Définir les hypothèses de sa startup

By Lotfi BENYELLES

Une startup a pour objectif de transformer une idée en produit. Au cœur de ce mécanisme, l’interaction client lui permet de récupérer des données qualitatives et quantitatives. Ces informations sont plus importantes que les investissements ou les récompenses reçues. Elles permettent d’évaluer et de recadrer les idées qui servent de base au produit et lui permettront de trouver sa clientèle et son marché. Mais avant d’en arriver là, le livre le Lean Startup propose d’identifier clairement la profession de foi et les hypothèses de sa startup. C’est à dire ce qui nous amènent à croire que notre produit va marcher et de les tester.

Boucle de feedback

La boucle de feedback est présentée dans son ordre opératoire, c’est-à-dire que on réalise, on apprend du produit mis en oeuvre puis on en retire les enseignements pertinents.

Hypothèses de sa startup

Eric Ries – Profession de foi et hypothèses de valeur et de croissance

Mais la difficulté se situe au niveau de l’interprétation des données qui amènent aux premiers apprentissage. En fonction de leur sensibilité, les entrepreneurs peuvent être amenés à avoir une interprétation biaisée. Des ingénieurs chercheront à avoir le meilleur produit possible, des managers voudront des informations toujours plus précises.

Hypothèses fondamentales

Il est donc fondamental de ne pas attendre la réalisation du premier produit et de tester son idée au fondement de la startup. Pour cela, Eric Ries propose de poser les hypothèses fondamentales de la création du produit :

  • La profession de foi : La croyance formulée par l’entrepreneur en un produit qui va marcher
  • L’hypothèse de valeur : L’hypothèse qui permet de penser que des clients trouveront le produit intéressant (le problème qu’il règle) ;
  • L’hypothèse de croissance : L’hypothèse qui pose comment les clients vont accéder au service

Dès le départ, ces hypothèses doivent être intégrées à la boucle de feedback, c’est à dire testées. Et les premiers enseignements devront amèner à la confirmation de ces hypothèses et à bâtir le produit minimum viable (MVP).

La boucle de feedback doit donc être installée dès l’élaboration du business plan. Chaque business plan est basé sur un ensemble d’hypothèses. Les entreprises managériales conventionnelles ont tendance à ne jamais réinterroger ces hypothèses une fois le projet lancé. Dans le cas du Lean, il s’agit justement de bâtir une organisation qui testera ces hypothèses de façon systématique. A tous les moments de la vie du projet.

La profession de foi

Dans les religions monothéistes, la profession de foi est au fondement de la vie religieuse d’un individu. En faisant sa profession de foi, une personne déclare sa croyance devant un publique. Nous retrouvons ici l’idée d’affirmer sa croyance, mais aussi de la soumettre à la connaissance du public et de susciter une réaction.

La difficulté vient du fait que les des professions de foi n’ont rien à voir avec la rationalité, elles sont basées sur des intuitions. Il n’est pas nécessaire d’étayer son intuition devant une assemblée de croyants. Mais ce n’est pas le cas pour l’entrepreneur. Dans le lean startup, il faut au contraire être en mesure d’expliciter sa croyance en la réussite d’un produit. C’est à cela que servent les hypothèses de valeur et les hypothèses de croissance.

Analogies

Or la plupart des entrepreneurs se contentent d’hypothèses vagues appuyées sur une analogie pour défendre leur produit. Eric Ries cite un exemple basé sur son expérience. Une startup A avançait que l’introduction du chargement progressif des images avait facilité le développement du web. La startup A soutenait ainsi qu’une entreprise X était parvenue à s’imposer sur le marché Y parce que son produit était très attendu et que le chargement progressif d’image le rendait enfin performant.

La startup A en profitait pour faire une analogie avec sa situation. Elle prévoyait que son produit allait connaître un succès comparable sur un marché B. Son produit était selon elle attendu par les clients de ce marché. De plus une technologie qui rendait son produit très performant était de plus en plus utilisée sur ce marché B.

Eric Ries souligne le fait qu’un tel argumentaire analogique n’est pas factuel. Il peut-être contesté sur plusieurs points. Le chargement progressif des images a-t-il réellement favorisé l’adoption du web ? De plus qu’est-ce qui permet d’avancer que le marché Y et le marché B son comparables ?

Il n’y bien sûr pas de problème à établir des analogies. Mais comme on le voit dans cet exemple, on vite fait de tomber dans simplisme. En s’appuyant sur ce type d’exemples, on tend à ignorer les situations complexes qui ont amené un produit à s’imposer sur un marché.

Antilogies

La profession de foi du startuper est un pari subjectif qui porte une grande part de non rationnel. Il faut donc se méfier des analogies parfaites qui ressemblent à des équations linéaires.

