajout d’information ne permet pas d’éclaircir nos spéculations et de prendre de bonnes décisions.

Information et décision

Or, les organisations sont construites sur cette idée qu’une personne a les moyens de recueillir toutes les informations dont elle a besoin pour prendre une décision et réaliser son travail selon l’objectif qui lui a été assigné. Résultat, les employés cherchent à se faire assigner des objectifs réalisables. C’est à dire, des objectifs moins ambitieux pour lesquels les décisions à prendre sont simples et basées sur des données simples.

Pourtant une entreprise qui souhaite innover et s’assurer une croissance durable ne peut pas se contenter d’objectifs peu ambitieux. Elle doit prendre des risques et se fixer des objectifs qui ne peuvent pas être réalisés avec les moyens existants. Dans ces cas là, elle assigne à ses employés des objectifs plus ambitieux. Mais ces objectifs ambitieux sont généralement dépendants de facteurs que l’entreprise et le salarié ne maîtrisent pas. Ces derniers devront partir à la recherche d’informations à l’extérieur de l’entreprise et accepter de multiplier spéculations et les essais avant de trouver des pistes de croissance durable. Autrement dit, ils devront agir comme ils pensent.

L’information ne suffit pas

Mais les managers n’ont généralement pas la patience de s’adapter aux exigences de l’innovation. Comme nous l’avons vu avec Clayton Christensen dans « The innovator’s dilemma« , les processus d’entreprise sanctionnent une réalisation sur une durée courte, l’année. En cas de non atteinte des objectifs, les organisations s’interrogent très rarement sur le cadre qu’elles ont construit. Elles préfèrent considérer que les objectifs individuels n’ont pas été atteints, que les employés concernés n’ont pas su collecter les bonnes informations et qu’ils n’ont donc pas su mener les bonnes actions. Les salariés non plus n’interrogent pas le cadre. En cas de non atteinte des objectifs, ils souligneront le fait qu’ils n’ont pas été soutenus, que les informations ne leur ont pas été transmises à temps et que d’autres salariés / équipes leur ont mis des bâtons dans les roues. C’est ce qu’Eric Ries appelle la politique d’entreprise, une culture inadaptée à l’innovation et qui ne s’accommode que du prévisible.

Hors des contextes innovants, Simon Sinek donne de son côté l’exemple des investisseurs. Lorsque leurs décisions d’investissements sont récompensés, ils soulignent à quel points ils ont été à la recherche des bonnes informations et qu’il s’agit là de leur « talent ». Mais lorsqu’ils perdent de l’argent, c’est parce que « le marché s’est retourné » ou parce qu’il est « irrationnel ». Autrement dit, ils ne parviennent plus à collecter de bonnes informations et ce n’est pas de leur faute. Cette posture de prévisible est également dénoncée par Nassim Nicolas Taiëb dans son livre, le cygne noir.

 

Certaines décisions s’imposent, même sans information

Pourtant, nous avons tous connu un jour un contexte propice, un moment où une décision heureuse s’imposait alors que nous avions peu d’information.

En fait, si l’information n’est pas toujours utile et qu’elle n’explique pas seule les bonnes décisions, qu’est-ce qui fait que certaines personnes ou organisations accumulent les réussites sur plusieurs décennies et dans des contextes changeants. C’est une question de cadre nous dit Simon Sinek. Certaines entreprises sauront créer des cadres propices à l’innovation, à la créativité ou à l’inspiration. Certaines individualités sauront d’elles même se placer dans ces contextes de travail et en retirer les bénéfices.

Les leaders, selon Sinek, savent apprécier et construire ces contextes là. Les autres, au contraire, vont chercher des certitudes à chaque fois. Ils vont vouloir s’informer, mesurer et ajuster pour être sûrs de leur décision.

Cette différence explique pourquoi deux entreprises qui mènent des actions comparables à court terme vont connaître des trajectoires très différentes. L’une aura constamment le soucis de procéder à des manipulations pour s’assurer d’un résultat conforme à des informations collectibles et à des objectifs atteignables. L’autre aura compris qu’un objectif doit être atteint sans manipulation. Qu’un résultat doit découler de valeurs profondément ancrées dans l’organisation et non pas de manipulations systématiques.

 

Chapitre 2 – Carottes et bâtons

Manipulation vs. Inspiration

A l’heure de choisir un produit, un client a aujourd’hui le choix entre un très grand nombre de marques. Comment les entreprises procèdent-elles pour recruter de nouveaux clients ou de nouveaux employés? Pour influencer une décision, il n’y a que deux méthodes, la manipulation ou l’inspiration.

Les entreprises privilégient dans leur très grande majorité la manipulation. Voici une liste de manipulations auxquelles elles sont habituées :

 

La baisse de prix

Les baisses de prix sont des manipulations efficaces. Les entreprises les ont aujourd’hui entièrement intégrées à leur politique produit. Il est fréquent que le prix d’un produit soit réduit peu après son lancement. Et que des promotions régulières soient organisées pour doper les ventes.

Avec des baisses de prix, tous les acteurs d’une chaîne de distribution subissent des pressions pour réduire les prix. Les secteurs touchés par ces pratiques sont très nombreux : l’assurance, l’automobile, l’informatique, etc.

Mais ces pratiques sont très coûteuses. Elles amènent à diminuer la qualité des produits proposés, elles dégradent les relations avec les salariés, les fournisseurs et les clients. Enfin, elles abîment les marges d’une entreprise.

Les acteurs de la grande distribution sont l’exemple classique de ce type de manipulation. Walmart était une entreprise dont l’image était très positive jusqu’aux années 80. Mais en s’imposant sur son marché grâce à des prix très bas, elle s’est vite retrouvée au milieu de nombreux scandales. En France, l’expression « travailler dans un supermarché » est synonyme de souffrance.

 

Les promotions

Avec l’arrivée des constructeurs japonais sur le marché américain dans les années 90, les constructeurs locaux ont connu un repli continu. General Motors ne détenait plus que 23% du marché en 2007, contre 33% dix années plus tôt. Depuis 2008, les marques américaines pèsent moins de 50% des ventes (43% aujourd’hui).

Pour tenter d’enrayer leur chute, ces dernières ont eu recours à des opérations de promotions régulières et extrêmement coûteuses. Chez General Motors, chaque promotion pouvait coûter entre 500$ et 700$ par voiture.

Ces promotions sont devenues une véritable drogue pour ces fabricants. Au point où chaque voiture coûtait plus cher à produire que son prix de vente. En 2007, GM perdait 729$ par voiture, ce qui amena l’entreprise à la faillite et à la nationalisation en 2008.

 

La peur

La peur est un moteur de décision très puissants. Les assureurs aux États-Unis n’hésitent pas à y recourir : “Toutes les trente-six secondes, une personne décède d’un arrêt cardiaque…”

En procédant de la sorte, le message vise à nous encourager à faire vite avant qu’il ne soit trop tard.

 

Les aspirations

Ces manipulations jouent sur nos désirs les plus profonds. Elles visent à combler des complexes et des insatisfactions qui nous habitent. Notre ventre n’est plus aussi ferme qu’à nos vingt ans. Alors, les publicités de salles de sport nous exhibent des abdos biens dessinés.

Dans le secteur du développement personnel, de nombreux gourous nous vendent leurs prestation pour nous expliquer comment ils ont fait pour devenir millionnaires en quelques mois.

Ces pressions existent aussi du côté des marques. En nous montrant Tiger Woods et sa Tag Heuer au poignet, l’horloger Suisse cherche à éveiller en nous un désir de réussite que ces montres comblerait.

 

Pression de groupe

« 4 dentistes sur 5 préfèrent le dentifrice Trident », « 4 chiens sur 5 préfèrent Frolic ».

Ces publicités sont également très efficaces. Nous ne contestons pas les avis d’experts. De plus nous tendons à reproduire les comportements de la majorité et évitons au maximum de nous distinguer.

 

La nouveauté

En 2004, Motorola a lancé son nouveau téléphone, le RAZR. Ce dernier était présenté comme une « invention révolutionnaire ». Petit et élégant, il combinait de nouvelles fonctions, une coque haut de gamme sans antenne et un clavier. Le produit avait coûté très cher à Motorola et son prix de vente était élevé.

Pourtant les ventes furent catastrophiques. Aucune des fonctions proposées n’était réellement demandée sur le marché. Toutes les nouveautés intéressantes furent reprises en quelques mois par les concurrents et le prix du RAZR fût rapidement divisé par deux.

L’innovation de rupture est rare. Lorsqu’un produit existant est modernisé, il ne s’agit pas d’une « invention révolutionnaire ». C’est la distinction que fait Clayton Christensen entre une innovation de rupture qui change la configuration d’un marché et une innovation technique qui améliore un produit existant.

Le Razor était un produit qui visait à différencier Motorola sur un marché saturé. En aucun cas, il s’agissait d’une invention.

Colgate est un autre exemple de marque prétendument révolutionnaire. A chaque fois que ses laboratoires identifient un actif qui peut avoir un intérêt pour les clients, celui-ci est décliné sous forme de nouveau dentifrice révolutionnaire.

Ainsi, l’ajout de fluor dans le dentifrice est présenté comme une « nouvelle formule révolutionnaire anti-carie ». De même pour les agents anti-tâches, anti-tartares, etc.

Ces innovations étant également déclinées par la concurrence, ils est difficile de savoir aujourd’hui quel dentifrice choisir dans toute cette offre révolutionnaire.

L’iPhone a depuis longtemps remplacé le RAZR. Mais Apple a proposé un produit qui changeait réellement le marché du téléphone portable.

Auparavant, les fabricants suivaient les spécifications des opérateurs de téléphonie mobile qui déterminait ce qu’était le téléphone, les fonctions qu’il devait disposer. Avec l’Iphone, le téléphone est devenu une fonction parmi d’autres du terminal. Apple a poussé plus loin le changement, puisqu’elle s’est permise au lancement de choisir les opérateurs avec lesquels elle travaillerait et d’ignorer les autres.

C’est en cela que l’Iphone avec les autres smartphones ont constitué une innovation disruptive, ils ont changé la configuration du marché de la téléphonie mobile.

 

Le Leadership

Apple est un exemple de leadership. L’entreprise n’a pas eu recours aux manipulations pour forcer la décision d’un client. Elle a créé son produit, son marché et les clients ont adhéré.

