La confiance créative est un livre de Tom et David Kelley (Editions Dunod, traduction Aude Simon et Anne Rametsi). C’est un des rares livres à traiter de la question de la créativité dans l’innovation d’entreprise.
Les auteurs définissent la confiance créative comme la croyance en sa propre capacité à changer le monde et à réaliser un projet que l’on a conçu. Avec ce livre, Tom et David Kelley présentent les méthodes qui permettent d’utiliser la confiance créative pour découvrir de nouvelles idées d’innovation et de les implémenter.
Probablement à une capacité dont seules certaines personnes sont dotées. Pourtant, c’est une erreur. Le potentiel créatif n’est pas un privilège réservé exclusivement à certaines personnes comme les artistes, les écrivains ou les architectes.
Ce potentiel existe en chacun d’entre nous et nous pouvons l’appliquer dans tous les secteurs de nos vies. Les auteurs se sont attachés depuis trente ans à valoriser ce potentiel créatif après de leurs étudiants comme de leurs clients.
Les réussites qu’ils mettent en avant concernent des domaines aussi variés que le médical, le juridique, l’éducatif ou le scientifique.
En 2005, David Kelley a fondé la d.school (École de design associée à l’université de Stanford) pour enseigner une méthodologie d’innovation, basée sur cette confiance créative le « design thinking ».
Les sociétés des nouvelles technologies avaient déjà placé la créativité au centre de leur développement. L’objectif des frères Kelley était d’en faire un enseignement qui bénéficie aux individus et non pas au seul secteur des nouvelles technologies.
Leur école a ainsi accueilli de nombreuses personnes qui pensaient qu’elles étaient dépourvues de créativité. Une fois mises en situation, ces personnes ont redécouvert une capacité créative qu’elles avaient en fait mis en sommeil après leur enfance.
Les auteurs soulignent qu’il faut passer à l’action pour atteindre la confiance créative. C’est cette action qui permettra de transcender les peurs, accepter l’incertitude et lâcher prise (soucis du contrôle). Cet état d’esprit correspond à ce que le chercheur en psychologie sociale Albert Bandura appelle l’autoefficacité.
Les individus ayant atteint l’autoefficacité se mettent en situation de débloquer leur énergie créative et de s’ouvrir de nouvelles possibilités.
Avec la méthode de confiance créative, les auteurs nous proposent une manière de visualiser ce potentiel en nous et de l’exploiter pour trouver notre place dans le monde, sans anxiété ni doute.
DOUG DIETZ est l’ingénieur qui a conçu les systèmes d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’entreprise General Electrics. Ces machines sont reconnues comme les meilleures et équipent de nombreux hôpitaux.
L’ingénieur eut un jour l’occasion de voir une de ses machines fonctionner dans un de ces hôpitaux. Il demanda à l’opérateur de la machine s’il appréciait de travailler avec cette machine. L’opérateur lui répondit que ce n’était pas toujours le cas.
Ces derniers devaient entrer plusieurs minutes dans un tube fermé pendant que la machine faisait des bruits inquiétants. Près de 80% des hôpitaux devaient endormir les enfants pour pouvoir les soumettre à un scanner.
L’ingénieur décida alors de proposer quelque chose de nouveau. Il partit d’abord faire un stage à la d.school de David Kelley où il découvrit la méthode de confiance créative et de design thinking qui y était enseignée.
Il vit en particulier les avantages de ce que les enseignants appellent sur place, la fertilisation croisée. C’est-à-dire le fait de rassembler des personnes de compétences diverses et de leur faire émettre de nombreuses idées qui seront revues plusieurs fois.
En revenant chez GE, Doug savait qu’il ne pourrait pas lancer un grand projet de recherche et de développement. Il se concentra donc sur un nouveau design de l’expérience de scan qui ne traumatiserait plus les enfants.
