Une startup se développe généralement grâce à un seul produit. C’est lui qui va justifier l’ensemble des efforts réalisés par l’entrepreneur et ses équipes. Mais comme nous l’avons vu dans les articles précédents, il n’est pas plus important que les clients et les informations que ces derniers vont communiquer. C’est pour cela qu’au centre de la startup, nous trouvons la boucle de feedback. Elle permet grâce à l’expérimentation de poser une première version minimale du produit au client. Ce produit que la communauté lean nomme généralement MVP, produit minimum viable (Minimum viable product). Eric Ries rappelle que Sa finalité est de recueillir des informations précieuses qui permettront de tester nos hypothèses et faire évoluer de nouveau le produit.
Minimiser les développements
Le produit minimum viable n’est pas destiné au marché final. Il s’adresse à une catégorie particulière de clients, les « early adopters ». Ces derniers sont des clients d’un genre particulier qui acceptent un produit incomplet et qui imaginent ses fonctionnalités manquantes.
La plupart des entrepreneurs surestiment les fonctionnalités à fournir pour un premier produit. Or en cas de doute, il convient d’être le plus minimaliste possible.
Un bon moyen donc de minimiser ce développement est d’enrôler ces early adopters et leur faire essayer gratuitement le produit. Nous pouvons ici de confirmer l’hypothèse de valeur. Si un client accepte de souscrire un test du produit, c’est que l’entrepreneur est sur la bonne piste. Il conviendra donc de déterminer un seuil au delà duquel nous considérerons l’hypothèse de valeur comme confirmée. Imaginons que 10% de ceux qui testent un service y souscrivent au final. L’entrepreneur pourra dès-lors considérer qye son hypothèse de valeur est confirmée et son MVP peut continuer à évoluer sur les mêmes bases.
A partir de là, il devra mettre en place sa boucle d’apprentissage et se focaliser sur ce qui importe réellement au client.
Démarrer avec un MVP concierge
Le MVP concierge est un produit dont la conception va reposer sur un panel très limité de client constitué pour l’occasion. C’est comme ça qu’a été créée la startup Food on the table. Cette dernière met en contact des épiceries et des clients à partir des recettes que ces derniers souhaitent réaliser.
Food on the table a ainsi démarré avec un seul client. L’ensemble de l’équipe de la startup a servi ce premier client dans le seul but d’affiner son produit. Le prix fixé pour le service : 9,95$, soit le tarif envisagé pour une souscription en ligne. Comme dans le cas de Zappos, le prix du service n’était pas rentable. Mais il permettait de valider ses hypothèses posées à un coût plutôt limité en comparaison d’une étude de marché.
Apprentissage et évaluation des hypothèses
Le concierge MVP est donc entièrement dédié à l’apprentissage. Il permet d’évaluer la profession de foi et les hypothèses de l’entrepreneur. Il se différencie d’une maquette car l’hypothèse commerciale doit également être testée. L’early adopter doit être prêt à dépenser des sous pour le service offert. L’accroissement du nombre de client sera d’ailleurs l’opportunité d’un passage à un modèle plus automatisé. Ce sera alors l’occasion de tester ses hypothèses de croissance.
C’est un schéma assez proche qu’ont utilisé les créateurs d’Aardvark’s. Ces derniers souhaitaient créer un moteur de recherche capable de traiter des demandes plus subjectives que les requêtes Google. Comme « Donne moi le nom d’un bon restaurant dans ce quartier ouvert après la fin de mon film au ciné ».
L’outil devait compléter lui même la requête en posant des questions à l’utilisateur. Cela lui permettait d’affiner les éléments et les informations trop générales de la requête initiale. Quel cinéma ? Pour voir quel film ? Quel type de restaurant fréquentez-vous ? Etc.
Ce type d’outil étant basé sur un système d’apprentissage, il contenait de nombreuses inconnues. Ses créateurs devaient donc disposer de nombreuses données avant de lancer un développement.
Pour tester leurs hypothèses, les créateurs de la solution ont réceptionné les requêtes sous forme de message et y ont répondu manuellement. Le produit final à réaliser était très complexe et demandait de nombreuses vérifications de ce type avant d’engager des fonds. Ce test leur a permis de rejeter les idées qui leurs paraissaient prometteuses au départ et de se focaliser sur l’essentiel.
Le rôle de la qualité et du design pour un MVP
Le créateur doit donc se focaliser sur ce que son client percevra comme ayant de la valeur. Ceci amène à aborder la question du design de la solution. Il convient d’y consacrer le moins d’effort possible au début. Tant que le client final est inconnu, il est difficile de savoir sous quelle forme il souhaite voir le service délivré. C’est l’exemple d’IMVU qui fournissait un maximum d’effort sur les fonctions de messagerie de sa solution alors que les early adopters allaient par la suite valoriser les possibilités de jeux en ligne du produit.
Freins dans la réalisation du MVP
Les freins les plus courants sont généralement liés aux peurs que l’entrepreneur va avoir réels comme imaginaires. Contraintes légales, concurrents, nécessité de maintenir le secret, défense de sa marque, perception morale du produit, ect. On rejoint ici de façon plus sommaire le difficultés rencontrées par l’entrepreneur lorsqu’il se lance et exposées ici.
Des risques surestimés
Pour les risques juridiques, Eric Ries recommande de travailler avec un juriste spécialisé. Cela permettra ainsi de réduire le risque de violation d’un brevet tout en protégeant des créations.
Toutefois, ce risque est surestimé. Il y a abondance de bonnes idées et il est très difficile d’attirer l’attention dans le contexte actuel. Les startups ne sont donc pas si exposées. Quand l’attention du marché et des concurrents arrive, c’est que le MVP a atteint sa maturité et que notre produit dispose déjà d’un avantage. Le fait d’être copié pourra dès lors être vu comme une opportunité de renforcer la perception de valeur de son produit sur le marché.
Donc, plutôt que de tenter de protéger à tout prix son idée, le challenge pour le créateur est de créer un produit qui se développera. Un produit qui sera basé sur une boucle de feedback qui l’aidera à établir ses priorités.
Photo : Marcel Duchamp – (American, born France. 1887–1968) – 1951. Metal wheel mounted on painted wood stool, 51 x 25 x 16 1/2″ (129.5 x 63.5 x 41.9 cm)