L’usine à innovation

By Lotfi BENYELLES

Eric Ries tente de définir dans son livre ce qui fait ce qui réunit les startups et les grandes entreprises qui innovent. Il reprend pour cela l’idée d’Edison, l’usine à innovation (Innovation factory).

La startup est selon Eric Ries une institution humaine conçue pour créer un nouveau produit ou service dans des conditions d’extrême incertitude.

C’est ce qui fait qu’elle ne peut se réduire à la somme des individualités qui la composent. La startup est donc une entreprise dont la dimension humaine est déterminante et cela rend impossible l’application littérale des principes du management général avec leur pilotage à la tache. Ces principes ne sont pas conçus pour s’adapter à l’incertitude. Or les grandes entreprises ne fonctionnent pas de la sorte. Elles doivent concilier une nécessité d’innovation avec des contraintes massives posées par la gestion taylorienne des ressources.

 

Innovation incrémentale versus innovation disruptive

Eric Ries prend l’exemple de Snaptax. Il s’agit d’une startup américaine lancée en 2009. Son produit permettait dans un premier temps le remplissage en saisie électronique de la déclaration annuelle de revenu à partir d’une photographie de la version papier. La première version lancée en Californie eu connut des débuts difficiles mais elle permit de recevoir suffisamment des retours clients. Il apparut que ces derniers souhaitaient que le produit fasse l’ensemble de la déclaration, de la photo à la soumission électronique aux impôts.

Après avoir surmonté les difficultés techniques de cette évolution, le produit fût lancé au niveau de l’ensemble des Etats-Unis en 2011. Le lancement fut un succès avec 350 000 téléchargements les trois premières semaines.

 

L’arbre qui cache la forêt

Snaptax n’est pas une startup indépendante. Elle a été développée par Intuit America, un grand éditeur de solutions comptables pour les particuliers et les petites entreprises. Ceux qui furent chargés de développer Snaptax étaient des salariés payés. Ils venaient au bureau tous les jours comme n’importe quel salarié. Mais Eric Ries indique qu’ils avaient un profil d’entrepreneur.

Comme l’a identifié Clayton Christensen dans son livre Le dilemme de l’innovateur : dans le cadre du management général, l’innovation est essentiellement incrémentale. Elle permet l’amélioration de produits qui ont déjà trouvé leur marché. En même temps, elle échoue à créer des produits de rupture. Pourtant, seuls ces derniers sont capables d’apporter de nouvelles sources de revenu à long terme.

 

Innovation aux abords

En développant Snaptax, Intuit a donc trouvé le moyen de surmonter cet écueil. La structure avait été créée pour développer ce produit était un « îlot de liberté ». Il n’a ainsi pas été nécessaire de recruter des entrepreneurs stars. Il n’y a eu non plus de processus managérial avec un suivi constant. Au contraire, la direction d’Intuit s’est contentée de mettre en place une équipe de cinq personnes. Elles ont eu carte blanche pour innover. L’innovation est donc venue d’une décision du management de l’entreprise qui a tenu compte de deux choses :

  • le côté bottom up, décentralisé et imprévisible de l’innovation
  • la nécessité de mettre en place une discipline managériale qui soutiennent ceux qui créent tout en évaluant leurs réalisations.

Intuit avait déjà innové en lançant Turbotax en 1983, un outil qui anticipait l’arrivée des outils comptables pour les particuliers. Dix ans plus tard, la solution était devenu une référence du marché aux côtés de Microsoft Money. Mais dans les années 2000, l’entreprise ne parvenait plus à innover. Les lancements de nouveaux produits se traduisaient par des échecs. Eric Ries, en intervenant dans cette société remarqua que la saisonnalité étant importante dans le métier Intuit. L’amélioration produit avaient tendance à se focaliser sur une seule innovation qui était testée (retours clients) sur la période de fin d’année fiscale.

 

Innovation vs. politique d’entreprise

Aujourd’hui, le rythme est d’à peu près 70 tests par semaine. Les améliorations du site de production sont quotidiennes. Comme le fait remarquer le fondateur d’Intuit, Scott Cook, le faible nombre de feedbacks amène les employés à baser leur décision sur de l’arbitraire et à se comporter en politiciens pour les défendre.

Au contraire, l’accroissement des tests et feedbacks permet de démultiplier les idées. Elle permet également de transformer les employés en entrepreneurs. Pour Scott Cook, la difficulté ne vient pas des opérationnels mais des managers. Ces derniers sont formés à analyser : c’est-à-dire établir un plan et commenter l’écart par rapport à ce plan. Or ce n’est pas le contexte des innovations disruptives. Le sens de l’adaptation y est bien plus déterminant que le respect d’un plan.

 

L’innovation factory

Les entreprises installées doivent donc mettre en place des techniques pour favoriser une innovation disruptive de façon industrielle. Car le contexte de l’innovation disruptive nécessite une organisation conçue pour créer de nouveaux produits et services dans des conditions d’extrême incertitude.

Or les entreprises passent du temps à exploiter des innovations précédentes ou à favoriser les améliorations des métiers historiques. Ce temps est un un temps précieux que l’on consacre à des acquis à croissance limité.

Ce temps doit être consacré à mettre en place une démarche d’innovation industrielle, une usine à innovation (innovation factory). Cette orientation est nécessaire car même leurs métiers historiques sont aujourd’hui menacés par un contexte général favorable à l’innovation.

Mais l’innovation factory est différente des pôles de recherche des entreprises traditionnelles. Ces derniers sont trop souvent centrés sur des explorations technologiques qu’elles ne confrontent pas aux usages. Comme pour les startups, elle s’appuie sur les outils du lean startup. Toute structure chargée d’une innovation dans l’entreprise doit s’appuyer sur la boucle de feedback. Elle doit poser et définir ses hypothèses. Elle doit expérimenter.

Le développement de l’Innovation factory relève donc de la responsabilité du management de l’entreprise.

 

Photo : The Physical Rhythm Machine – Philip Vermeulen (NL) – Credits : Florian Voggeneder – Licence creative commons Checkoff – Licence Creative Commons

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