Doug et son équipe transformèrent l’ensemble de la salle de scan en un décor de fiction où l’enfant était la vedette. En plus du décor, l’opérateur jouait un script qui permettait à l’enfant de se sentir pleinement acteur de ce qui se passait.
Il donnait lui-même le départ de l’expérience. Le temps où il restait figé dans la machine lui était racontée comme étant une position magique qui lui permettait d’éliminer des ennemis.
Doug et son équipe ont pu mis ainsi en place différents décors : pirates, science-fiction, etc. Cette solution réduisit considérablement le nombre d’anesthésies et certains enfants demandaient même à revenir le lendemain.
Pour savoir si une technologie comme celle de Doug peut marcher, elle doit répondre à trois critères :
La technologie est centrale et elle peut être à la base d’une entreprise ou d’une activité prometteuse (en fait, rarement comme on peut le voir ici et ici).
Mais les auteurs nous rappellent que la technologie seule ne suffit pas, sinon nous jouerions tous avec des chiens robots.
Pour qu’une technologie puisse réellement contribuer à l’innovation, elle doit-être économiquement viable nous rappellent les auteurs. Sinon nous nous déplacerions tous en hélicoptère.
Les auteurs nous rappellent qu’il ne peut y avoir d’innovation sans compréhension des facteurs humains et des besoins profonds en particulier. C’est ce facteur qui offre les meilleures possibilités comme le démontre l’exemple de Doug et de ses IRM pour enfants.
Le design thinking est donc un processus d’innovation reposant sur l’équilibre de ces trois facteurs. Ce processus se déroule ensuite sur quatre étapes : l’inspiration, la synthèse, l’idéation/l’expérimentation, et l’implémentation.
Il doit de plus faire l’objet de nombreuses itérations avant son implémentation.
DÉFI CRÉATIF : L’innovation guidée par Le « Design » |
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« Le design thinking repose sur notre capacité humaine naturelle à être intuitif, à reconnaître des modèles et à élaborer des idées à forte valeur émotionnelle autant que fonctionnelles. » – Tom et David Kelley
Tom et David Kelley nous rappellent ici qu’il peut être très risqué de tenter de résoudre la question de l’innovation en étant rationnel et analytique.
Les frères Kelley opposent l’esprit rationnel et analytique à l’esprit expérimental habitué à tirer des enseignements directement des situations, grâce à l’empathie et au prototypage. Cette approche permet de découvrir de nouvelles visions et d’innover de façon durable.
Les frères Kelley ont créée deux contextes créatifs différents.
IDEO est la société qui leur permet de créer des innovations pour leurs clients. Parallèlement à cette activité, ils ont créé la d.school à Stanford pour former des innovateurs. On assiste aux cours librement et les enseignements y sont dispensés sous forme de projet. Les étudiants de Stanford qui assistent aux cours de la d.school ont des parcours académiques différents et viennent du monde entier. Des cadres d’entreprise assistent également à ces cours.
Le défi de la d.school est de permettre à ces gens de devenir des penseurs créatifs capables de se confronter à des questions ouvertes sans s’empresser d’y répondre.
Ils doivent commencer par « viser large » et identifier plusieurs approches possibles avant de converger vers des idées qui pourraient être mises en pratique.
A la d.school, les enseignants encouragent les élèves à observer pour comprendre plus profondément une situation. Ils peuvent par exemple analyser le comportement de personnes buvant un café pour identifier d’éventuels besoins latents et des occasions d’innover.
Dans l’exemple du café, les auteurs nous citent ainsi deux idées suivantes envisagées lors d’un atelier : une cafetière pour chauffer le liquide à la température exacte souhaitée ou une touillette automatique qu’on lâche dans la tasse.
Un état d’esprit de développement
Pour révéler notre confiance créative, il faut accepter l’idée selon laquelle notre potentiel réel est inconnu et qu’il ne peut être connu. Cet état d’esprit nous permettra d’aller de l’avant et d’éviter de rester cloîtrés dans notre zone de confort, convaincus que nos capacités sont limitées et que les autres vont s’en apercevoir.
