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La confiance créative (Première partie)

By Lotfi BENYELLES

La confiance créative est un livre de Tom et David Kelley (Editions Dunod, traduction Aude Simon et Anne Rametsi). C’est un des rares livres à traiter de la question de la créativité dans l’innovation d’entreprise.

Les auteurs définissent la confiance créative comme la croyance en sa propre capacité à changer le monde et à réaliser un projet que l’on a conçu. Avec ce livre, Tom et David Kelley présentent les méthodes qui permettent d’utiliser la confiance créative pour découvrir de nouvelles idées d’innovation et de les implémenter.

Introduction : La confiance créative au cœur de l’innovation

Si vous entendez les mots « créativité » ou « créatif », à quoi cela vous fait-il penser ?

Probablement à une capacité dont seules certaines personnes sont dotées. Pourtant, c’est une erreur. Le potentiel créatif n’est pas un privilège réservé exclusivement à certaines personnes comme les artistes, les écrivains ou les architectes.

Ce potentiel existe en chacun d’entre nous et nous pouvons l’appliquer dans tous les secteurs de nos vies. Les auteurs se sont attachés depuis trente ans à valoriser ce potentiel créatif après de leurs étudiants comme de leurs clients.

Les réussites qu’ils mettent en avant concernent des domaines aussi variés que le médical, le juridique, l’éducatif ou le scientifique.

La créativité au quotidien

En 2005, David Kelley a fondé la d.school (École de design associée à l’université de Stanford) pour enseigner une méthodologie d’innovation, basée sur cette confiance créative le « design thinking ».

Les sociétés des nouvelles technologies avaient déjà placé la créativité au centre de leur développement. L’objectif des frères Kelley était d’en faire un enseignement qui bénéficie aux individus et non pas au seul secteur des nouvelles technologies.

Leur école a ainsi accueilli de nombreuses personnes qui pensaient qu’elles étaient dépourvues de créativité. Une fois mises en situation, ces personnes ont redécouvert une capacité créative qu’elles avaient en fait mis en sommeil après leur enfance.

La confiance créative en action

Les auteurs soulignent qu’il faut passer à l’action pour atteindre la confiance créative. C’est cette action qui permettra de transcender les peurs, accepter l’incertitude et lâcher prise (soucis du contrôle). Cet état d’esprit correspond à ce que le chercheur en psychologie sociale Albert Bandura appelle l’autoefficacité.

Les individus ayant atteint l’autoefficacité se mettent en situation de débloquer leur énergie créative et de s’ouvrir de nouvelles possibilités.

Redécouvrir votre potentiel créatif

Avec la méthode de confiance créative, les auteurs nous proposent une manière de visualiser ce potentiel en nous et de l’exploiter pour trouver notre place dans le monde, sans anxiété ni doute.

 

Chapitre 1. RETOURNER

Du Design Thinking à la confiance créative

DOUG DIETZ est l’ingénieur qui a conçu les systèmes d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’entreprise General Electrics. Ces machines sont reconnues comme les meilleures et équipent de nombreux hôpitaux.

L’ingénieur eut un jour l’occasion de voir une de ses machines fonctionner dans un de ces hôpitaux. Il demanda à l’opérateur de la machine s’il appréciait de travailler avec cette machine. L’opérateur lui répondit que ce n’était pas toujours le cas.

Les enfants qui devaient être scannés vivaient cette expérience comme quelque chose de traumatisant

Ces derniers devaient entrer plusieurs minutes dans un tube fermé pendant que la machine faisait des bruits inquiétants. Près de 80% des hôpitaux devaient endormir les enfants pour pouvoir les soumettre à un scanner.

L’ingénieur décida alors de proposer quelque chose de nouveau. Il partit d’abord faire un stage à la d.school de David Kelley où il découvrit la méthode de confiance créative et de design thinking qui y était enseignée.

Il vit en particulier les avantages de ce que les enseignants appellent sur place, la fertilisation croisée. C’est-à-dire le fait de rassembler des personnes de compétences diverses et de leur faire émettre de nombreuses idées qui seront revues plusieurs fois.