Samsung a l’opposé, a systématiquement recours à des remises et à des baisses de prix. L’entreprise a même été condamnée aux Etats-Unis. Elle avait proposé des remises significatives à ses clients. Ces derniers devaient acheter leur téléphone à plein tarif puis envoyer le bon de remise à Samsung. L’entreprise rembourserait le montant de la remise par envoi de chèque. Il n’y avait qu’une seule condition : il ne pouvait y avoir qu’un seul acheteur par adresse. En fait, l’entreprise jouait sur les mots. De nombreuses personnes habitant dans un même immeuble n’obtinrent pas leur remboursement et l’entreprise fut trainée en justice.

Simon Sinek reconnaît néanmoins que les manipulations décrites plus haut peuvent-être valables dans un cas de figure. Il prend l’exemple de Mygoldenvelope.com. L’entreprise est spécialisée dans le rachat d’or aux particuliers.

Au début, ses créateurs voulaient créer une marque ayant bonne réputation sur le marché. Ils investirent énormément pour que l’expérience client soit parfaite. Mais ceci n’améliorait pas les ventes. En fait les clients étaient ne vendaient généralement de l’or qu’une seule fois dans leur vie. La fidélité les intéressait peu.

A partir du moment où ils, firent cette découverte, les créateurs investirent dans des opérations promotionnelles plutôt que dans la construction d’une image de confiance. Les résultats s’améliorèrent significativement.

Si les industries transactionnelles de ce type peuvent se passer de la fidélité du client, ce n’est pas le cas des autres secteurs d’activité. Pourtant, dans l’Économie d’aujourd’hui, les manipulations restent la norme. Pourtant, pour durer, les entreprises devraient d’abord miser sur le partenariat qu’elle peuvent établir avec les salariés et les clients.

 

Partie 2 : L’alternative, commencer par le pourquoi

Chapitre 3 – Le nombre d’or

Pour Simon Sinek, connaître son pourquoi, c’est comme connaître le nombre d’or. Le nombre d’or est un coefficient utilisé depuis l’antiquité est utilisé pour établir les proportions dans l’art, l’architecture, les mathématiques, etc. Il est associé à l’idée de perfection. Une corrélation a été établie entre le nombre d’or et les proportions des objets de la nature. Les artistes de la renaissance au XIXème siècle l’ont utilisé pour la proportions des corps et celle des décors. Pour le compositeur Costas Xenakis, le nombre d’or établit un rapport entre la nature, notre corps et les créations humaines. Il permet ainsi de parvenir l’harmonie.

Avec ce parallèle entre le pourquoi et le nombre d’or, Sinek tente d’établir une formule mathématique qui permet de trouver le « pourquoi ». Le chapitre 4 détaille le fonctionnement neurobiologique du cerveau et la façon dont on peut agir sur le pourquoi.

Mais auparavant, il définit ce qu’est commencer par le Pourquoi? C’est la croyance ferme et continue que nos actions doivent apporter un bénéfice ou résoudre un problème. C’est une raison pour laquelle on se lève chaque matin, une chose en laquelle on croit.

C’est un mouvement vers l’intérieur, un rappel qui nous vient à l’esprit à chaque fois qu’on s’interroge sur un travail, sur une tâche. Pourquoi la fait-on ? Si la réponse surgit alors comme une évidence sans remettre en cause ce que l’on fait, c’est que le « pourquoi » est clair. C’est que le « quoi » est bien articulé avec « le pourquoi ».

Une entreprise comme Apple rend clairement visible son pourquoi. Les clients n’achètent pas un produit Apple (le quoi), mais le pourquoi de cette entreprise. A son lancement en 2001, l’iPod promettait :

1000 chansons dans votre poche.

Les visuels de l’Iphone 6 ne vantaient pas les capacités de l’appareil photo de 12 Mpix. Ils mettaient en scène des moments de vie et de voyage, des souvenirs que l’on pouvait agrandir, rendre mémorables.

Avec Apple, il n’a jamais été question de gigaoctets, de format mp3, de pixels, d’objet miniature révolutionnaire, etc. L’iPod, iTunes, l’Iphone ont toujours été définis par leur « Pourquoi ».

Parallèlement, tous les concurrents d’Apple n’ont jamais cessé de se définir par leur « Quoi » : prix, qualité, service, fonctionnalité, etc.

En vendant son pourquoi, Apple vend une croyance et un mode de vie. D’autres marques font ce choix : Harley Davidson, Ferrari, Nintendo, Lego, etc.

Si vous interrogez le client d’une ces marques sur les raisons de son choix, il répondra certainement que ses produits sont meilleurs.

Pourtant, en quoi une Ferrari est-elle meilleure qu’un monospace Honda? Une Ferrari n’aura probablement jamais l’endurance d’une Honda. Elle sera incapable de vous amener en vacances en famille, bagages compris. Elle demandera des révisions plus fréquentes et servira finalement beaucoup moins. Si nous restons à l’étage du critère rationnel, du Quoi, une monospace Honda est infiniment meilleure qu’une Ferrari. Pourtant, la Ferrari est un objet de désir alors que ce n’est pas le cas d’une Honda.

Les produits de Ferrari, Apple ou Lego ne sont meilleurs que pour ceux qui croient qu’ils le sont. Et cette croyance est partagée par une groupe de personnes déterminées à la défendre.

Simon Sinek donne un nom à ces personnes : les loyalistes. Les loyalistes d’Apple sont fermement convaincus que les produits de cette marques sont meilleurs et ils sont prêt à défendre cette croyance. Les loyalistes vont formaliser d’eux même les raisons de leurs choix, sans recourir aux descriptifs techniques du produit (le quoi : fonctionnalités, prix, etc.). Ils défendront la marque en mettant en avant leur usage.

La qualité et les fonctionnalités comptent, mais ils ne sont pas suffisants pour produire une fidélité inébranlable.

Beaucoup d’entreprises on connu le succès sans formaliser leur pourquoi. Ces succès sont possibles mais ils sont souvent temporaires. Il faut donc formaliser son pourquoi et y rester fidèle dans la durée. C’est le seul moyen d’obtenir un succès durable. Les entreprises qui perdent le fil de leur pourquoi finissent par devenir obsédés par le quoi et oublient ce qui a fait leur succès.

L’histoire regorge d’exemples d’entreprises ayant oublié le pourquoi. Les entreprises du chemin de fer ont par exemple ignoré l’apparition de l’avion. Elles se sont focalisées sur leurs moyens et non pas sur le pourquoi, la nécessité de se déplacer plus loin et rapidement. Elles n’ont donc pas su accompagner l’évolution des usages. L’industrie musicale a connu la même mésaventure au début des années 2000. Si les acteurs de cette industrie avaient eu un sens du pourquoi, elles auraient pu créer l’équivalent d’iTunes ou de Spotify.

Il ne s’agit pas de besoin, mais d’une nécessité. Les entreprises qui parviennent à communiquer leur pourquoi parviennent à combler une nécessité. Celle d’écouter de la musique, celle de se déplacer, celle de communiquer, etc.

Ses produits, en matérialisant cette nécessité parviennent également à satisfaire un besoin d’appartenance. Ceux qui adhèrent à une marque partagent une nécessité, une croyance, un mode de vie et le produit symbolise ce lien. De la même façon que nous ne serons pas spontanément amis avec un français rencontré en France, nous nous attacherons plus facilement à cette même personne si nous la rencontrons au Brésil.

Lorsqu’une entreprise communique et s’associe à d’autres, elle le fait avec l’idée que le partenaire doit partager ces mêmes valeurs. Apple s’est ainsi associée à U2 et non pas à Céline Dion. Le groupe de rock irlandais, a une audience plus restreinte que la chanteuse canadienne. Mais il a contribué à créer une musique nouvelle. Ceux qui aiment U2 aiment cette inventivité. Apple a donc cherché à associer sa propre inventivité à celle de U2.

 

Chapitre 4 – Le Pourquoi n’est pas une opinion, c’est un mode de fonctionnement

Toute personne qui écoute le discours de Martin Luther King, « I have a dream… » comprend le sens de ce discours. Mais il le ressent encore plus profondément. On peut avancer une explication rationnelle au succès de ce discours. En effet, même si il a été prononcé dans le contexte de la ségrégation raciale et visait à lutter contre elle, il est profondément universel. Mais le point n’est pas là, il se situe au delà des mots.

Si toute personne, sans considération d’appartenance, peut se reconnaître individuellement dans ce discours, c’est qu’il communique à plusieurs niveaux.

Pour Sinek, le nombre d’or du pourquoi se trouve dans le fonctionnement neurobiologique du cerveau. C’est lui explique comment nous adhérons aux idées ou aux discours comme celui de Martin Luther King.

 

Commencer par le pourquoi

Les zones du cerveau et le pourquoi

Les couches du cerveau

Le néocortex : C’est la zone dans laquelle nous interprétons et organisons l’information. C’est là que se situe note système d’équivalences qui nous sert à interpréter le monde. C’est la zone du langage. Ce néocortex correspond à la zone du Quoi.

Le cerveau limbique : C’est la zone des sentiments et des émotions. C’est ici que nous établissons nos croyances, nos adhésions et nos décisions. Cette partie du cerveau n’est pas une zone de structuration de l’information. Rien n’y est formalisé ou formulé avec le langage. C’est la zone du comment et celle du pourquoi.

Ainsi, lorsque nous communiquons nos décisions, nous faisons passer une information du cerveau limbique au néocortex. Nous établissions sous forme de langage une information qui n’a pas été établie sous cette forme. C’est le processus de rationalisation, un processus qui organise, simplifie et réduit.

C’est par exemple la raison pour laquelle il nous est impossible d’expliquer rationnellement pourquoi nous aimons une personne.

Mettre en mot revient donc à réduire la richesse d’une information initiale qui n’était pas établie sous cette forme. Lorsque les gens ont du mal à expliquer leur décisions, le problème ne vient donc pas de la décision, mais de la difficulté à l’expliquer, à la rationaliser. C’est le cas des décisions « prises à l’instinct ».

Dans son livre « The naked brain » – (Le cerveau mis à nu, non traduit), le neurobiologiste Richard Restak précise ce fonctionnement. Lorsqu’une personne souhaite prendre une décision sur des critères rationnels, elle se limitera au traitement de l’information au niveau du néocortex. Le problème pour un tel décideur est qu’il entrera dans un processus interminable de rationalisation, demandant toujours plus d’informations. Les bons enseignants ne s’y trompent pas lorsqu’ils conseillent aux enfants de faire confiance à leur instinct.