La confiance créative est donc un désir de guider sa vie plutôt que de se laisser porter. Dans les situations créatives, ce qui compte, c’est l’intention et le choix fait individuellement.
Pour les auteurs, c’est cette intentionnalité qui guidait Steve Jobs. Les auteurs ont travaillé avec lui sur le premier modèle de souris d’Apple en 1980.
Leur collaboration s’est poursuivie par la suite chez Apple, NeXT et Pixar. L’intentionnalité chez Jobs lui permettait de se fixer des objectifs qui dépassaient largement le cadre de ce qui était envisageable pour la plupart des membres de son entourage.
Jobs n’acceptait pas le monde tel qu’il était et il mettait en avant ce critère d’intentionnalité pour pousser les gens au-delà du cadre de pensée qui les limitait.
Le professeur Albert Bandura est un collègue de David Kelley à Stanford. Il parvient notamment à guérir de la phobie des serpents.
Cet apprentissage est en fait une étape dans un processus au sein duquel le sujet gagnera progressivement confiance en lui.
Ce processus progressif par lequel les femmes et les hommes parviennent à surmonter une situation de blocage pour agir dans le monde, Albert Bandura la nomme « l’auto-efficacité ».
L’autoefficacité permet de surmonter la peur de l’échec.
Pour le professeur Dean Keith Simonton du campus de Davis en Californie, les artistes ou scientifiques que nous considérons comme des génies subissent de nombreux échecs mais persévèrent.
Selon lui, les profils les créatifs multiplient les expérimentations et intègrent l’échec dans leur parcours comme une occasion d’apprendre.
« La véritable mesure du succès est le nombre d’expériences qui peuvent être pratiquées en vingt-quatre heures. » – Thomas Edison
Le succès passe par plus d’échecs dans un cycle d’innovation
L’expérimentation doit démarrer au plus tôt pour permettre de recueillir le plus d’informations et d’effectuer corrections.
Les frères Wright et Thomas Edison sont les exemples les plus souvent cités d’inventeurs-expérimentateurs célèbres ayant fait de l’échec une stratégie d’apprentissage.
Même si plus d’un siècle nous sépare d’eux, leur démarche est toujours valable de nos jours.
Steelcase, un client célèbre de l’agence Idéo a ainsi pu renouveler la chaise d’école selon ce principe. Ses ingénieurs et designers se sont déplacés dans les écoles.
Les premiers prototypes étaient réalisés avec du papiers et des adhésifs. Puis, après de multiples ratés, ils ont pu mettre au point une chaise dotée d’un siège pivotant, d’une tablette ajustable, de roulettes maniables et d’un trépied pour le sac à dos.
Comme Albert Bandura, les frères Kelley augmentent graduellement les difficultés pour aider à surmonter la peur de réaliser certaines des meilleures idées.
En fait, l’acquisition de la confiance grâce à l’expérimentation progressive et l’ambiance de groupe facilitent souvent la mise en place de cet état d’esprit.
Le lien inéluctable entre l’échec et l’innovation est une leçon qui ne peut s’apprendre qu’en agissant. Nous donnons donc aux étudiants la chance d’échouer aussi rapidement que possible afin d’augmenter le temps d’apprentissage.Tom Kelley
Les frères Kelley recommandent également la méthode de John Cassidy, enseignant à la d.school. Pour apprendre à ses élèves à jongler plus vite, il leur demande d’abord de laisser tomber les balles. Il les aide ainsi à envisager l’échec comme une chose positive dès le départ. La méthode s’avère très efficace et les auteurs, sceptiques au départ, ont pu constater son efficacité.