Un design de l’expérience qui ne traumatise pas les enfants

En revenant chez GE, Doug savait qu’il ne pourrait pas lancer un grand projet de recherche et de développement. Il se concentra donc sur un nouveau design de l’expérience de scan qui ne traumatiserait plus les enfants.

Doug et son équipe transformèrent l’ensemble de la salle de scan en un décor de fiction où l’enfant était la vedette. En plus du décor, l’opérateur jouait un script qui permettait à l’enfant de se sentir pleinement acteur de ce qui se passait.
Il donnait lui-même le départ de l’expérience. Le temps où il restait figé dans la machine lui était racontée comme étant une position magique qui lui permettait d’éliminer des ennemis.

Doug et son équipe ont pu mis ainsi en place différents décors : pirates, science-fiction, etc. Cette solution réduisit considérablement le nombre d’anesthésies et certains enfants demandaient même à revenir le lendemain.

Les trois facettes de l’innovation

Pour savoir si une technologie comme celle de Doug peut marcher, elle doit répondre à trois critères :

 

La confiance créative

Les trois facettes de l’innovation – La confiance créative de Tom et David Kelley

Le facteur technique

La technologie est centrale et elle peut être à la base d’une entreprise ou d’une activité prometteuse (en fait, rarement comme on peut le voir ici et ici).

Mais les auteurs nous rappellent que la technologie seule ne suffit pas, sinon nous jouerions tous avec des chiens robots.

La viabilité économique

Pour qu’une technologie puisse réellement contribuer à l’innovation, elle doit-être économiquement viable nous rappellent les auteurs. Sinon nous nous déplacerions tous en hélicoptère.

Le troisième facteur est humain

Les auteurs nous rappellent qu’il ne peut y avoir d’innovation sans compréhension des facteurs humains et des besoins profonds en particulier. C’est ce facteur qui offre les meilleures possibilités comme le démontre l’exemple de Doug et de ses IRM pour enfants.

Le design thinking est donc un processus d’innovation reposant sur l’équilibre de ces trois facteurs. Ce processus se déroule ensuite sur quatre étapes : l’inspiration, la synthèse, l’idéation/l’expérimentation, et l’implémentation.

Il doit de plus faire l’objet de nombreuses itérations avant son implémentation.

 

DÉFI CRÉATIF : L’innovation guidée par Le « Design »
  1. INSPIRATION
    Pour innover, il faut se confronter au monde. Les auteurs nous recommandent de sortir, de rencontrer des experts, de jouer le rôle de nos clients et de faire preuve d’empathie. Grâce à cette observation du monde, nous pouvons mieux comprendre tout ce qui entre en jeu dans le sujet que nous visons et penser de façon plus innovante.
  2. SYNTHÈSE
    Les auteurs ont mis en place une carte de l’empathie, c’est-à-dire une matrice (voir le défi créatif no 4, chapitre 7) permettant identifier différents types de solutions à un problème donné. Cette étape est fondamentale, car elle permet de définir le problème que l’on va traiter en priorité et le transformer en un cadre d’action en tentant de le reformuler. Les auteurs nous donnent ainsi l’exemple d’une mission où le sujet « comment réduire le temps d’attente des clients ? » a été reformulé en « comment réduire la perception du temps d’attente du client ?.
  3. IDÉATION ET EXPÉRIMENTATION
    Dans le cadre de la méthode, les idées les plus prometteuses font l’objet de prototypage approximatif et précoce pour permettre aux gens de réagir. L’idée est de tester plusieurs idées sans trop s’engager sur une voie en particulier. Les auteurs nous rappellent que tous les sujets peuvent être soumis à ce type de prototypage : modèles de livraison de vaccins transdermiques, simulation de l’enregistrement à l’hôtel, nouveaux systèmes de véhicules, etc.
  4. IMPLÉMENTATION
    La phase d’implémentation et de lancement d’un produit représente également une occasion d’apprendre et d’améliorer son idée de départ. De nombreuses sociétés lancent des produits dans le seul but d’apprendre.

 

Innover quotidiennement avec le design thinking

« Le design thinking repose sur notre capacité humaine naturelle à être intuitif, à reconnaître des modèles et à élaborer des idées à forte valeur émotionnelle autant que fonctionnelles. » – Tom et David Kelley

Tom et David Kelley nous rappellent ici qu’il peut être très risqué de tenter de résoudre la question de l’innovation en étant rationnel et analytique.