Les entreprises qui font le choix de communiquer autour de leur produits se basent sur des critères rationnels et mesurables pour favoriser notre décision. Ces critères rationnels sont les fonctionnalités du produit, son prix, l’effort qu’elles ont investi pour le produire, etc. Elles nous expliquent ce qu’est le produit. Le problème c’est qu’à aucun moment elles nous expliquent pourquoi il faut choisir leur produit.

Le Pourquoi se situe à un niveau émotionnel non formulé, il est donc inutile de verbaliser des critères de choix pour tenter de gagner les cœurs et les esprits. Le cœur et l’esprit sont la décision prise dans le cerveau limbique, elle est déterminée par le pourquoi et non pas par le quoi.

Oublier le Pourquoi dans une communication revient à rendre plus difficile la prise décision. Cela revient à laisser le client déterminer lui-même le pourquoi en rentrant dans un processus de rationalisation et en quête d’information, comme le prix, les fonctionnalités, etc.

Les grands leaders comme M.L. King ou J.F. Kennedy comprennent cette nécessité de gagner les cœurs et les esprits. De communiquer au niveau du Pourquoi.

Les marques tentent en général de se distinguer au niveau du quoi. Pendant, les marques de lessive ont communiqué sur l’idée de rendre le linge plus blanc que blanc en ajoutant des agents à la formule de base. Puis l’une de ces marques réalisa que les clients faisaient en sortant le linge était de sentir son odeur. Le pourquoi d’une lessive était de faire sentir bon le linge, d’en éliminer les mauvaises odeurs.

Le cerveau limbique a un pouvoir impressionnant. C’est par exemple ce qui nous amène à quitter un bon job que nous avons eu du mal à trouver pour entamer un tour du monde. Cette décision paraîtra irrationnelle, et elle l’est. Mais si nous étions tous rationnels, il n’y aurait pas d’innovations dans le monde et ce dernier serait dépourvu de personnes inspirantes.

Les études de marché sont l’exemple même d’un phénomène de rationalisation. Elles nous révèle toutes que les meilleurs produits sont ceux qui ont les meilleurs prix, les meilleurs fonctionnalités, le plus de services, etc. Pourtant, une Harley Davidson n’est livrée que six mois après son achat. Un Mac ou un Iphone coûtent bien plus chers que leurs équivalents chez des concurrents.

Pourtant, les clients de ces marques continuent d’acheter leurs produits. Ces clients seront incapables de donner des raisons rationnels à leur achat. Leur décision ne sont pas établies sur des critères rationnels mais sur le pourquoi, au niveau des croyances et des émotions, celles du cerveau limbique.

Un sens clair du pourquoi communiquera donc directement avec cette zone du pourquoi. Ceux qui les achèterons communiquerons clairement au monde leurs croyance et ce qu’ils sont en tant que personnes.

Je m’autorise ici une réserve forte vis-à-vis de cette partie du livre de Sinek. La théorie des couches du cerveau de Restak est une reprise de la théorie du cerveau triunique. Celle-ci a été popularisée par Arthur Koestler dans les années 50 (The ghost in the machine) mais elle a été depuis remise en cause. Le langage formulé et verbalisé n’est pas uniquement logique. La poésie, la chanson et la prose peuvent déclencher des sentiments esthétiques qui nous parlent plus profondément.

 

Chapitre 5 – Clarté, discipline et cohérence

La clarté du Pourquoi

Avant de vous lancer, vous devez savoir pourquoi vous faites les choses. En français, l’expression « connaître le pourquoi du comment » exprime très bien cette nécessité.

Un chef d’entreprise doit savoir articuler clairement le Pourquoi de son organisation. C’est à dire formuler avec clarté la raison pour laquelle son organisation existe, au delà de ses produits et services. C’est à cette condition qu’un leader peut inspirer.

Le pourquoi est une croyance et elle doit durer, à l’inverse du comment et du quoi qui peuvent évoluer avec le temps.

 

La discipline du Comment

Le comment est l’autre partie compliquée du travail. Elle requiert une forte discipline, tant de la part de l’entrepreneur que de ceux qu’il emploie. Nous nous souvenons tous des mots sensés incarner les valeurs d’une entreprise. Ce souvent des noms : Intégrité, Innovation, Honnêteté, Communication.

Mais les mots sont des objets, ils ne sont pas actionnables. Demandez à Robert s’il peut faire un peu plus d’innovation aujourd’hui et dites-nous ce qu’il en pense. Les valeurs qui symbolisent le comment doivent se traduire en actions. Ils doivent donc être formulés en verbes.

Il ne s’agira donc pas d’intégrité mais de faire correctement les choses. Il ne s’agira pas non plus d’innovation mais de traiter un problème sous un angle nouveau.

Les actions du comment doivent ainsi matérialiser la croyance formulées par le pourquoi. Elles font le lien entre la croyance de l’entreprise et sa part tangible dans le monde, le quoi.

 

L‘authenticité du Quoi

L’authenticité est une valeur impossible à retraduire en action. Certaines entreprises tentent de surjouer l’authenticité en menant des enquêtes clients et en recrachant ce que ces derniers leur ont dit. On se retrouve avec des publictés de voyagistes où des serpents dansent à la flute en Afrique du nord et où des Indonésiennes nous accueillent avec un collier de fleurs au pied de l’avion.

L’authenticité veut dire que toutes nos actions et leur résultat sont accordées à nos croyances. Apple croyait sincèrement que ces produits allaient challenger ceux d’IBM dans les années 70. Qu’ils allaient modifier le statut-quo de l’industrie musicale dans les années 2000. Qu’ils allaient changer la façon de communiquer dans les années 2010. La qualité des produits d’Apple est la conséquence de cette accord du pourquoi avec le comment et le quoi.

Nous ne connaissons pas le pourquoi de DELL, ni celui des autres fabricants de PC. Leurs produits peuvent être d’excellente qualité, mais cela n’est pas suffisant. Sans la clarté du Pourquoi, l’authenticité qui permet de maintenir la qualité dans le temps se perd.

 

Dans le bon ordre

Southwest Airlines est une compagnie aérienne très populaire aux Etats-Unis. Même si elle n’a pas inventé le principe du low-cost, mais elle est reconnue pour la qualité de ses services et ses prix accessibles.

Dans les années 70, l’entreprise s’est affirmée grâce à sa croyance, celle de rendre accessible le voyage à l’ensemble de la population Californienne et pas uniquement aux 15% qui pouvaient se permettre de prendre l’avions à l’époque. Elle s’est toujours considérée en concurrence avec les entreprises de transport par car et les compagnies ferroviaires.

Leur slogan reflétait la simplicité du pourquoi : « Vous êtes maintenant libre de voyager à travers le pays ». Pour l’entreprise et ses salariés, cette phrase était bien plus qu’un slogan, c’était une cause et une croyance. Les employés de Southwest ont toujours été heureux dans leur entreprise et les dirigeants ont toujours considéré que les salariés était les premières personnes à qui il fallait porter de l’attention. La qualité de la relation de travail a ainsi toujours rejailli vers les clients. Voilà Comment, toute l’entreprise, toute l’organisation finit par transmettre la clarté du Pourquoi.

Elle implémenta deux catégories de prix : Nuit/Weekend et jour. Accessible, fun et simple, voilà pour le Comment et le Quoi.

Lorsque Delta lança une compagnie concurrente, Ted, elle ne parvint pas à concurrencer efficacement Southwest. Ted était une simple compagnie Low Cost. Son comment fut intégralement copié sur Southwest et son quoi était clair : des prix bas. Mais sans croyance partagée au niveau des dirigeants et de l’organisation, sans Pourquoi, Ted déclina très vite.

 

Manipulation et inspiration, similitudes et différences

Les manipulations établissent eux aussi un lien avec le cerveau limbique en influençant les décisions sur la base d’émotions simples comme la peur que peut provoquer la pression de groupe ou celle de perdre une opportunité qui ne se représentera pas.

L’inspiration va plus loin que le sentiment d’insécurité. Elle suscite une réaction émotionnelle profonde qui a rapport avec la façon dont nous nous voyons, dont nous souhaitons nous définir.

Quand nous sommes recourons à des services d’entreprises qui inspirent comme Southwest, nous acceptons des prix plus élevésou des inconvénients temporaires. Notre décision est établie sur la base la plus ferme, la façon dont nous nous définissons en tant que personne. Nous ne remettons donc pas en cause des décisions établies sur ces bases là.

 

Les trois degrés de la certitude

Les décisions prises d’instinct sont donc des décisions centrées sur le pourquoi. Mais ce type de décision est adaptée aux individus et aux petites organisations. Un dirigeant ne peut donc pas se contenter de prendre une décision à l’instinct. Il doit construire ces trois degrés de la certitude dans son entreprises : le quoi, le comment et le pourquoi.

Il le fait en créant un contexte émotionnel pour ses décisions, dans lequel le pourquoi est verbalisé. Les employés adhèrent alors à cet objectif commun et c’est ce qui créé ce contexte de certitude.

Les chiffres et études ne seront là que pour renforcer une décision, pas pour la déterminer.

 

Partie 3 – Les leaders ont besoin d’être suivis

Chapitre 6 – L’émergence de la vérité (ou le critère de confiance)

Nous avons vu comment Southwest est devenue une référence en partant de son pourquoi. Herb Kelleher, son patron avait une croyance :

« Des employés heureux vous permettent d’avoir des clients heureux. Et des clients heureux font des actionnaires heureux.

C’est dans cet ordre que cela se passe ».

Herb Kelleher

Dans les années 80, à l’opposé de Southwest, Co,tinental Airlines était la pire des compagnies aériennes aux Etats-Unis. Elle fût déclarée deux fois en faillite entre 83 et 87. Dix présidents se succédèrent entre 1983 et 1991. Lorsque son président, Gordon Bethune fut recruté en 1994, il devait redresser la situation. Heureusement pour l’entreprise, ce dernier partageait la même croyance qu’Herb Keheller, le patron de Southwest. Les résultats furent quasi immédiats, en un an, l’entreprise passa d’une perte de 600 millions de dollars à un profit de 250 millions.

Le plus gros des profits obtenu par l’entreprises est difficile à mesurer, c’est la confiance.

 

La confiance n’est pas une checklist

La confiance est un sentiment, pas une information rationnelle. On n’établit pas la confiance en remplissant une liste de tâches. Les valeurs d’entreprise sont la matérialisation de cette confiance. Le dirigeant doit donc convaincre ses équipes en communiquant et en démontrant qu’il partage les mêmes valeurs et les mêmes croyances que ses équipes.