Les auteurs prennent également l’exemple du jeu vidéo pour démontrer que l’expérimentation sans peur de l’échec permet un apprentissage rapide. Ce qui nous aide à avancer dans ces cas-là, c’est « l’espoir raisonnable de réussir » et « la possibilité d’une victoire épique ».
Ces deux mécanismes désinhibent le sujet de sa peur de l’échec et maintiennent sa motivation par la projection de la réussite, voire d’un grand succès et d’une reconnaissance. Comme un muscle que l’on entraînerait, notre aptitude à l’essai-erreur permet ainsi de renforcer notre élan créatif.
Dans son blog Metacool, Diego Rodriguez présente ces essais permanents comme une base de données d’expériences « dans laquelle on peut puiser pour effectuer des choix plus éclairés ».
Les auteurs ont également noté que les salariés d’entreprises avaient souvent l’envie de se lancer dans des projets d’entrepreneuriat innovant, mais qu’ils craignaient pour leur situation financière personnelle.
Avec la société HackFWD, ils ont tenté de rendre cette transition moins intimidante en mettant en place le « Geek Agreement ». Ce contrat permet à ces entrepreneurs de recevoir un montant proche de leur salaire actuel pendant un an. Ils peuvent ainsi disposer de temps pour avancer et se rapprocher de l’autonomie financière.
Les frères Kelley nous présentent ici le cas de la société d’investissement Bessemer Investment Trust. Sur son site web, celle-ci présente aussi bien son portefeuille d’investissement réussi que celui des occasions manquées.
L’entreprise aurait pu investir dans PayPal, Fedex, Google à des moments où la valorisation de ces entreprises était très faible.
David Cowan, l’un des associés du cabinet s’est même arrangé pour ne pas croiser Larry Page et Serguei Brin au moment où ils mettaient au point Google. Une amie à lui leur louait son garage en guise de bureau et elle souhaitait qu’il les rencontre.
Il lui répondit : « Comment puis-je sortir de la maison sans passer à côté du garage? ». Pourtant cela n’empêche pas David Cowan d’être l’un des plus grands investisseurs en capital risque.
L’éducatrice Tina Seelig, enseignante à Stanford demande à ses élèves de faire un CV de leurs erreurs. Elle affiche également le sien dans son livre What I wish I knew when I was 20. Elle encourage ainsi ses étudiants à donner à l’échec une valeur positive, ce qui leur permet de les assumer.
David Kelley se rappelle également que ses parents ont toujours permis aux deux frères de faire leurs expériences sans contrainte. Ces derniers ont donc pu s’exprimer librement, quitte à aller parfois trop loin.
Mais ils ne craignaient pas l’échec car leurs parents ne sanctionnaient pas leurs excès.
Toute personne a un potentiel créatif, mais pour certaines, cette créativité a été inhibée par un cadre familial ou social moins propice. Dans leurs interviews, les frères Kelley ont identifié que près d’un tiers des personnes parvenaient à se souvenir d’une « blessure créative ».
C’est-à-dire, un moment dans l’enfance où une création importante pour eux avait été tournée en dérision ou censurée par des proches.
Les vedettes nous font souvent part d’un enseignant ou d’un père qui considérait que leur « talent » ne les mènerait nulle part. Paul Mc Cartney et George Harrison avaient le même professeur de musique au lycée. Ce dernier n’a jamais décelé en eux le moindre talent musical au vu des notes qu’il leur donnait.
Pour pouvoir mettre en place son exploration créatrice, il faut renoncer à deux choses :
Ces deux points limitent considérablement notre capacité à travailler individuellement ou en équipe et il faut s’en débarrasser au plus vite.
Nous ne parvenons pas à libérer notre confiance créative si nous tentons d’être comme il faut. De plus, dans le travail en groupe, nous avons besoin d’être capables de demander de l’aide et cette aide est fondamentale pour avancer.