Esprit rationnel vs. esprit expérimental

Les frères Kelley opposent l’esprit rationnel et analytique à l’esprit expérimental habitué à tirer des enseignements directement des situations, grâce à l’empathie et au prototypage. Cette approche permet de découvrir de nouvelles visions et d’innover de façon durable.

Nourrir les penseurs créatifs

Les frères Kelley ont créée deux contextes créatifs différents.

IDEO est la société qui leur permet de créer des innovations pour leurs clients. Parallèlement à cette activité, ils ont créé la d.school à Stanford pour former des innovateurs. On assiste aux cours librement et les enseignements y sont dispensés sous forme de projet. Les étudiants de Stanford qui assistent aux cours de la d.school ont des parcours académiques différents et viennent du monde entier. Des cadres d’entreprise assistent également à ces cours.

Viser large avant de converger vers les idées

Le défi de la d.school est de permettre à ces gens de devenir des penseurs créatifs capables de se confronter à des questions ouvertes sans s’empresser d’y répondre.

Ils doivent commencer par « viser large » et identifier plusieurs approches possibles avant de converger vers des idées qui pourraient être mises en pratique.

A la d.school, les enseignants encouragent les élèves à observer pour comprendre plus profondément une situation. Ils peuvent par exemple analyser le comportement de personnes buvant un café pour identifier d’éventuels besoins latents et des occasions d’innover.

Le processus de design thinking permet aux idées d’émerger dans un environnement collaboratif.

Dans l’exemple du café, les auteurs nous citent ainsi deux idées suivantes envisagées lors d’un atelier : une cafetière pour chauffer le liquide à la température exacte souhaitée ou une touillette automatique qu’on lâche dans la tasse.

 

Un état d’esprit de développement

Pour révéler notre confiance créative, il faut accepter l’idée selon laquelle notre potentiel réel est inconnu et qu’il ne peut être connu. Cet état d’esprit nous permettra d’aller de l’avant et d’éviter de rester cloîtrés dans notre zone de confort, convaincus que nos capacités sont limitées et que les autres vont s’en apercevoir.

Ouvrir une brèche dans l’univers : Steve Jobs et l’intentionnalité

La confiance créative est donc un désir de guider sa vie plutôt que de se laisser porter. Dans les situations créatives, ce qui compte, c’est l’intention et le choix fait individuellement.

Pour les auteurs, c’est cette intentionnalité qui guidait Steve Jobs. Les auteurs ont travaillé avec lui sur le premier modèle de souris d’Apple en 1980.

Leur collaboration s’est poursuivie par la suite chez Apple, NeXT et Pixar. L’intentionnalité chez Jobs lui permettait de se fixer des objectifs qui dépassaient largement le cadre de ce qui était envisageable pour la plupart des membres de son entourage.

Jobs n’acceptait pas le monde tel qu’il était et il mettait en avant ce critère d’intentionnalité pour pousser les gens au-delà du cadre de pensée qui les limitait.

 

Chapitre 2. OSER

De la peur au courage

Le professeur Albert Bandura est un collègue de David Kelley à Stanford. Il parvient notamment à guérir de la phobie des serpents.

Cet apprentissage est en fait une étape dans un processus au sein duquel le sujet gagnera progressivement confiance en lui.

Ce processus progressif par lequel les femmes et les hommes parviennent à surmonter une situation de blocage pour agir dans le monde, Albert Bandura la nomme « l’auto-efficacité ».

L’autoefficacité permet de surmonter la peur de l’échec.

Le paradoxe de l’échec

Pour le professeur Dean Keith Simonton du campus de Davis en Californie, les artistes ou scientifiques que nous considérons comme des génies subissent de nombreux échecs mais persévèrent.

Selon lui, les profils les créatifs multiplient les expérimentations et intègrent l’échec dans leur parcours comme une occasion d’apprendre.