Avant son arrivée à Continental, les étages des équipes dirigeantes étaient inaccessibles aux équipes opérationnelles. Dans ce contexte, il était impossible d’établir la confiance.

Bethune a changé la culture d’entreprise de Continental en rétablissant la confiance. Comme dans une équipe de football en convalescence, il s’est d’abri focalisé sur les dysfonctionnements de l’équipe sans se soucier des résultats.

Il limogea les cadres dirigeants qui ne souhaitaient pas voir remettre en cause leurs privilèges antérieurs. Bethune établit un régime plus égalitaire dans l’entreprise et s’assura que les salariés et les dirigeants partagent les mêmes espaces de travail. Il appliqua cette politique à lui-même est se rendit très accessible.

Il mis en place une politique de primes qui permit de récompenser les équipages qui faisaient arriver leur avions à l’heure le plus souvent.

Il n’hésitait d’ailleurs pas à adresser des messages individuels aux salariés dans lesquels il les remerciait pour leur travail.

Bethune est l’exemple du fait que la confiance s’établit lorsque nous partageons des valeurs et des croyances avec les autres.

Certaines personnes n’ont pas trouvé leur place dans la culture d’entreprise mise en place par Bethune. Ces derniers n’étaient pas nécessairement de mauvais travailleurs, mais ils n’étaient pas parvenu à s’adapter à cette nouvelle culture d’entreprise.

Simon Sinek constate que cela ne se limite pas à l’entreprise, certaines personnes seront plus adaptées à la culture de l’entreprenariat américaine alors que d’autres se sentiront plus à l’aise dans la croyance en la solidarité collective de la société française.

 

Trouver les gens qui partagent vos croyances

L’aventurier Anglais Ernest Shackleton partit fin 1914 explorer l’Antarctique. Il n’y avait plus de record à établir, puisque Roald Amundsen venait d’atteindre le pôle sud. De plus, la guerre faisait râge en Europe, l’esprit des gens était ailleurs et l’expédition n’attirerait aucune attention. Voici l’annonce que l’explorateur rédigea:

« Recherche des hommes souhaitant effectuer un voyage dangereux. Salaire bas, froid glacial, longs mois d’obscurité complète, danger constant, retour compromis. Honneur et reconnaissance en cas de succès. « 

Shackleton constitua son équipage même s’il ne parvint pas au terme de son expédition. Son navire, l’Endurance fût pris puis dans la glace. Au bout de plusieurs mois de blocage en plein milieu de l’antarctique, alors que son navire était détruit progressivement par les glaces, son équipe débarqua dans un lieu hostile frappé par les vents.

Shackleton prit alors la décision de repartir seul vers le nord pour trouver des secours. Il rejoignit seul en quelques semaines l’île anglaise de Géorgie du Sud. Il la traversa à pied pour rejoindre la station britannique qui se trouvait à l’autre bout. De là, il monta une expédition pour aller à la rescousse de son équipage. Tous rentrèrent sains et saufs en Angleterre.

Par cet exemple, Sinek souhaite montrer qu’en commençant par le pourquoi, on attire de gens passionnés avec lesquels il est possible d’accomplir ce qui sort de l’ordinaire. C’est la croyance partagée qui rend ces réalisations possibles. Ceci alors que toutes les données objectives indiquent le contraire.

En commençant par le pourquoi, comme l’a fait Shackleton, nous augmentons les chances d’attirer les gens passionnés par ce en quoi nous croyons. Un bon CV n’est donc pas suffisant. Un excellent ingénieur de chez Apple donnera un employé médiocre chez Microsoft car les entreprises ont des « Pourquoi » radicalement différents.

Les entreprises ayant un sens poussé du pourquoi le comprennent. Elle recrutent des employés qui pourront être inspirés par leur cause. Ces employés seront plus productifs, inventifs. Elles attireront également d’autres personnes qui leur ressemble.

 

Motivations et succès

Samuel Pierpont Langley était un inventeur et astronome. Il était déjà très reconnu en son temps lorsqu’il décida de s’attaquer à l’invention d’une machine volante motorisée et contrôlée par l’homme. Il fut soutenu par plusieurs hommes d’affaires, des universités et le gouvernement. Il réunit les ingénieurs les plus brillants de son temps. La presse était très attentive à ses travaux et le New-York Times couvrait chacune des sorties publiques de son équipe.

Mais les objectifs de Langley étaient tous déterminés par le quoi : il voulait accomplir un rêve d’enfant, il voulait être le premier et il voulait rester célèbre. Son objectif n’avait rien à voir avec le pourquoi d’une telle invention. En un mot, Langley n’avait pas le sens du pourquoi.

Les frères Wright avaient nettement moins de moyens, mais ils avaient ce sens du pourquoi. Ils avaient la passion de l’aéronautique et une conscience claire de ce que cette invention apporterait.

Ces derniers aussi rassemblèrent une équipe de personnes compétentes. Mais ils réalisèrent leurs prototypes et leurs essais loin de tout regard. Les multiples échecs leur permirent d’en apprendre à chaque fois plus. Le 17 décembre 1903, ils parvinrent à faire décoller leur premier appareil et entrèrent dans l’histoire.

Langley, humilié, décida d’abandonner. Ce dernier aurait pu continuer s’il avait eu un sens clair du pourquoi. L’invention des frères Wright fût constamment améliorée par d’autres dans les mois et années qui suivirent. Mais celà n’intéressait pas Langley. Il était en quête de l’honneur suprême que constituait le fait d’être le premier à voler dans une machine motorisée et c’était devenu impossible.

Le rôle des leaders comme l’étaient les frères Wright est de créer des contextes dans lesquels la créativité et l’innovation sont possibles. Il est inutile d’aller chercher les personnes les plus compétentes en espérant qu’elles vont créer ce contexte à la place du leader. C’est en cela qu’un sens poussé du pourquoi est indispensable chez un leader.

Simon Sinek cite en exemple le contexte créatif créé par Steve Jobs chez Apple. Ce dernier n’a pas imaginé l’iPod, iTunes ou l’iPhone. Ce sont d’autres personnes à l’intérieur de l’entreprise qui ont poussé ces idées. Steve Jobs a favorisé un contexte où cette créativité pouvait se manifester. Tout comme les frères Wright, il a donné une inspiration qui ont permis l’inventivité.

Sinek explique comment Jobs a fait ce travail. Il a donné au personnes les grilles de lectures, le contexte et un un but élevé qui a permis l’innovation. En fait, Jobs a fondé Apple avec Steve Wozniak avec pour objectif de fournir des produits plus simples à utiliser que la concurrence. Apple ne s’est jamais mise en situation de protéger ses parts de marché. Elle n’a d’ailleurs jamais conservé sa position de leader sur un marché. Elle a toujours été rattrapée et dépassée par des entreprises qui avaient des stratégies manipulatoires en particulier le prix. Mais en conservant son leadership en matière d’usage avec des produits toujours simples à utiliser, Jobs a fait d’Apple une entreprise ou les employés savent toujours quel est le sens de leur travail. Cela explique aussi comment l’entreprise s’est aussi bien adapté aux ruptures qu’a connu son métier depuis 1976.

Dans les années 80 et 90, Apple a créé le marché des ordinateurs à interface graphique. Des concurrents l’onct copié et dépassé en terme de vente. Ces derniers s’appelaient Microsoft, DEC, IBM PC, Amstrad, Commodore et HP.

A cette époque, Apple avait déjà tenté de se diversifier dans les assistants personnes connectés. Mais l’expérience tourna court. Le marché n’était pas assez mur et le produit trop complexe. Néanmoins, Apple apprit beaucoup de cette expérience et elle s’en servit pour ses innovations suivantes.

Dans les années 2000, Apple se maintint dans le PC et les logiciels. Mais elle se diversifia dans la musique (iTunes) et dans les baladeurs (iPod). En plus de ses concurrents historiques, Apple s’est confrontée à de nouveaux concurrents : Sony et les majors de la musique.

Dans les années 2010, Apple inventa un nouveau terminal nomade, abusivement appelé smartphone (téléphone intelligent). Ce terminal, si l’on suit la description de l’innovation de rupture décrite par Clayton Christensen n’est plus un téléphone. C’est un ordinateur qui intégré en son sein une fonction téléphonique, parmi bien d’autres.

En fait, Apple n’a cessé de faire évoluer depuis quarante ans son produit initial, un ordinateur simple à utiliser et de taille à chaque fois plus réduite. Les nouvelles fonctions (musique, téléphone, localisation, appareil photo, etc.) n’ont été intégrées que dans la mesure où .

D’ailleurs, Apple n’a pas inventé le Smartphone. Son concurrent HP et un nouvel entrant Rim l’avaient devancés au milieu des années 2000. Mais ces derniers ont perdu la course de vitesse que s’imposent les premiers entrants dans une innovation disruptive. Cette victoire d’Apple est dûe à la clarté de son pourquoi établi trente ans auparavant et jamais dévié depuis (y compris lorsque Steve Jobs quitta l’entreprise).

Au milieu des années 2010, Samsung et Huawei sont venus challenger la position d’Apple. Samsung, grâce à ses politiques manipulatrices (prix, promotion, communication massive, recours au vedettariat, etc.) est parvenue à prendre la première place du marché des smartphones et des tablettes. Mais leurs positions respectives sont difficiles à comparer.

Depuis sa création, Apple suit le fil de son pourquoi à la trace. Cela lui a permis d’affronter des échecs nombreux (Apple 2, Macintosh 1 et 3, Newton) et d’apprendrendre à chaque fois. Ses produit et logiciels, déclinés depuis l’ordinateur jusqu’à l’iPhone ont la même cohérence, la même clarté.

Cette cohérence est plus difficile à établir dans le cas de Samsung qui produit des téléviseurs, des ventilateurs, des composants automobiles et des téléphones. Samsung n’innove pas, elle suit les marchés et décide d’intervenir lorsque la disruption a déjà eu lieu. Elle s’impose pas ses prix et une qualité (toute relative) de ses produits. Cette politique est une politique du quoi. Elle s’appuie sur des salariés dociles appliquant des recettes établies à l’avance et qui ne sont jamais mises en situation d’innover. Samsung peut innover technologiquement, en rajoutant des fonctions absentes chez ses concurrents. Mais ces nouvelles fonctions ne changent pas l’équilibre du marché, elles ne disruptent pas. Elles sont le fruit d’une maturation technologique à laquelle la plupart des acteurs s’adaptent rapidement (exemple de la reconnaissance faciale).

