Produire en batch plutôt qu’en grande série

By Lotfi BENYELLES

Dans le livre Lean Thinking, James Womack et Daniel Jones racontent comment une simple expérience avec leurs enfants leur a démontré les avantages de la production en batch. L’expérience qu’ils partagent se déroulait ainsi. Deux groupes de 100 enveloppes devaient être remplies, adressées et timbrées.

  • Le premier groupe d’enveloppe fut traité « à grande échelle ». Cette façon paraissait plus intuitive aux enfants des deux chercheurs. C’est eux qui qui traitèrent ce groupe d’enveloppe, très motivés par le jeu par le jeu qu’on leur proposait. Les enfants insérèrent d’abord les lettres dans les 100 enveloppes. Puis ils écrivirent les adresses à la chaine sur les 100 enveloppes. Enfin, à la troisième étape, les enfants collèrent l’ensemble des timbres.
  • Le second groupe d’enveloppes fut traité en mode batch, c’est à dire à l’unité. Il fut pris en charge par l’un des deux adultes. Une seule enveloppe était remplie, adressée et timbrée à la fois.

L’adulte arriva très largement en tête. Pas seulement parce qu’il était un adulte, mais surtout parce que l’approche « une enveloppe à la fois » était plus efficace. Pour les sceptiques, cette vidéo fait la demonstration du test et de l’efficacité de la méthode choisie par l’adulte.

Pourquoi produire en batch est plus efficace ?

Parce que l’approche « à grande échelle » ne considère pas le temps passé en dehors des tâches principales. Il fallait aux enfants du supplémentaire pour le tri des enveloppes, pour la manipulation du tas de lettres désorganisées. Il leur en fallait aussi pour corriger les erreurs d’adressage et recoller les timbres qui s’étaient décollés au moment du classement. L’expérience démontre que l’efficacité d’une tâche ne garantit pas l’efficacité de l’ensemble du processus.

L’approche à « grande échelle » délivre un lot de nombreux produits tout à la fin du processus de production. Ce processus de production peut parfois prendre des semaines et livrer de grandes quantités de produit. Que se passe-t-il lorsque l’on se rend compte bien après la livraison qu’une des pièces contenait un défaut structurel ? Ou alors lorsque les clients décident que le produit les intéresse pas ?

L’approche grande échelle provoque régulièrement des rappels sécurité réguliers dans l’automobile, l‘électroménager, l’industrie du jouet, etc. Elle est à l’origine des soldes, déstockages et mises au rebut régulières. Il apparaît évident que ce mode de production génère d’énormes gâchis. L’avantage du gain de temps et du faible coût qui lui est prêté est contredit par une vision plus large de ses impacts. Pourtant, la plupart des systèmes de production sont adaptés à la production à grande échelle. Celle-ci est nécessaire pour l’amortissement de machines de fabrication coûteuses et lourdes à faire fonctionner.

Toyota et les petites séries

Dans les années 70, Toyota a adapté son système de production afin qu’il produise en petit volume et qu’il s’adapte aux erreurs et aux anomalies. Il s’agit là de la première méthode Lean développée par Taïchi Ohno et Shigeo Shingo et d’autres pour le constructeur automobile japonais qui les employaient alors.

Les ingénieurs de Toyota constatèrent la faible qualité des automobiles produites par l’ensemble des constructeurs automobiles japonais. Ils imaginèrent un système de production capable de produire en petite quantité pour améliorer la qualité des voitures Toyota. L’entreprise fabriqua ses propres machines outils. Ces dernières pouvaient être reconfigurées rapidement par un nombre limité de personnes. Chaque nouvelle machine outil devait réduire le temps de travail simplifier le processus de production. Elles devaient surtout produire une pièce qui faisait plus de choses que sa version précédente et avec moins de composants.

Toyota se retrouva en mesure de produire de petites quantités et d’ajuster ses et ses pièces pour varier sa production. Ce système batch lui a également permis d’identifier les problèmes de qualité assez tôt. Un ouvrier pouvait ainsi arrêter la chaîne de production s’il détectait un problème qu’il ne pouvait pas résoudre seul. L’entreprise devint une référence en matière de production de voitures de qualité à bas prix. Elle pût ainsi adresser une plus grande variété de marchés dans le monde et devenir en 2008 le premier constructeur mondial.

Production en batch dans une startup

Pour une startup, la production en batch ne sert pas uniquement à s’adapter à une demande client ou à améliorer la qualité de son produit. Elle permet de construire un modèle de croissance durable. Elle minimise en effet les dépenses et en réduit le temps passé à produire. Il devient ainsi possible de disposer rapidement de retours clients sur les améliorations nécessaires aux produit.

Le lean façon Toyota s’est généralisé dans l’industrie des technologies de l’information. C’est ce système qui permet la sortie annuelle de nouvelles versions de l’Iphone. Avec chaque nouvelle version, près de 1500 petites modifications sont réalisées.

Des correctifs et des améliorations plus petites sont également permises par production en batch. A noter néanmoins que le lean Toyota n’est que partiellement applicable aux startups car le fait de concentrer des améliorations dans une seule version est un facteur de risque trop important pour elles.

Réduire les risques

Chez IMVU, la startup à l’origine du Lean Startup, chaque amélioration était développée et livrée en une fois. L’équipe qui en avait la responsabilité était composée d’un binôme développeur / designer. Ce traitement en petits lot (une amélioration à la fois) permettait de maîtriser les défauts éventuels. En cas de dysfonctionnement d’une amélioration livrée aux clients, il était possible de revenir en arrière. La nouvelle fonctionnalité était suspendue jusqu’à ce qu’elle soit réparée.

Ce processus permettait d’éviter de cumuler les problèmes en cas de livraison de nombreuses fonctionnalités. L’amélioration du jeu était quotidienne, sans système de version comme pour l’iPhone. Pour une startup, il est nécessaire d’adopter la démarche batch en se concentrant sur une amélioration. C’est ce qui permet de réduire les risques liés à la sortie de nouveaux produits. Eric Ries appelle cette démarche « système immunitaire du produit ».

Le système immunitaire d’une startup

Prenons cet exemple. Suite à la livraison d’une nouvelle version d’un produit, ce dernier ne se comporte pas de façon attendue. Les indicateurs d’acquisition et de vente commencent à s’effondrer. La raison est qu’un bouton qui était de couleur rose est devenu blanc. Il est ainsi invisible car de la même couleur que le fond d’écran. Le test automatique n’ont pas permis de déceler cette anomalie et le contrôle humain n’a pas fonctionné. La startup doit donc tirer son fil d’alerte et appliquer la procédure suivante :

1. L’amélioration qui venait d’être livrée doit-être supprimée au plus vite
2. Toutes les personnes concernées doivent être contactées et regroupées
3. Plus aucune modification ne doit être apportée … tant que la raison de l’anomalie n’a pas été identifiée
4. Le problème doit-être corrigé et le fil des livraisons d’améliorations peut reprendre

Ces quatres étapes correspondent à l’activation du système immunitaire de la startup.

Le lean et le système de production batch touche aujourd’hui l’ensemble des industries. Il ne se limite plus à l’industrie lourde et au développement web. Nous verrons dans l’article suivant quels sont les facteurs qui permettent la généralisation de la production en batch.

 

Photographie : Universal everything – Credits : Ars electronica – Licence Creative Commons

Partager l'article :
 
 
    

Leave a Comment:

Leave a Comment:

Voulez-vous apprendre à écrire des articles captivants ?