« La véritable mesure du succès est le nombre d’expériences qui peuvent être pratiquées en vingt-quatre heures. » – Thomas Edison

Le succès passe par plus d’échecs dans un cycle d’innovation

L’expérimentation doit démarrer au plus tôt pour permettre de recueillir le plus d’informations et d’effectuer corrections.

Les frères Wright et Thomas Edison sont les exemples les plus souvent cités d’inventeurs-expérimentateurs célèbres ayant fait de l’échec une stratégie d’apprentissage.

Même si plus d’un siècle nous sépare d’eux, leur démarche est toujours valable de nos jours.

La confiance créative de Tom et David Kelley

Photo : Light and movement – Derek Bruff – Licence Creative Commons – La confiance créative de Tom et David Kelley

Steelcase, un client célèbre de l’agence Idéo a ainsi pu renouveler la chaise d’école selon ce principe. Ses ingénieurs et designers se sont déplacés dans les écoles.

Les premiers prototypes étaient réalisés avec du papiers et des adhésifs. Puis, après de multiples ratés, ils ont pu mettre au point une chaise dotée d’un siège pivotant, d’une tablette ajustable, de roulettes maniables et d’un trépied pour le sac à dos.

Concevoir pour gagner en courage

Comme Albert Bandura, les frères Kelley augmentent graduellement les difficultés pour aider à surmonter la peur de réaliser certaines des meilleures idées.

En fait, l’acquisition de la confiance grâce à l’expérimentation progressive et l’ambiance de groupe facilitent souvent la mise en place de cet état d’esprit.

Le lien inéluctable entre l’échec et l’innovation est une leçon qui ne peut s’apprendre qu’en agissant. Nous donnons donc aux étudiants la chance d’échouer aussi rapidement que possible afin d’augmenter le temps d’apprentissage.Tom Kelley

Les frères Kelley recommandent également la méthode de John Cassidy, enseignant à la d.school. Pour apprendre à ses élèves à jongler plus vite, il leur demande d’abord de laisser tomber les balles. Il les aide ainsi à envisager l’échec comme une chose positive dès le départ. La méthode s’avère très efficace et les auteurs, sceptiques au départ, ont pu constater son efficacité.

L’optimisme urgent

Les auteurs prennent également l’exemple du jeu vidéo pour démontrer que l’expérimentation sans peur de l’échec permet un apprentissage rapide. Ce qui nous aide à avancer dans ces cas-là, c’est « l’espoir raisonnable de réussir » et « la possibilité d’une victoire épique ».

Ces deux mécanismes désinhibent le sujet de sa peur de l’échec et maintiennent sa motivation par la projection de la réussite, voire d’un grand succès et d’une reconnaissance. Comme un muscle que l’on entraînerait, notre aptitude à l’essai-erreur permet ainsi de renforcer notre élan créatif.

Dans son blog Metacool, Diego Rodriguez présente ces essais permanents comme une base de données d’expériences « dans laquelle on peut puiser pour effectuer des choix plus éclairés ».

Le droit d’échouer

Les auteurs ont également noté que les salariés d’entreprises avaient souvent l’envie de se lancer dans des projets d’entrepreneuriat innovant, mais qu’ils craignaient pour leur situation financière personnelle.

Avec la société HackFWD, ils ont tenté de rendre cette transition moins intimidante en mettant en place le « Geek Agreement ». Ce contrat permet à ces entrepreneurs de recevoir un montant proche de leur salaire actuel pendant un an. Ils peuvent ainsi disposer de temps pour avancer et se rapprocher de l’autonomie financière.

Embrasser ses échecs

Les frères Kelley nous présentent ici le cas de la société d’investissement Bessemer Investment Trust. Sur son site web, celle-ci présente aussi bien son portefeuille d’investissement réussi que celui des occasions manquées.

L’entreprise aurait pu investir dans PayPal, Fedex, Google à des moments où la valorisation de ces entreprises était très faible.

David Cowan, l’un des associés du cabinet s’est même arrangé pour ne pas croiser Larry Page et Serguei Brin au moment où ils mettaient au point Google. Une amie à lui leur louait son garage en guise de bureau et elle souhaitait qu’il les rencontre.