Dans le cas d’Apple, l’innovation passe par la confiance construite entre les dirigeants et ses employés depuis des décennies. C’est elle qui a permis de bâtir une entreprise capable de créer des disruptions dans le marché des terminaux numériques depuis une quarantaine d’années.

 

La confiance

Nous avons vu qu’avec Samsung, il s’agit d’une confiance qui se borne à la capacité à réaliser une tâche et non pas de contribuer à créer un cadre créatif. Ces contextes de confiance limitée sans un pourquoi clairement défini ont un désavatage majeur. Les dirigeants comme les salariés finissent par se déresponsabiliser et n’anticipent pas. En cas de crise, ils ne savent plus quoi faire et finissent même par contribuer à la catastrophe. Un exemple extrême des impacts d’une confiance limitée est celui de la Barings.

La faillite de cette banque à la fin des années 90 fournit un exemple parfait d’une société où plus personne ne connaît très bien le pourquoi? Cette vieille banque de plus de deux siècles d’âge a fait faillite en 1995 lorsqu’un trader, Nick Leeson, acheta pour 20 milliards de dollars de contrat à terme sur l’indice Nikkeï. Le contrat à terme misait sur une hausse de l’indice mais c’est l’inverse qui se produisit. La perte pour la banque dépassait le milliards de dollars, soit le double de ses fonds propres.

Ce qui frappa à l’époque, c’est l’absence total de communication et de confiance réciproque au sein de la société. L’année précédant la catastrophe, les responsables hiérarchiques du trader à Singapour et en Angleterre s’étaient contentés d’encaisser les bonus faramineux générés par les opérations du trader en question. Ces derniers dépassaient les objectifs assignés. Pour ses dirigeants, c’était la preuve que les processus de la banque tournaient et qu’il n’y avait pas lieu de s’interroger. Aucune des managers ne se souciait des risques que Leeson prenait pour l’ensemble de la banque prenait.

Un des responsables de Nick Leeson à l’époque précisa plus tard la pensée dominant à l’époque :

« … personne n’osait poser de question. Nous aurions eu l’air idiot devant tout le monde. »

Pourtant, la confiance dans une entreprise est quelque chose de remarquable.

Sinek donne l’exemple d’une militaire qui est devenue la meilleure analyste radar de l’armée américaine dans les années 80 et 90 et sur qui les pilotes pouvaient se reposer sans crainte. Celle-ci est devenue par la suite instructrice. Toute sa carrière, elle est restée motivée par un sens clair du pourquoi de sa mission, protéger la vie des pilotes qui étaient exposés dans les airs.

Avec cet exemple caricatural, l’auteur cherche à souligner que la prise de risque et l’expérimentation sont des conditions nécessaires à la vie des organisations. Dans ces contextes,un sens clair du pourquoi permet la confiance. Cette confiance créé un contexte fécond où les initiatives individuelles contribuent à la culture d’entreprise dans son ensemble.

 

L’influence des autres

En effet, la confiance en l’autre est un fondement d’une société bien portante. Dans les sociétés en crise où en guerre, la méfiance s’installe et contribue fortement au délitement. Ce constat est valable pour les entreprises.

Il est difficile de faire confiance au premier venu.e. Nous sommes plus à même de faire confiance à ceux qui partagent nos croyances et nos valeurs. Lorsque nous faisons confiance à notre interlocuteur.ice, c’est que nous voyons que pour lui, nos propres intérêts sont les siens.

Comme pour le pourquoi, le sentiment de confiance est logé dans le cerveau limbique. Les marques qui procèdent aux manipulations le savent et c’est pour cette raison qu’elles recourent par exemple à des réclames de type « 80% des français » ou vous montrent une star utilisant leur produit. Dans ces cas là, la célébrité incarne une cause ou une croyance qui contribue au sentiment de confiance (la bonne santé pour un sportif.ve, la réussite financière et sexuelle pour un acteur.ice de cinéma, etc.).

Mais ces opérations publicitaires ont une efficacité limitée sans un pourquoi clairement identifié au niveau de la marque. Revenons à Samsung encore une fois. Dans une de ses publicités, la marque coréenne associe ses produits à une équipe de footballeur dont Lionel Messi. Les sportifs habillés en tenue futuriste y affrontent des aliens à l’occasion d’un match de foot qui va décider de l’avenir de l’humanité.

Pourtant, nous n’associons pas le pourquoi de Samsung au futur. Au contraire, s’il fallait définir un pourquoi à la marque coréenne, il s’agirait plutôt de démocratiser des produits innovants inventés par d’autres quelques années avant. C’est déjà pas mal. Samsung est dans l’esprit de la plupart des gens une société qui fabrique des produits de bonne qualité pour un prix un peu moins élevé que ses concurrents.

Pourtant, en déguisant des footballeurs en spationautes sans scaphandre, Samsung ne contribue pas à clarifier son pourquoi auprès du public.

Les footballeurs ont pourtant une image qui véhicule quelques idées positives intéressantes à exploiter : sport / santé, le jeu, le rêve d’enfant, des origines sociales modestes, etc. Ils véhiculent aussi une image très négative, à l’opposé de l’idée de confiance : celle de stars aux salaires astronomiques et spécialistes de l’évasion fiscale. Manipuler l’image des footballeurs demande beaucoup de précautions au moment de clarifier son Pourquoi.

Commencer par le pourquoi

Publicité Dior Zidane

Dior avait très bien su utiliser l’image de Zinedine Zidane pour la publicité de son parfum, Eau Sauvage. Dans une mise en scène très réussie, Zidane en col roulé cachait le bas de son visage. A gauche de l’image, le slogan précisait : « Méfiez-vous de l’eau qui dort ». Cette image simple véhiculait une quantité très importante de messages cohérents qui instauraient la confiance et établissaient le Pourquoi de Dior.

D’abord, avec le slogan et la mise en scène, la marque jouait sur des caractères masculins contradictoires : la timidité et la gentillesse du personnage Zidane d’un côté masquant une masculinité virile prêtée spontanément au footballeur. De plus, le côté luxueux du parfum annulait l’image du businessman footballeur Zidane.

Avec ce cadre, les traits de caractère prêtés au personnage public de Zidane pouvaient fonctionner à plein : santé, sympathie, virilité discrète, sens de la réserve, origine sociale, timidité. Le contexte aussi jouait, nous étions dans les mois qui suivaient la victoire en coupe du monde et le numéro 10 tricolore avait acquis une familiarité forte dans le paysage médiatique. Toute personne appréciant ou non le foot avait envie d’aimer Zidane à ce moment là. Nous avions là de bons ingrédients pour établir la confiance.

Dior clarifiait ainsi son Pourquoi qui, faire des parfums accordés avec le caractère unique de chaque homme. Dior/Zidane est l’exemple d’une association mutuellement bénéfique entre une marque et une vedette de sport.

Dans le cas de Lionel Messi, il s’agit indiscutablement d’un excellent footballeur. Pour une marque cherchant à exploiter l’idée de talent et de performance, ça pourrait marcher. Mais en tant que footballeur star impliqué dans des scandales, Messi véhicule aussi une image à l’opposé de l’idée de confiance. Le montrer en train d’affronter des aliens est très amusant, mais cela ne nous dit rien du Pourquoi de Samsung.

Les produits de Samsung sont des produits techniques. Ils ne sont donc pas en mesure d’exploiter les qualités positives prêtées à ce footballeur et les aliens n’apportent rien de plus de leur côté.

L’interprétation de cette campagne ne peut donc être que rationnelle : Samsung a eu recours à une des vedettes du marché publicitaire et a investi de fortes sommes dans un clip bourré d’effets spéciaux. L’ensemble des images (celle de la marque, celle de Messi, celle des aliens) se juxtaposent sans fonctionner ensemble.

Sinek nous rappelle donc que la recommandation par une personne tierce peut marcher, mais elle doit installer une confiance.

Le mieux pour la confiance reste tout de même la recommandation d’un proche, celle de personnes qui nous ressemblent. Simon Sinek donne un autre exemple dont il a le secret. Alors que vous venez d’acheter une Volvo pour votre fils, votre meilleur ami vous annonce qu’il a acheté une Mercedes pour son fils. Il ajoute que les Mercedes sont les voitures les plus sûres au monde et que vous avez fait un mauvais choix. Peu importe que des études montrent qu’une Volvo est plus sûre qu’une Mercedes, il y a de fortes chances pour que vous éprouviez des regrets. C’est avec cet exemple que Sinek conclut sur la force du critère de confiance.

 

Chapitre 7 – Comment un point de bascule finit par basculer

Dans son livre, Le point de bascule, Malcolm Gladwell souligne l’importance du rôle des influenceurs au moment de déterminer le succès d’un produit. En l’utilisant pour eux, ces dernier prescrivent l’usage de ce produit et déclenchent son adpotion par des publics suiveurs qui les imiterons. C’est ce que Gladwell appelle un point de bascule.

Mais comment les influenceurs devraient à l’un de nos produits et services. C’est une des missions les plus difficiles d’une marketeur, identifier et convaincre un influenceur.

 

Les lois de la diffusion des innovations

En 1962, dans son livre La diffusion des innovations, Everett M. Rogers décrivait le modèle de diffusion d’une innovation dans une société. Trente ans plus tard, Geoffrey Moore dans Crossing the Chasm précisait la façon dont ce mode diffusion s’appliquait dans le domaine des nouvelles technologies et quel rôle pouvait jouer le marketing.

Il découpait pour cela une population de consommateurs en cinq segments :

La première catégorie (innovators) est celle qui doit établir sa croyance et la seconde (early adopters), celle qui constitue les relayeurs. Les autres catégories de clients sont les premiers suiveurs (early majority), les suiveurs tardifs (late majority) et les « traînards » (Laggards).

Commencer par le pourquoi

La loi de la diffusion des innovations

Les innovateurs et les early adopters

Ils représentent selon Rogers et Moore 2,5% d’une population de consommateurs. Ils sont à la recherche de nouvelles idées et sont intrigués par les avancées techniques.

Les early adopters représentent selon Moore 13,5% de la population. Ils partagent le goût des avancées techniques des innovateurs mais sont plus intéressés par l’usage que par l’élaboration. Il peuvent accepter de payer des services plus chers pour s’épargner les inconvénients. A noter qu’ici, Sinek détourne à son profit la définition de Moore. Pour ce dernier, les early adopters sont prêt à payer plus cher un service qui n’existe pas ailleurs. Ils en acceptent aussi les inconvénients dans la mesure où le produit en est à ses débuts et qu’il doit encore être perfectionné.

