Thomas Alva Edison (1847-1931) est souvent cité en exemple quand il s’agit d’expliquer à un entrepreneur comment il doit faire face au découragement.
Voici deux citations reprises d’un blog dédié au développement personnel des entrepreneurs :
Comme beaucoup de citations sur internet, ces phrases sont suspectes car il est impossible aujourd’hui d’en identifier la source originale.
Je ne les ai pas retrouvées dans sa biographie « Le sorcier de Menlo park« , non traduite.
Ce livre est très intéressant parce qu’il démontre qu’un parcours d’entrepreneur n’a rien de linéaire et qu’il est souvent raconté du point de vue de l’aboutissement.
L’auteur de la biographie, Randall E. Stross, s’intéresse surtout à ses réussites plutôt qu’à ses échecs. Voici l’histoire d’Edison tel qu’il la résume.
Dans l’enfance, Thomas Edison ne parvint pas à trouver sa place dans le système scolaire. Il le quitta à l’âge de dix ans.
Il manifesta dès lors un intérêt pour la lecture et la compréhension des phénomènes physiques et chimiques.
A quatorze ans, il travailla comme télégraphiste.
Étant atteint d’une surdité partielle, il fut très vite pénalisé par l’abandon progressif de l’impression en morse et son remplacement par un appareil émettant un son que le télégraphiste devait transcrire lui-même.
Il décida alors d’améliorer le télégraphe afin de pouvoir continuer à l’utiliser malgré son handicap.
En 1869, il inventa le premier télégraphe capable d’émettre deux messages simultanément et d’imprimer le message reçu en lettres.
Il décida dès lors de se consacrer au métier de l’invention en tant qu’entrepreneur indépendant.
Ses améliorations du télégraphe connurent un succès limité.
Toutefois, il fit à cette occasion des recherches autour des réactions chimiques permettant l’enregistrement d’un signal électrique et il approfondit ainsi ses connaissances en chimie.
Il réalisa aussi que le carbone disposait de capacités supérieures dans la modulation du signal électrique .
Ces découvertes posèrent les bases de ses inventions futures.
Il ouvrit un laboratoire à Menlo Park dans le New Jersey où il systématisa ses recherches recrutant une cinquantaine de scientifique.
C’est là que furent inventés le téléphone, le phonographe, la lampe à incandescence, les piles alkalines ainsi que les premiers modèles de caméra et dispositifs de projetions cinématographiques.
Dans le panthéon américain des grands personnages de la modernité, Thomas Edison figure au même rang qu’Einstein et Picasso.
Il est le seul entrepreneur à bénéficier d’un tel statut.
Edison n’a donc jamais écrit lui même sur ses recherches comme Einstein l’a fait (Comment je vois le monde).
Le livre de Ross déroule ses inventions et leurs rapports techniques en l’agrémentant d’anecdotes sur sa vie.
En plus, ce récit ne fait malheureusement que reprendre les trois critères conventionnels de la réussite entrepreneuriale.
La difficulté avec cette recette est qu’elle est devenue la norme du récit biographique de l’entrepreneur.
Même en remplaçant le personnage principal (Steve Jobs, Warren Buffet ou un autre), nous aurons toujours l’impression de lire la même histoire.
C’est aussi ce que fait Robert Greene dans son livre Mastery*
Grâce à la lecture de livres, l’expérimentation et une expérience pratique dans divers emplois, Edison s’est donné une éducation rigoureuse d’une durée d’environ dix ans à l’issue de laquelle il devint inventeur.
A l’origine de ce succès, son autodiscipline et un désir implacable d’apprendre en saisissant tout ce qui passait à travers son chemin. Thomas Edison a surmonté son manque d’éducation scolaire par la détermination et la persévérance. Il a travaillé plus fort que quiconque.
[…]
Si vous êtes contraints à prendre ce chemin, vous devez suivre l’exemple d’Edison et développer une autonomie extrême. Dans ces circonstances, vous deviendrez votre propre enseignant et votre propre mentor. Vous vous engagerez à apprendre de toutes les sources possibles. »
Extrait de: Greene, Robert. « Mastery. »
Avec Robert Greene, par exemple, nous avons des images simples et chargées en caricatures (implacable, déterminé, persévérant, …).
Et à la fin, le lecteur n’a qu’à faire pareil s’il a envie de réussir.
Greene illustre la remarque que nous avons vu au départ. L’histoire est racontée en partant de la fin.
« Vous voyez ce gars est exceptionnel. On est bien d’accord ? Et bien voilà son histoire… ».
Quand un récit utilise ce stratagème, il cherche à bénéficier de l’évidence du fait accompli.
Il n’a donc plus à restituer ce qui fait l’exceptionnalité : l’expérience vécue par l’entrepreneur.
Il doit juste raconter une histoire prenante.
En effet, restituer une expérience vécue comme l’a fait Einstein, c’est révéler les essais, les doutes et la façon dont ils se sont dissipés.
Ces réalisations sont aussi des transformations l’entrepreneur a été le sujet.
Dit autrement, c’est l’entrepreneur en train de se former qui est intéressant.
Les statues d’entrepreneurs bien faites ont moins d’intérêt.
Surtout quand on sait qu’elles n’existent que dans les livres.