Il lui répondit : « Comment puis-je sortir de la maison sans passer à côté du garage? ». Pourtant cela n’empêche pas David Cowan d’être l’un des plus grands investisseurs en capital risque.

Un CV des échecs

L’éducatrice Tina Seelig, enseignante à Stanford demande à ses élèves de faire un CV de leurs erreurs. Elle affiche également le sien dans son livre What I wish I knew when I was 20. Elle encourage ainsi ses étudiants à donner à l’échec une valeur positive, ce qui leur permet de les assumer.

Le cheval d’argile

David Kelley se rappelle également que ses parents ont toujours permis aux deux frères de faire leurs expériences sans contrainte. Ces derniers ont donc pu s’exprimer librement, quitte à aller parfois trop loin.

Mais ils ne craignaient pas l’échec car leurs parents ne sanctionnaient pas leurs excès.

Toute personne a un potentiel créatif, mais pour certaines, cette créativité a été inhibée par un cadre familial ou social moins propice. Dans leurs interviews, les frères Kelley ont identifié que près d’un tiers des personnes parvenaient à se souvenir d’une « blessure créative ».

C’est-à-dire, un moment dans l’enfance où une création importante pour eux avait été tournée en dérision ou censurée par des proches.

Vous n’irez nulle part

Les vedettes nous font souvent part d’un enseignant ou d’un père qui considérait que leur « talent » ne les mènerait nulle part. Paul Mc Cartney et George Harrison avaient le même professeur de musique au lycée. Ce dernier n’a jamais décelé en eux le moindre talent musical au vu des notes qu’il leur donnait.

 

Se détacher des comparaisons

Pour pouvoir mettre en place son exploration créatrice, il faut renoncer à deux choses :

  • L’idée d’être conforme
  • Comparer son succès à celui des autres

Ces deux points limitent considérablement notre capacité à travailler individuellement ou en équipe et il faut s’en débarrasser au plus vite.

Nous ne parvenons pas à libérer notre confiance créative si nous tentons d’être comme il faut. De plus, dans le travail en groupe, nous avons besoin d’être capables de demander de l’aide et cette aide est fondamentale pour avancer.

 

Dessiner en confiance

De même, le dessin est un formidable atout pour la confiance créative. Pas nécessairement en tant qu’activité artistique mais plutôt comme support d’une activité visuelle. L’auteur suggère de dessiner à partir de formes de base et de franchir le cap progressivement en prenant confiance, comme on découvrirait une nouvelle activité sportive.

DEFI CREATIF : CROQUER DES PERSONNAGES
Formes élémentaires du dessin- La confiance créative de Tom et David Kelley

Formes élémentaires du dessin- La confiance créative de Tom et David Kelley

Dan Roam propose de se concentrer sur l’aspect communicatif du dessin et non pas sur son aspect artistique. Il propose trois manières de dessiner en fonction du message à faire passer.

  • Les dessins bâtons sont parfaits pour permettre de faire passer les émotions et les humeurs, surtout si la tête correspond au tiers du personnage
  • Les personnages dont le torse est rectangulaire permettent de représenter des postures
  • Les personnages représentés en tâche permettent de repérsenter rapidement des groupes et des relations.
La confiance créative

Petite catalogue de dessins faire passer ses messages – La confiance créative de Tom et David Kelley

Le rapport au dessin illustre bien cette question de la créativité. L’effort à réaliser n’est pas lié à la qualité du trait ou à une habileté. Il s’agit plutôt de ne pas s’autojuger.

 

De la peur à la joie

En surmontant ses peurs et en superposant la méthodologie du design thinking à nos connaissances, de nombreuses options s’ouvrent à nous.

Chapitre 3. DÉCLENCHER

De la page blanche à la révélation

4 étudiants de la d.school ont utilisé le design thinking pour transformer leur idée de départ en une entreprise. Rahul Panicker, Jane Chen, Linus Liang et Naganand Murty ont transformé leur projet classe en produit réel, l’Embrace Infant Warmer. Il s’agit d’un couffin chauffant pour nouveau né prématuré et dont le prix est 99% moins cher qu’une couveuse ordinaire.

Le cours de la d.school s’appelait : « Concevoir pour une accessibilité financière extrême ». Les quatre étudiants provenaient de filières technologiques ou management et n’avaient aucune connaissance en santé publique.