Les early adopters perçoivent donc la valeur de ce qui est proposé. Il sont prêts à en accepter les inconvénients et adhèrent à la cause d’une marque. Ils sont prêts à intégrer les produits de cette marque entant que quoi de leur propre pourquoi (prinicpe d’identité décrit au Chapitre 4).

En fonction du produit, nous jouerons un rôle différent. Sinek avoue être un early adopter de produits technologiques. Pour la première catégorie de produits, il est prêt à payer plus cher pour un produit récent et haut de gamme. Pour d’autres, il sera suiveur et sera très sensible aux recommandations de vedettes, aux promotions et aux baisses de prix.

 

Les early adopters et les suiveurs

Les catégories à droite du graphique ne manifestent aucune loyauté. Elles ne valorisent pas le travail réalisé ni les efforts faits en terme de clarté du pourquoi, ni dans l’efficacité du comment, ni dans l’authenticité du quoi. Elles sont les plus sensibles aux stratégies manipulatoires des marques.

Les suiveurs ne testerons pas quelque chose avant que d’autres les aient testés. Ils ont besoin de recommandations personnelles de la part de personnes identifiées.

C’est auprès d’eux que le travail d’établissement de la confiance est le plus difficile pour une marque cherchant à valoriser le pourquoi auprès d’un public.

Dans les produits des nouvelles technologies, les early adopters ont une capacité de prescription forte. Le Zune de Microsoft n’a jamais pû s’imposer face à l’iPod d’Apple, malgré des qualités techniques et des capacités supérieures. Les early adopters de la marque à la pomme avaient relayé le pourquoi de la marque vers les catégories suiveuses. Le critère de confiance était maintenant établi à l’avantage d’Apple.

Microsoft ne parvenait pas à s’imposer sur un marché où son pourquoi restait à établir et où peu d’early adopters étaient prêts à relayer un message de confiance à son avantage.

 

Cibler les early adopters

Pour arriver au point de bascule, c’est à dire au moment où une idée prend, il faut donc s’appuyer sur les early adopters. La société souhaitant communiquer avec ce public n’aura pas d’autre choix que de communiquer son pourquoi.

Il est difficile d’identifier un public d’influenceurs et le livre de Malcolm Gladwell pêche sur ce point. Sinek renverse la problématique. Pour lui, tout le monde est potentiellement un influenceur. En communiquant avec son pourquoi nous rendons notre message clair et compréhensible (clarté du pourquoi) et nous nous interdisons les stratégies manipulatoires. Les early adopters nous trouverons ainsi d’eux même à l’issue d’une quête auquel notre message clair apparaîtra comme une réponse évidente à leur problème. Nous devons nous rendre visibles sans forcer les portes d’entrée (manipulations).

 

Ceux qui refusent de prendre en compte les lois de diffusion

TiVo est une société américaine qui a lancé en 1997 un boitier TV qui permettait d’enregistrer des programmes télé, les mettre en pause. Le système permettait également d’ignorer la publicité. La société a communiqué largement au point où son nom a fini par s’imposer comme un synonyme de boitier TV.

Mais la communication de la marque ne jouait que sur les fonctionnalités produit. A aucun moment, ses fondateurs n’ont mis en valeur le pourquoi de leur société, alors qu’il était évident. Il permettait aux téléspectateur de gagner du temps (moins de pub), de s’économiser de l’espace (VHS ou DVD enregistrés). Bref, le système apportait de réels bénéfices que Tivo n’a jamais pensé à mettre en valeur.

Tivo a donc manqué son pourquoi, mais aussi son public d’early adopters. Pourtant, de nombreuses personnes étaient en quête de cette maîtrise du temps et de l’espace domestique. Mais ces derniers n’ont pas vu TiVo comme une solution à leur problème car la société a échoué à se présenter comme tel. Plusieurs critiques ont pointé le fait que le système avait connu quelques difficultés techniques. Pour Sinek, ces difficultés n’étaient pas le fond du problème. Un public d’early adopters qui aurait eu en tête la clarté du pourquoi des TiVo aurait accepté sans difficulté ce type de problèmes.

La société TiVo a disparu en 1998 alors que son nom est resté. Aujourd’hui, le boitier TV d’un opérateur téléphone, fibre ou satellite est appelé un Tivo aux Etats-Unis. Mais plus personne ne sait pourquoi.

Dans « Commencer avec le Pourquoi », Simon Sinek nous explique donc que la clarté du pourquoi est donc le préalable à l’innovation et à tout marketing. Elle permet de faire adhérer les early adopters. Il est important de noter que cette adhésion n’est pas une adhésion à la société, à son dirigeant, à un produit. En partageant son pourquoi, la société et ses dirigeants partagent ceux en quoi ils croient. Les early adopters partagent la même croyance. Ils ne souscrivent pas à un marque ou à un produit mais à une croyance qui leur est avant tout personnelle. Ce n’est que dans un second temps, ils s’aperçoivent qu’une marque ou qu’un produit la matérialise.

Le Livre

Commencer par Pourquoi – Comment les grands leaders nous inspirent à passer à l’action

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Les croyances qui pénalisent l’entrepreneur

By Lotfi BENYELLES

L’entrepreneur préfère créer son propre cadre plutôt que de rejoindre le cadre massif et anonymisant de la grande entreprise. Dans son parcours, il devra utiliser les présuppositions conscientes et inconscientes qui font son rapport au monde. Ce que le philosophe John R. Searle définit comme des croyances. La difficulté est que certaines de ces croyances travaillent contre sa volonté d’indépendance et nourrissent le découragement. Ces croyances devront être mises en cause afin de faire aboutir création de l’entreprise.

Au début, tout est rose

Au démarrage, l’enthousiasme a tendance à nous masquer les difficultés. Les premières tâches sont généralement réussies. Soit parce qu’elles ont été préparées depuis longtemps (un premier prototype, un premier client, recrutement, etc.). Soit parce qu’elles sont assez simples (création administrative, domiciliation, etc.). On peut donc être amenés à croire que le reste du parcours doit faire l’objet du même niveau de préparation. Or la création d’entreprise ne requiert pas la même habileté au début de la création que lors des phases ultérieures. Le moment de la création administrative de l’entreprise relève de l’habileté opératoire. C’est à dire que le créateur d’entreprise doit savoir planifier et anticiper à partir de travaux connus et prévisibles. Ce genre d’habileté est celle requise dans l’entreprise managériale. A ce titre, le moment de la création peut être vu comme la conclusion d’une expérience précédente d’emploi salarié.

Toutefois, les travaux planifiables à la création ne constituent pas le cadre dans lequel l’entrepreneur va travailler par la suite. Il va en effet devoir faire aboutir son prototype en un premier produit commercialisable, trouver d’autres clients, affronter des difficultés relationnelles, etc. Il devra en conséquence réajuster en permanence. L’habileté opératoire est moins utile qu’une habileté créative qui permet de revoir en permanence ses hypothèses de travail et à agir en conséquence.

Comment faire dès-lors pour que l’entrepreneur atteigne cette habileté créative qui lui permettra d’aboutir à une entreprise capable de fonctionner opérationnellement sans lui ? Il lui faut au préalable remettre en cause certaines croyances.

A propos des croyances

Par croyance, j’entends ce que le philosophe John R. Searle, définit comme un ensemble perceptions et de présuppositions que nous utilisons pour donner un sens à nos actions. Les croyances sont en générales inconscientes. Mais elles peuvent être ramenées à la conscience si nécessaire. Elles fonctionnent en réseau dans le cadre d’un arrière-plan (background). C’est à dire qu’elles sont liées entre elles par des liens de causalité. L’exemple le plus répandu de croyance est celui de la valeur attribué à la monnaie. Si nous croyons tous que la monnaie a une valeur, cela lui permet d’avoir une fonction d’échange dans l’ordre social. En même temps, cette croyance est liée à une autre, celle qu’un état me gouverne et qu’il a l’autorité pour émettre ou retirer de la monnaie de la circulation. Cette dernière croyance se rattache également l’idée que je choisi mon gouvernement lors d’élections. Par conséquent, ma croyance m’amène à penser que j’agis dans l’ordre social que je participe à déterminer le fonctionnement de la politique, y compris monétaire.

Nous avons donc là un réseau complet de présuppositions conditionné par la causalité et par l’idée qu’une réalité se trouve derrière ces présuppositions. Les croyances sont nécessaires à l’intégration des individus dans l’ordre social. Mais certaines d’entre elles posent problème dans le contexte de la création d’entreprise. Elles doivent dès lors être ramenées à la conscience afin de les questionner et réajuster nos comportements. Quelles sont ces croyances ?

  • Le découragement amène à l’abandon

L’entrepreneur hérite de l’idée que le découragement limite ses capacités à agir et qu’il est dangereux pour son projet. Le découragement est une réaction émotive diffuse qui trouve rarement sa source dans une seule cause. Il convient donc de savoir à quoi nous réagissons lorsque nous nous décourageons. Il y a d’abord les motifs de découragement externes. Ils sont les plus simples à identifier et peuvent être négociés en communiquant avec les personnes qui les occasionnent. Il y a ensuite les motifs internes, ce sont les croyances mentionnées dans cet article. Ils sont plus complexes à identifier dans la mesure ou nous ne nous apercevons pas consciemment qu’ils contribuent à affaiblir nos actions. Tant que les motifs de découragement ne se traduisent pas par des situations définitives (faillite, impayés, condamnation, etc.), le découragement peut être bénéfique. Il sera l’occasion de se ménager et de prendre le temps d’y voir plus clair. Il nous amènera à réinterroger nos croyances et à agir sur facteurs internes et externes qui affaiblissent nos actions.

  • Une réalisation réussie résiste à toute critique

L’entrepreneur voudra que son produit soit fonctionnel et utile dès sa première livraison. Sa communication ne devra souffrir d’aucune hésitation. Son entreprise devra trouver sa clientèle dès les premières commercialisations. Cette croyance génère des déceptions. Au delà du fait qu’un produit n’est jamais abouti, l’entrepreneur risque surtout l’impasse sur de phases qui pourraient être riches en enseignements. L’exemple le plus répandu est celui du développement produit. Il est plus intéressant de développer un produit minimal afin de le confronter à des avis de clients et d’usagers avant d’entamer un développement produit complet. De même, la constitution d’une communauté passe par une phase ingrate d’élaboration de contenus, d’échanges, de débats qui nourrissent des réflexions et donnent corps plus tardivement au groupe.