Ries suggère donc de s’appuyer à la fois sur l’analogie et l’antilogie au moment de définir sa profession de foi d’entrepreneur. Cette distinction provient du livre de Randy Komisar, « Getting to Plan B ».

Avec l’iPod, Steve Jobs et Apple avaient deux références, une analogique, le walkman de Sony qui pouvait permettre de penser que des clients étaient prêts à payer deux fois. D’abord pour un objet permettant d’écouter de la musique. Puis une autre fois pour la musique elle-même.

Il avait également une référence antilogique, celle de Napster qui laissait penser qu’ils n’étaient plus prêts à payer pour de la musique disponible en ligne gratuitement. La profession de foi posée par Steve Jobs fut donc que les clients pouvaient-être prêts à payer pour de la musique téléchargée à condition d’y apporter une valeur (légalité, étendue de l’offre musicale et bibliothèque personnelle simple à synchroniser). Sa profession de foi aboutit en un produit réussi car son hypothèse de valeur était correcte.

Destruction de valeur

Nous l’avons vu dans l’article sur Edison, ces récits de réussite masquent les échecs des autres et les accidents de parcours de ceux qui ont réussi. Pour qu’un entrepreneur puisse analyser sa trajectoire, il est donc nécessaire de comprendre précisément ce qui produit ces échecs. C’est à dire en quoi il créé et détruit de la valeur.

En effet, une fois les hypothèses posées, les premiers feedback peuvent nous indiquer qu’il faut poursuivre sur cette voie. Mais en l’absence de système d’analyse pertinent, des difficultés peuvent apparaître sans que nous soyons en mesure de les voir. Même des startups qui génèrent du chiffre d’affaire et de la rentabilité à court terme peuvent en réalité détruire la valeur.

Exemples

C’est l’exemple caricatural que donne Ries au sujet de l’ensemble des pyramides de Ponzi. On peut aussi penser au système bancaire dans les années qui précédèrent la crise de 2008.

Plus modestement, c’est la mésaventure récente qu’a connu une startup française de l’habillement. Ses indicateurs de croissance étaient parfaits (+ de 50% de croissance annuelle) mais pas sa rentabilité. Elle poursuivit malgré tout une phase de croissance externe en Europe financée par des investisseurs. La croyance de ses fondateurs étaient que dans le contexte du développement du commerce de l’habillement en ligne, il y avait une demande forte d’habillement moyen-haut de gamme (hypothèse de valeur). Ils devaient donc gagner rapidement des positions (hypothèse de croissance : croissance externe). Plus vite ils seraient en mesure d’imposer leur image, plus vite ils imposeraient leur canal de distribution. Les marges augmenteraient donc dans un second temps. Mais au bout de trois ans d’activité, l’entreprise se retrouva à court de liquidités et les investisseurs cessèrent de la soutenir. Elle fut liquidée.

Système d’apprentissage

Rien dans les hypothèses établies initialement par cette startup ne semble contestable. D’autres entreprises du même secteur ont réussi en partant de ces mêmes hypothèses et en s’adaptant progressivement. Mais dans le cas de cette entreprise, ses dirigeant sont revenus systématiquement auprès des investisseurs en demandant de financer des acquisitions externes. Il apparaît justement que le système d’apprentissage n’a pas été mis en place. Le modèle de cette entreprise pouvait-il être rentable ? Les dirigeants n’ont jamais mis en place le système qui leur permettait de répondre. Les hypothèses de départ n’ont donc jamais été confirmées mais les dépenses se poursuivaient. La confiance des investisseurs fût donc rompue.

Hypothèses et analytique de l’innovation

La seule façon de se maintenir dans un schéma de création de valeur et d’innovation est donc de poser dès le départ une méthode d’analyse. Celle-ci permettra d’évaluer le progrès de l’entreprise en apprenant de ce qui se passe sur le marché. C’est à dire auprès des clients, des concurrents, des fournisseurs, des distributeurs, etc. C’est ce qui permettra de savoir quelles hypothèses méritent d’être testées. Cela depuis le moment du lancement du produit et dans la vie future du produit. Ce point est fondamental car ce système d’apprentissage est un élément déterminant pour conserver tout le monde à bord, dans la durée. Equipes de production, dirigeants, investisseurs, etc.

Ce système que Ries appelle l’analytique de l’innovation (Innovation accounting) va au delà de la confirmation des hypothèses initiales. Il de permettra de bâtir un archétype de client et un produit minimum viable en formalisant les informations obtenues grâce au design thinking. Il permettra également d’ajuster ses hypothèses en fonction des enseignements que fera l’entrepreneur. C’est ce que nous verrons dans l’article suivant.

 

Credit photo : Gunar Sg – Licence Creative commons

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