Une couveuse pour les pays en développement

Le projet de ces étudiants était de concevoir une couveuse pour nouveau-nés prématurés qui pourrait être utilisée dans les pays en développement. Le prix d’une couveuse ordinaire est de 20 000$ pièce en moyenne. La solution qui apparut logique était de réduire systématiquement le coût de conception en remplaçant les matériaux utilisés par des matériaux moins coûteux.

Mais cette solution ne permettait pas d’empathiser avec les utilisateurs ciblés et ce critère est fondamental dans l’innovation et la démarche du design thinking.

Un des étudiants parvint à obtenir un financement pour se rendre au Népal. Cette expérience fut déterminante pour la suite. Une fois sur place, il découvrit dans un hôpital urbain que ces derniers étaient bien équipés en couveuses, mais que ces dernières étaient peu utilisées.

L’inutilité de la couveuse pour les zones les plus reculées

Un médecin sur place lui expliqua quelles étaient les raisons de cette sous-utilisation. Les nouveau-nés qui en avaient le plus besoin ne naissaient pas en ville, mais à la campagne, là où les femmes restent actives le plus longtemps pendant leur grossesse.

L’inutilité de la couveuse n’était donc pas due à son prix à la faible mobilité du dispositif.

Redéfinir son cadre

L’étudiant rendit compte de sa découverte à ses collègues à Palo Alto. Deux options se présentaient:

  • soit travailler sur l’aide au développement et à l’accessibilité de ces zones en considérant que la question de la mortalité infantile en découlait.
  • soit imaginer une solution technique qui soit une alternative aux couveuses.

Conseillés par une enseignante, ils choisirent la seconde option, la plus difficile. C’est celle qui répondait le mieux au cadre posé par le cours : « accessibilité financière extrême ».

Ils redéfinirent leur questionnement initial (une couveuse) de manière plus large et sous forme de question :

« Comment pourrions-nous créer un appareil pour réchauffer les bébés qui pourraient donner aux parents dans les villages isolés une chance d’aider leurs enfants mourants à survivre ? »

Changer de cible et repenser le produit

Il faut souligner ici le changement de cible. Il ne s’agit plus d’adresser les hôpitaux, une zone géographique ou un pays entier, mais les parents « seulement ».

Après 4/5 cycles de prototypage, l’équipe mit au point un petit sac de couchage contenant des poches de paraffine : l’Embrace instant warmer. Une fois que celles-ci étaient chauffées, le dispositif pouvait conserver sa température pendant quatre heures.

Tester sur place

Les étudiants testèrent leur prototype sur place pendant deux ans. Dans l’état du Maharashtra en Inde, ils découvrirent que l’affichage des températures pouvait perturber la compréhension du fonctionnement de l’Embrace.

Ils remplacèrent cet indicateur par un simple signal OK vert qui s’allumait lorsque la bonne température était atteinte et un voyant rouge qui s’allumait lorsqu’il fallait réchauffer les poches de paraffine.

Le produit a connu un immense succès ces dernières années

Il répondait à un besoin ignoré ou mal appréhendé. Le produit est aujourd’hui vendu par la société Embrace et par General Electric et il est distribué dans dix pays.

Huit pistes pour cultiver l’étincelle créative

Tom et David Kelley nous donnent 8 pistes pour cultiver cette étincelle créative qui a permis à son groupe d’étudiants d’aller plus loin et de créer l’Embrace instant Warmer.

1. Choisissez la créativité

Les frères Kelley nous rappellent que toutes les personnes créatives ont décidé de l’être. Il ne s’agit donc pas d’une caractéristique innée, mais bien d’une décision.

En prenant cette décision, ils sont appris à :
– Redéfinir les problèmes de façon nouvelle afin de trouver des solutions.
– Prendre des risques calculés et accepter que l’échec fasse partie du processus d’innovation.
– Affronter les obstacles rencontrés lorsque nous sommes confrontés au statu quo.
– Tolérer l’ambiguïté lorsqu’ils ne sont pas certains d’être sur la bonne voie.
– Continuer à se développer intellectuellement plutôt que de laisser leurs compétences et leurs connaissances stagner »
Extrait de La confiance créative de Tom et David Kelley.