De même, le dessin est un formidable atout pour la confiance créative. Pas nécessairement en tant qu’activité artistique mais plutôt comme support d’une activité visuelle. L’auteur suggère de dessiner à partir de formes de base et de franchir le cap progressivement en prenant confiance, comme on découvrirait une nouvelle activité sportive.
DEFI CREATIF : CROQUER DES PERSONNAGES |
Dan Roam propose de se concentrer sur l’aspect communicatif du dessin et non pas sur son aspect artistique. Il propose trois manières de dessiner en fonction du message à faire passer.
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Le rapport au dessin illustre bien cette question de la créativité. L’effort à réaliser n’est pas lié à la qualité du trait ou à une habileté. Il s’agit plutôt de ne pas s’autojuger.
En surmontant ses peurs et en superposant la méthodologie du design thinking à nos connaissances, de nombreuses options s’ouvrent à nous.
4 étudiants de la d.school ont utilisé le design thinking pour transformer leur idée de départ en une entreprise. Rahul Panicker, Jane Chen, Linus Liang et Naganand Murty ont transformé leur projet classe en produit réel, l’Embrace Infant Warmer. Il s’agit d’un couffin chauffant pour nouveau né prématuré et dont le prix est 99% moins cher qu’une couveuse ordinaire.
Le cours de la d.school s’appelait : « Concevoir pour une accessibilité financière extrême ». Les quatre étudiants provenaient de filières technologiques ou management et n’avaient aucune connaissance en santé publique.
Le projet de ces étudiants était de concevoir une couveuse pour nouveau-nés prématurés qui pourrait être utilisée dans les pays en développement. Le prix d’une couveuse ordinaire est de 20 000$ pièce en moyenne. La solution qui apparut logique était de réduire systématiquement le coût de conception en remplaçant les matériaux utilisés par des matériaux moins coûteux.
Mais cette solution ne permettait pas d’empathiser avec les utilisateurs ciblés et ce critère est fondamental dans l’innovation et la démarche du design thinking.
Un des étudiants parvint à obtenir un financement pour se rendre au Népal. Cette expérience fut déterminante pour la suite. Une fois sur place, il découvrit dans un hôpital urbain que ces derniers étaient bien équipés en couveuses, mais que ces dernières étaient peu utilisées.
Un médecin sur place lui expliqua quelles étaient les raisons de cette sous-utilisation. Les nouveau-nés qui en avaient le plus besoin ne naissaient pas en ville, mais à la campagne, là où les femmes restent actives le plus longtemps pendant leur grossesse.
L’inutilité de la couveuse n’était donc pas due à son prix à la faible mobilité du dispositif.
L’étudiant rendit compte de sa découverte à ses collègues à Palo Alto. Deux options se présentaient:
Conseillés par une enseignante, ils choisirent la seconde option, la plus difficile. C’est celle qui répondait le mieux au cadre posé par le cours : « accessibilité financière extrême ».
Ils redéfinirent leur questionnement initial (une couveuse) de manière plus large et sous forme de question :
« Comment pourrions-nous créer un appareil pour réchauffer les bébés qui pourraient donner aux parents dans les villages isolés une chance d’aider leurs enfants mourants à survivre ? »
Il faut souligner ici le changement de cible. Il ne s’agit plus d’adresser les hôpitaux, une zone géographique ou un pays entier, mais les parents « seulement ».
Après 4/5 cycles de prototypage, l’équipe mit au point un petit sac de couchage contenant des poches de paraffine : l’Embrace instant warmer. Une fois que celles-ci étaient chauffées, le dispositif pouvait conserver sa température pendant quatre heures.
Les étudiants testèrent leur prototype sur place pendant deux ans. Dans l’état du Maharashtra en Inde, ils découvrirent que l’affichage des températures pouvait perturber la compréhension du fonctionnement de l’Embrace.
Ils remplacèrent cet indicateur par un simple signal OK vert qui s’allumait lorsque la bonne température était atteinte et un voyant rouge qui s’allumait lorsqu’il fallait réchauffer les poches de paraffine.