  • Un parcours personnel réussi est une belle histoire à raconter

Nous aimons écouter des histoires et l’expérience entrepreneuriale est l’occasion pour l’entrepreneur de raconter la sienne. Mais ce récit peut devenir décourageant s’il s’éloigne trop de ce que nous imaginions être une bonne histoire d’entreprenariat à raconter. C’est à dire cohérente et sans interruption. La tâche est donc difficile pour l’entrepreneur car l’expérience entrepreneuriale n’a rien de linéaire.

  • Nous devons éviter le jugement et la condamnation des autres

En se lançant, l’entrepreneur créé une entreprise, développe un produit, se met à communiquer, etc. En bref, il se confronte aux autres et se met en situation d’être jugé. Les jugements peuvent-être négatifs. Or ces jugements, surtout s’ils sont négatifs ont une grande valeur. Ce sont eux qui permettront les réajustements qui dont la petite entreprise a besoin.

  • Nos métiers nous garantissent une reconnaissance sociale

L’entrepreneur a un statut qui ne coïncide avec ceux des autres métiers socialement reconnus (médecin, avocat, etc.). Son expérience est généralement perçue comme plus précaire. Cette précarité est renforcée par l’absence de chemin balisé. Il n’y a pas de formation pour devenir entrepreneur. Tout le monde peut le devenir. Auprès de l’état, le statut individuel l’entrepreneur, n’existe pas, il est renvoyé à celui générique d’indépendant.

La présence de deux personnalités juridiques dans le parcours entrepreneurial (celle de l’entreprise et celle de l’entrepreneur) renforce également cette dévalorisation. On parlera des belles réalisations d’un architecte alors qu’un entrepreneur sera rarement personnifié si son entreprise réussit.

Nous pouvons postuler que ceux qui nous observent de loin s’imagine qu’il y a un effet prime au risque. Pour eux, l’entrepreneur accepte de jouer gros : son statut social et son confort financier à court terme. S’il réussit, il gagnera la liberté et le bénéfices qu’offre le fait de disposer de sa propre entreprise, son propre produit, sa propre histoire à raconter. S’il perd, il aura été responsable de son choix.

Ces croyances fonctionnent donc bien en réseau serré. Elles sont celles d’un tissu social qui laisse une marge réduite à la créativité, tout en acceptant que cette créativité puisse être bénéfique à l’ensemble. Ce sont donc des acteurs marginaux la prendront en charge (entrepreneurs et artistes). Ils devront renégocier seuls leur croyances grâce à l’expérimentation.

De nouvelles croyances pour l’entrepreneur

L’identification et la remise en cause de ces croyances est donc difficile. Ce processus est lent. Il faut plusieurs expériences, étalées sur des années, pour que l’entrepreneur s’aperçoive que :

  • Les phases de découragement sont bénéfiques

Elles signalent les moments où nous ne sommes pas armés pour traiter certains aspects non anticipés du projet (que le temps de la création d’entreprise est long, que les difficultés rencontrées étaient nombreuses, que le cadre des échanges humains était fait de tensions et d’inconforts, etc.). Le découragement est un signal qui permet de repenser son projet et d’agir sur ses propres limites afin de réajuster.

  • Le processus compte plus que les réalisations

Leur richesse et leur variété nourrissent le cadre mental dans lequel nous pensons nos actions. Elles comptent bien plus qu’un résultat spécifique et momentané.

  • Un parcours entrepreneurial est bien une belle histoire à raconter, mais il n’est pas linéaire

Le récit de son expérience d’entrepreneur n’est pas linéaire, il est fait d’erreurs, de fausses routes et de corrections. Ces moments doivent entrer dans un récit fait d’ellipses et qui assume les ruptures.

  • En s’exposant à l’autre nous nous ouvrons à de nouvelles situations riches en enseignements

Ici, il s’agira de considérer que fait d’être jugé n’est plus un risque mais une nécessité. Il ne s’agit donc plus de considérer que nous sommes en quête de d’approbation.

Le jugement des autres est souhaitable car il nous permet de nous réajuster. L’entrepreneur doit :

  • S’exposer à ses clients avec des produits qui ne fonctionnent pas encore.
  • Ajuster régulièrement sa communication vis-à-vis de ses usagers,
  • Accepter de se mettre en situation d’inconfort.

Cela veut dire que nous acceptons donc que le conflit et l’inconfort fasse partie de notre trajectoire. En réalité, personne ne sanctionnera l’entrepreneur pour les situations vécues ou les actions commises. Personne ne le récompensera non plus.

  • L’entrepreneur ne doit pas chercher la reconnaissance sociale

 

Photo : One and three chairs by Joseph Kosuth, 1965 – Credit : Kenneth Lu – Licence Creative Commons

 

Entrepreneur et découragement

By Lotfi BENYELLES

En apparence, nous sommes inégaux face au découragement. Certains entrepreneurs sont dotés d’un enthousiasme qui les accompagne longtemps et les empêche de douter malgré les difficultés. D’autres vont rapidement trouver la bonne formule et posent les bonnes bases au démarrage. Pourtant, ces deux exemples sont des exceptions.

L’idée de cet article est de détailler comment ces croyances se construisent dans les expériences de nos vies d’enfant et d’adulte. Ces croyances sont nécessaires à notre insertion dans la société et ses différentes composantes. Néanmoins, elles vont jouer contre nous au moment où nous déciderons de créer une entreprise.

1. Le découragement : des résultats éloignés de ce que nous attendions

La majorité des entrepreneurs est confrontée au découragement. C’est-à-dire, à ces moments où les actions que nous menons et les résultats qui se dessinent nous paraissent très éloignés de ce que nous espérions. Des moments, on a le sentiment de ne plus avoir prise sur ce que l’on a créé. Le chemin parcouru et les résultats obtenus peuvent alors perdre toute valeur à nos yeux.

Rappelons-nous les conseils d’Edison. Une chute ? Facile, il suffit de se relever, encore et encore. Pourtant, le découragement ne vient pas des difficultés rencontrées lors de l’élaboration d’un produit ou dans la vie de notre petite entreprise. Il ne suffit donc pas de dire « je me relève et tout va aller mieux ». Le découragement vient en réalité de certains jugements profondément ancrés en nous et qui nous pénalisent au moment où nous sommes confrontés aux expériences désordonnées d’un parcours d’entrepreneur.

Le sens de l’adaptation

Certains futurs parents annoncent qu’ils élèveront leur enfant en le sensibilisant aux complexités du monde. Ils entendent par là qu’ils élèveront un enfant capable de s’ouvrir à ce qui est différent. Il saura de fonctionner dans la norme et hors de celle-ci. A chaque fois que ce sera nécessaire, il bloquera son jugement pour se donner la possibilité d’agir y compris dans des circonstances inattendues.

Ces parents sont donc conscients des difficultés d’une éducation basée sur la seule adaptation à la norme. Elle ne prépare pas à affronter l’inconnu. Mais leur aspiration de personnes impliquées et sensibles doit donc systématiquement négocier avec une préoccupation essentielle, celle de s’assurer que leur enfant ne sera pas marginalisé parce qu’inadapté au corps social. Ils lui apprendront dès le départ une série d’oppositions simples pour l’aider à trouver sa place dans le cadre familial et social : « C’est bien » ou « ce n’est pas bien », « d’accord » ou « pas d’accord « .

La crainte de l’exclusion

Ces dichotomies faciles sont au fondement de l’éducation. La trajectoire sociale de l’enfant les renforcera. L’école impose par la suite le contrôle périodique et son corolaire, l’angoisse de l’échec imminent. Avec des contrôles hebdomadaires, des bulletins trimestriels et un passage ou un redoublement annuel nous intégrons très tôt que nos actions doivent suivre des normes et qu’elles feront quoiqu’il arrive l’objet de jugements simples : réussi ou raté, dedans ou dehors. Des repères sont posés à ce moment là pour nous donner les clés de ce qui devra faire nous éviter l’exclusion :

  • Faire un bon travail
  • Suivre un parcours scolaire linéaire et sans incidents
  • Satisfaire l’enseignant qui nous récompensera
  • Être sage et renvoyer l’image d’un bon élève.

Se préserver des dangers et des menaces

A cette trajectoire progressive de l’enfance, s’ajoute le fait que la société est composée de groupes concurrents et de hiérarchisés. Pour un individu, les passages négociés (et ritualisés) de l’un vers l’autre présentent des avantages mais aussi des risques. Nous complétons plus tard cette perception du risque. Nous risquons également l’exclusion :

  • lorsque nous devons négocier un passage, vers l’âge adulte, les études supérieures, la vie professionnelle.
  • si d’autres viennent nous mettre en danger pour prendre notre place.

L’entreprise taylorienne (ou managériale) dans lequel la plupart démarrent leur vie active conforte donc les repères mentaux que nous avons construit à l’enfance en enrichissant les situations de risque / récompense. D’autres ensembles sociaux fonctionnent aussi de la sorte : l’armée, la prison, etc.

Pour conjurer cette peur, les repères installés par l’écolier continuent de fonctionner. Ils s’imposent à nous comme des règles de fonctionnement du monde. Nous les suivons sans questionnement. Elles sont les balises qui nous permettent de préserver notre place et d’échapper aux menaces.

2. Ces croyances qui nourrissent le découragement

Quelles sont donc ces croyances ? Je les aborderai sommairement ici bas avant de revenir sur chacune d’elles et de détailler comment elle nous handicapent dans la création d’entreprise.

A. le découragement, ce n’est pas bien

La première de ces croyances, c’est bien entendu que le découragement ce n’est pas bien. Les conseils de lutte contre le découragement partent généralement du fait qu’il s’agit d’une chose négative. C’est bien entendu faux. Le découragement est une nécessité émotionnelle. Nous réagissions à une difficulté à agir et nous nous donnons par la même occasion une possibilité de réaction.

En identifiant cet état et en l’acceptant, nous nous préparons donc à agir sur ses causes et à le surmonter.

 

B. des réalisations qui résistent a la critique

Même passés à l’âge adulte, nous sommes encore habités par l’idée de produire une copie parfaite, un résultat qui résiste à toute critique. Nous retrouvons à produire des comportements qui nous ralentissent et renforcent nos doutes. Un mail que l’on relira des dizaines de fois y compris après son envoi ou un compte-rendu écrit par un tiers et que l’on réécrira entièrement en pensant le rendre exhaustif ou de meilleur qualité. Une proposition commerciale dont on pèsera chaque mot.

Nous verrons à quel point ce sentiment est particulièrement aliénant. Il nous pénalise à chaque étape de la création de notre produit et de notre entreprise.