2. Penser comme un voyageur

Lorsque vous voyagez pour la première fois dans un pays, vous portez un regard neuf sur ce qui vous entoure. Il en est de même pour les situations créatives.

Il faut s’exposer à des expériences nouvelles qui remettent en cause notre façon habituelle de voir les choses.
 C’est ce qu’on fait les étudiants cités en exemple.

Ils n’ont pas cherché à s’appuyer sur leurs compétences d’étudiants en ingénierie ou en management. Ils sont partis à la découverte d’un sujet nouveau qui remettait la façon habituelle de voir les choses et sur lequel ils pouvaient eux-mêmes porter un regard neuf.

En adoptant cet état d’esprit du voyageur, nous pouvons remarquer de nombreux détails que nous aurions ignorés d’ordinaire.

Pour cela, la quantité est également importante. Ce qui rend les investisseurs en capital risque perspicaces, c’est le fait qu’ils sont constamment exposés à de nouvelles idées. Plus nous sommes exposés à des idées neuves et plus notre perspicacité s’aguerrit.

On peut multiplier les idées en consultant de nouveaux projets sur internet, en allant à des séminaires, en faisant des rencontres avec des personnes inspirantes, en lisant des blogs, en regardant des Ted talks, etc. Mais on peut aussi le faire en changeant régulièrement de chemin pour rentrer chez soi.

Pour cultiver cet état d’esprit, les équipes d’IDEO ont transformé l’un des murs de leur salle de repos en tableau noir. Ce dernier sert de forum informel dans lequel les salariés formulent leurs idées et plus généralement, ce qui leur passe par la tête.

On y trouve des questions et des dessins que certaines personnes n’hésitent pas à compléter.

DEFI CREATIF : CREER UN TABLEAU NOIR
Pour créer un tableau noir, les auteurs conseillent donc les étapes suivantes :

  • EXPÉRIMENTEZ AVANT DE DÉCIDER : Essayez plusieurs endroits et plusieurs tailles avant de décider. Les membres de l’agence ont d’ailleurs finalement opté pour de la peinture noire sur un mur.
  • CHOISISSEZ LE SUPPORT : tableau noir + craie ou tableau blanc + feutre, peu importe
  • SUSCITEZ LES IDÉES : il est important de commencer pour laisser les autres venir faire leurs propositions
  • RENOUVELEZ LE CONTENU : au bout de huit jours, effacer le contenu et recommencer.

3. Être attentif et détendu

Lorsque nous sommes détendus, notre esprit crée des liens entre des idées que nous dissocions d’ordinaire. Les personnes dont l’esprit vagabonde ont plus de facilité pour créer des liens inattendus qui peuvent se révéler particulièrement fructueux.

Deux moments sont propices pour exploiter cette détente :

Lorsque nous nous promenons. Nietzche ou Waldo Emerson étaient de grands promeneurs et Nietzche disait : « Seules les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose. »

Au réveil, nous sommes dans un état mi-rêveur mi-alerte favorable aux idées nouvelles

3. Empathisez avec vos utilisateurs

Agissez en anthropologue, familiarisez-vous avec le quotidien de ceux que vous étudiez et fondez-vous dans l’environnement pour découvrir des opportunités ignorées.

C’est ce principe qu’a appliqué l’équipe d’Embrace lorsqu’ils ont quitté les hôpitaux du Népal pour aller à la rencontre des femmes de la campagne qui avaient perdu leurs enfants à la suite d’une naissance prématurée.

Les auteurs citent également l’exemple de la banque PNC. Elle a monté un panel et rencontré des jeunes pour créer un produit adapté à leur besoin.

Elle a ainsi lancé un portefeuille virtuel qui permettait à ces jeunes clients de consulter leurs soldes et d’être alertés avant le prélèvement de leurs factures. Le produit a connu un grand succès qui compensait largement le manque à gagner en agios.

David Kelley raconte que l’une de ses créations, la cuillère à glasse Zyliss, a pour point de départ l’observation d’un détail très anecdotique. David Kelley réalisa en observant un groupe de personnes mangeant de la glace que ceux-ci léchaient la cuillère avant de la déposer dans l’évier pour la laver.