Il répondait à un besoin ignoré ou mal appréhendé. Le produit est aujourd’hui vendu par la société Embrace et par General Electric et il est distribué dans dix pays.
Tom et David Kelley nous donnent 8 pistes pour cultiver cette étincelle créative qui a permis à son groupe d’étudiants d’aller plus loin et de créer l’Embrace instant Warmer.
Les frères Kelley nous rappellent que toutes les personnes créatives ont décidé de l’être. Il ne s’agit donc pas d’une caractéristique innée, mais bien d’une décision.
En prenant cette décision, ils sont appris à :
– Redéfinir les problèmes de façon nouvelle afin de trouver des solutions.
– Prendre des risques calculés et accepter que l’échec fasse partie du processus d’innovation.
– Affronter les obstacles rencontrés lorsque nous sommes confrontés au statu quo.
– Tolérer l’ambiguïté lorsqu’ils ne sont pas certains d’être sur la bonne voie.
– Continuer à se développer intellectuellement plutôt que de laisser leurs compétences et leurs connaissances stagner »
Extrait de La confiance créative de Tom et David Kelley.
Lorsque vous voyagez pour la première fois dans un pays, vous portez un regard neuf sur ce qui vous entoure. Il en est de même pour les situations créatives.
Il faut s’exposer à des expériences nouvelles qui remettent en cause notre façon habituelle de voir les choses. C’est ce qu’on fait les étudiants cités en exemple.
Ils n’ont pas cherché à s’appuyer sur leurs compétences d’étudiants en ingénierie ou en management. Ils sont partis à la découverte d’un sujet nouveau qui remettait la façon habituelle de voir les choses et sur lequel ils pouvaient eux-mêmes porter un regard neuf.
En adoptant cet état d’esprit du voyageur, nous pouvons remarquer de nombreux détails que nous aurions ignorés d’ordinaire.
Pour cela, la quantité est également importante. Ce qui rend les investisseurs en capital risque perspicaces, c’est le fait qu’ils sont constamment exposés à de nouvelles idées. Plus nous sommes exposés à des idées neuves et plus notre perspicacité s’aguerrit.
On peut multiplier les idées en consultant de nouveaux projets sur internet, en allant à des séminaires, en faisant des rencontres avec des personnes inspirantes, en lisant des blogs, en regardant des Ted talks, etc. Mais on peut aussi le faire en changeant régulièrement de chemin pour rentrer chez soi.
Pour cultiver cet état d’esprit, les équipes d’IDEO ont transformé l’un des murs de leur salle de repos en tableau noir. Ce dernier sert de forum informel dans lequel les salariés formulent leurs idées et plus généralement, ce qui leur passe par la tête.
On y trouve des questions et des dessins que certaines personnes n’hésitent pas à compléter.
DEFI CREATIF : CREER UN TABLEAU NOIR |
Pour créer un tableau noir, les auteurs conseillent donc les étapes suivantes :
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Lorsque nous sommes détendus, notre esprit crée des liens entre des idées que nous dissocions d’ordinaire. Les personnes dont l’esprit vagabonde ont plus de facilité pour créer des liens inattendus qui peuvent se révéler particulièrement fructueux.
Deux moments sont propices pour exploiter cette détente :
Lorsque nous nous promenons. Nietzche ou Waldo Emerson étaient de grands promeneurs et Nietzche disait : « Seules les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose. »
Au réveil, nous sommes dans un état mi-rêveur mi-alerte favorable aux idées nouvelles
Agissez en anthropologue, familiarisez-vous avec le quotidien de ceux que vous étudiez et fondez-vous dans l’environnement pour découvrir des opportunités ignorées.
C’est ce principe qu’a appliqué l’équipe d’Embrace lorsqu’ils ont quitté les hôpitaux du Népal pour aller à la rencontre des femmes de la campagne qui avaient perdu leurs enfants à la suite d’une naissance prématurée.