C. une belle histoire a raconter

C’est l’idée que nos actions suivent toutes une cohérence linéaire. Chacune d’elles est censée avoir une cause et des conséquences. La belle histoire est fondée sur le principe de continuité. Tous les aspects de l’expérience sont reliés de manière cohérente et peuvent-être préconçus. Ils ne présenteront pas de difficulté si l’on suit un fil, un chemin.

Cette croyance pose problème dans le cas de l’entrepreneur. Car son expérience est l’une des moins prévisibles qui soit. S’il s’est raconté une histoire avant de commencer, il risque d’en perdre le fil rapidement. Et d’abandonner, comme nous abandonnons la lecture d’un livre qui nous apparaît trop confus.

La belle histoire, c’est aussi celle que l’on trouve dans les ouvrages sur l’entrepreneuriat et les grands entrepreneurs. Nous avons vu dans l’article sur Edison à quel point ces ouvrages pouvaient devenir décourageants.

Bien entendu, il est nécessaire de se raconter une histoire et de la communiquer aux autres. Mais cette histoire nous décourage si elle s’éloigne trop de la réalité que nous vivons. Il est donc nécessaire de chercher le récit positif qui reste au plus près de nos expériences, même si elles sont heurtées.

D. Le juge et la sanction

A partir du moment où nous nous sommes fixés l’objectif de faire aboutir notre entreprise, nous nous croyons jugés et attendus:

  • D’abord à nos proches à qui nous voulons prouver qu’ils pourront être fiers de nous.
  • Puis aux anciens collègues à qui l’on veut montrer que l’on a fait le bon choix en les quittant.
  • A nos partenaires à qui l’on veut montrer que notre projet est particulier et que nous ne sommes pas juste un partenaire parmi d’autres.
  • Et enfin, à nos adversaires qui ont eu tort de nous affronter et à qui nous démontrerons que nous seront quoiqu’il arrive les vainqueurs.

Le juge, c’est l’autre que nous ne parvenons pas à ignorer. L’autre ne peut pas être la raison de notre histoire. Pourtant, il prend souvent une part disproportionnée dans les motifs de création d’entreprise. C’est particulièrement vrai quand la création s’est basée sur de mauvaises raisons. Aujourd’hui nombreux sont ceux qui quittent leur employeur avec un sentiment d’inaccompli. Créer leur entreprise devient le moyen de corriger l’expérience précédente.

Or, en voulant prouver que ça va marcher, l’entrepreneur se cherche ses propres juges. Cette croyance n’a pourtant aucun bénéfice. Elle lui sape le moral dès que certaines de ses actions imparfaites seront exposées.

E. rôle et performativité

Reconnaissance sociale

L’entrepreneur est un rôle social au même titre que celui de directeur d’usine, boulanger, journaliste, l’avocat. Il est souvent assez facile d’expliquer son métier lorsque celui-ci coïncide avec un rôle social. Les emplois de l’économie industrielle ou tertiarisée ne bénéficient pas cette reconnaissance sociale. Ils reflètent en général l’étape d’un processus de production taylorisé (contrôleur qualité, préparateur de commande, responsable marketing, chargé de clientèle, etc.).

Devenir entrepreneur est donc un moment particulier. Nous allons devenir plus indépendants et jouer un rôle social plutôt valorisé.

Toutefois, les autres rôles sociaux ont des performativités réglées. On sait ce que l’on doit faire pour devenir avocat et exercer. De même pour le restaurateur ou le notaire.

Il n’y a pas de bon entrepreneur

Ce n’est pas le cas de l’entrepreneur qui créera un produit nouveau et cherchera à trouver son marché. Il peut ainsi être un startuper qui innove, un patron vedette, un créateur d’emploi … Mais il n’y a pas de façon réglée de le devenir. Le rôle social de l’entrepreneur est plus proche de celui de l’artiste qui travaille la forme et le langage pour produire son œuvre.

Comme pour l’artiste, l’entrepreneur aboutira à une création, l’entreprise et celle-ci se distinguera de sa force de travail. Elle fonctionnera sans son implication opérationnelle. C’est ce moment qui correspond à l’aboutissement pour l’entrepreneur.

L’établissement de règles n’intervient qu’à ce moment là. Il est nécessairement le fruit d’une performativité inventive et exploratoire. Par conséquent, la croyance selon laquelle des entrepreneurs ont fait les choses dans les règles est absurde. Si l’entreprise créée finit par trouver ses règles, c’est par l’essai et ceci demande du temps et de l’erreur.

 

Illustration : Figure, Odilon Redon – 1876, Pastels, Rothschild Art Foundation

Thomas Edison en contre-exemple

By Lotfi BENYELLES

Thomas Alva Edison (1847-1931) est souvent cité en exemple quand il s’agit d’expliquer à un entrepreneur comment il doit faire face au découragement.

Voici deux citations reprises d’un blog dédié au développement personnel des entrepreneurs :

  • « Notre plus grande faiblesse réside dans l’abandon ; la façon la plus sûre de réussir est d’essayer une autre fois . ».
  • « Je ne suis pas découragé car tout nouvel échec constitue un pas de plus vers la victoire. ».

Comme beaucoup de citations sur internet, ces phrases sont suspectes car il est impossible aujourd’hui d’en identifier la source originale.

Je ne les ai pas retrouvées dans sa biographie « Le sorcier de Menlo park« , non traduite.

Ce livre est très intéressant parce qu’il démontre qu’un parcours d’entrepreneur n’a rien de linéaire et qu’il est souvent raconté du point de vue de l’aboutissement.

L’auteur de la biographie, Randall E. Stross, s’intéresse surtout à ses réussites plutôt qu’à ses échecs. Voici l’histoire d’Edison tel qu’il la résume.

Edison, une enfance difficile

Dans l’enfance, Thomas Edison ne parvint pas à trouver sa place dans le système scolaire. Il le quitta à l’âge de dix ans.

Il manifesta dès lors un intérêt pour la lecture et la compréhension des phénomènes physiques et chimiques.

A quatorze ans, il travailla comme télégraphiste.

Étant atteint d’une surdité partielle, il fut très vite pénalisé par l’abandon progressif de l’impression en morse et son remplacement par un appareil émettant un son que le télégraphiste devait transcrire lui-même.

Il décida alors d’améliorer le télégraphe afin de pouvoir continuer à l’utiliser malgré son handicap.

Edison invente le télégraphe

En 1869, il inventa le premier télégraphe capable d’émettre deux messages simultanément et d’imprimer le message reçu en lettres.

Il décida dès lors de se consacrer au métier de l’invention en tant qu’entrepreneur indépendant.

Ses améliorations du télégraphe connurent un succès limité.

Toutefois, il fit à cette occasion des recherches autour des réactions chimiques permettant l’enregistrement d’un signal électrique et il approfondit ainsi ses connaissances en chimie.

Il réalisa aussi que le carbone disposait de capacités supérieures dans la modulation du signal électrique .

Ces découvertes posèrent les bases de ses inventions futures.

Edison créé son laboratoire de Menlo Park et devient l’inventeur qu’on connaît

Il ouvrit un laboratoire à Menlo Park dans le New Jersey où il systématisa ses recherches recrutant une cinquantaine de scientifique.

C’est là que furent inventés le téléphone, le phonographe, la lampe à incandescence, les piles alkalines ainsi que les premiers modèles de caméra et dispositifs de projetions cinématographiques.

Edison, au même rang qu’Einstein et Picasso

Dans le panthéon américain des grands personnages de la modernité, Thomas Edison figure au même rang qu’Einstein et Picasso.

Il est le seul entrepreneur à bénéficier d’un tel statut.

Edison n’a donc jamais écrit lui même sur ses recherches comme Einstein l’a fait (Comment je vois le monde).

Le livre de Ross déroule ses inventions et leurs rapports techniques en l’agrémentant d’anecdotes sur sa vie.

Les trois critères conventionnels de la réussite entrepreneuriale

En plus, ce récit ne fait malheureusement que reprendre les trois critères conventionnels de la réussite entrepreneuriale.

  • D’abord le refus du système, à commencer par le système scolaire.
  • Ensuite le rejet des croyances établies.
  • Enfin une curiosité associée au sens de l’expérimentation.

La difficulté avec cette recette est qu’elle est devenue la norme du récit biographique de l’entrepreneur.

Même en remplaçant le personnage principal (Steve Jobs, Warren Buffet ou un autre), nous aurons toujours l’impression de lire la même histoire.

Edison et la littérature pour entrepreneur

C’est aussi ce que fait Robert Greene dans son livre Mastery*

Grâce à la lecture de livres, l’expérimentation et une expérience pratique dans divers emplois, Edison s’est donné une éducation rigoureuse d’une durée d’environ dix ans à l’issue de laquelle il devint inventeur.

A l’origine de ce succès, son autodiscipline et un désir implacable d’apprendre en saisissant tout ce qui passait à travers son chemin. Thomas Edison a surmonté son manque d’éducation scolaire par la détermination et la persévérance. Il a travaillé plus fort que quiconque. 

[…]

Si vous êtes contraints à prendre ce chemin, vous devez suivre l’exemple d’Edison et développer une autonomie extrême. Dans ces circonstances, vous deviendrez votre propre enseignant et votre propre mentor. Vous vous engagerez à apprendre de toutes les sources possibles. »

Extrait de: Greene, Robert. « Mastery. »

Quand les exemples de réussite renforcent le découragement

Avec Robert Greene, par exemple, nous avons des images simples et chargées en caricatures (implacable, déterminé, persévérant, …).

Et à la fin, le lecteur n’a qu’à faire pareil s’il a envie de réussir.

Greene illustre la remarque que nous avons vu au départ. L’histoire est racontée en partant de la fin.

« Vous voyez ce gars est exceptionnel. On est bien d’accord ? Et bien voilà son histoire… ».

Quand un récit utilise ce stratagème, il cherche à bénéficier de l’évidence du fait accompli.

Il n’a donc plus à restituer ce qui fait l’exceptionnalité : l’expérience vécue par l’entrepreneur.

Il doit juste raconter une histoire prenante.

En effet, restituer une expérience vécue comme l’a fait Einstein, c’est révéler les essais, les doutes et la façon dont ils se sont dissipés.

Ces réalisations sont aussi des transformations l’entrepreneur a été le sujet.

Dit autrement, c’est l’entrepreneur en train de se former qui est intéressant.

Les statues d’entrepreneurs bien faites ont moins d’intérêt.

Surtout quand on sait qu’elles n’existent que dans les livres.