Les auteurs citent également l’exemple de la banque PNC. Elle a monté un panel et rencontré des jeunes pour créer un produit adapté à leur besoin.
Elle a ainsi lancé un portefeuille virtuel qui permettait à ces jeunes clients de consulter leurs soldes et d’être alertés avant le prélèvement de leurs factures. Le produit a connu un grand succès qui compensait largement le manque à gagner en agios.
David Kelley raconte que l’une de ses créations, la cuillère à glasse Zyliss, a pour point de départ l’observation d’un détail très anecdotique. David Kelley réalisa en observant un groupe de personnes mangeant de la glace que ceux-ci léchaient la cuillère avant de la déposer dans l’évier pour la laver.
C’est ainsi qu’il eut l’idée de créer cette cuillère à glace facile à lécher.
« l’observation de contradictions entre ce que l’on voit et ce à quoi l’on s’attend doit être considérée comme un signal qui nous engage à aller voir plus loin. » – David Kelley
Les questions commençant par pourquoi nous permettent de dépasser la superficialité d’un sujet.
Si vous voyez un photographe charger un film noir et blanc dans un vieil appareil moyen format des années 60, posez-lui d’abord la question du pourquoi plutôt que de souligner tout de suite qu’il s’agit de dispositifs anciens et dépassés. Vous découvrirez une intention que vous n’imaginiez pas et qui pourra peut-être être à l’origine d’une bonne idée.
Une des membres de l’agence Ideo a trouvé qu’il était encore plus intéressant de poser des questions ludiques, du type « si vous deviez convaincre un ami de lire ce livre, que lui diriez-vous? » plutôt que « pourquoi aimez-vous tant ce livre? »
Il faut également renoncer à l’idée que les clients vont vous dire précisément ce dont ils ont besoin. Ces derniers ne disposent ni des connaissances ni du vocabulaire pour vous le dire.
Les résultats obtenus seront plus intéressants si nous posons ce type de questions :
Dans le cas de l’Embrace, le déplacement d’un des étudiants à l’étranger a permis de réaliser que l’hypothèse de départ était erronée. Le prix des couveuses n’était pas trop onéreux pour les hôpitaux du tiers-monde et celles-ci étaient même sous-utilisées.
David Kelley note que la meilleure façon de redéfinir un problème est de l’humaniser. C’est la seule façon d’identifier un problème réel. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Doug Dietz lorsqu’il a tenté de réduire l’inquiétude que ses scanners provoquaient chez les enfants (cf. exemple plus haut).
Voici quelques techniques de redéfinition :
Vous trouver ici un ensemble d’hypothèses de startup remises en cause provenant du livre d’Eric Ries.
Les sessions créatives sont beaucoup plus intéressantes et fécondes lorsque les idées circulent d’une personne à l’autre. Il faut donc mettre en œuvre des collaborations afin de nous permettre de puiser dans nos imaginations respectives et bâtir avec ceux qui partagent avec nous cette volonté créative.
8. Cultivez la sérendipité créative
L’invention de la gomme vulcanisée qui est utilisée pour les pneumatiques a pour origine un accident. Charles Goodyear avait en effet déversé par inadvertance un mélange de sulfure et de caoutchouc sur sa cuisinière. Si Goodyear a compris tout de suite la signification de cet accident, c’est qu’il cherchait depuis de nombreuses années un procédé scientifique pour stabiliser le caoutchouc.
L’histoire des sciences est remplie d’évènements de ce type présentés comme des accidents : la découverte de la pénicilline, celle du pacemaker, la saccharine, etc. Dans tous ces cas, les scientifiques à l’origine d’un accident ont compris que leur erreur était une trouvaille.
Tous avaient mené de nombreuses expériences jusqu’à cet heureux accident.
« Le hasard ne favorise que les esprits préparés. » – Louis Pasteur