C’est ainsi qu’il eut l’idée de créer cette cuillère à glace facile à lécher.

« l’observation de contradictions entre ce que l’on voit et ce à quoi l’on s’attend doit être considérée comme un signal qui nous engage à aller voir plus loin. » – David Kelley

5. 
Posez des questions, en commençant par « pourquoi »

Les questions commençant par pourquoi nous permettent de dépasser la superficialité d’un sujet.

Si vous voyez un photographe charger un film noir et blanc dans un vieil appareil moyen format des années 60, posez-lui d’abord la question du pourquoi plutôt que de souligner tout de suite qu’il s’agit de dispositifs anciens et dépassés. Vous découvrirez une intention que vous n’imaginiez pas et qui pourra peut-être être à l’origine d’une bonne idée.

Une des membres de l’agence Ideo a trouvé qu’il était encore plus intéressant de poser des questions ludiques, du type « si vous deviez convaincre un ami de lire ce livre, que lui diriez-vous? » plutôt que « pourquoi aimez-vous tant ce livre? »

Il faut également renoncer à l’idée que les clients vont vous dire précisément ce dont ils ont besoin. Ces derniers ne disposent ni des connaissances ni du vocabulaire pour vous le dire.

Les résultats obtenus seront plus intéressants si nous posons ce type de questions :

  • Montrez-moi : L’idéal dans ce cas est de se retrouver dans un lieu intéressant pour l’idée ou la situation que l’on veut tester. On demandera au sujet de nous montrer les éléments avec lesquels il interagit et nous annoterons nos constats et nos observations.
  • Dessinez-le : Lorsque les gens dessinent ou schématisent leur expérience, nous pouvons voir la façon dont ils se représentent les choses établissent des priorités.
  • Les 5 pourquoi : En les confrontant à 5 pourquoi successifs, nous encourageons les gens à réfléchir aux raisons implicites de leurs comportements. Il est important de creuser, même si l’on pense avoir compris.
  • Penser à voix haute : Demander à votre interlocuteur d’effectuer ses tâches à voix haute, en exprimant ce à quoi il pense. C’est un moyen très intéressant de découvrir les inquiétudes, les perceptions et les raisonnements de nos interlocuteurs.

6. Redéfinir ses hypothèses

Dans le cas de l’Embrace, le déplacement d’un des étudiants à l’étranger a permis de réaliser que l’hypothèse de départ était erronée. Le prix des couveuses n’était pas trop onéreux pour les hôpitaux du tiers-monde et celles-ci étaient même sous-utilisées.

David Kelley note que la meilleure façon de redéfinir un problème est de l’humaniser. C’est la seule façon d’identifier un problème réel. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Doug Dietz lorsqu’il a tenté de réduire l’inquiétude que ses scanners provoquaient chez les enfants (cf. exemple plus haut).
Voici quelques techniques de redéfinition :

  • Prendre du recul par rapport aux solutions évidentes : mieux isoler la maison plutôt que de réinventer la tapette à souris.
  • Changer de point de vue : Prendre en compte l’opinion d’une personne dans une situation différente de la nôtre.
  • Découvrir le vrai problème : Se souvenir que les gens qui achètent des forets veulent en réalité des trous.
  • Redéfinir le problème : Contourner les résistances et les blocages mentaux en redéfinissant le problème à vos interlocuteurs (leur démontrer qu’une source est impure plutôt que leur en interdire l’accès sans explications).
  • Penser le contraire : Pensez simultanément aux possibilités d’une idée et aux blocages qu’elle peut provoquer. Cela permettra de trouver plus vite des solutions possibles.

Vous trouver ici un ensemble d’hypothèses de startup remises en cause provenant du livre d’Eric Ries.

7. S’appuyer sur un réseau de soutien créatif

Les sessions créatives sont beaucoup plus intéressantes et fécondes lorsque les idées circulent d’une personne à l’autre. Il faut donc mettre en œuvre des collaborations afin de nous permettre de puiser dans nos imaginations respectives et bâtir avec ceux qui partagent avec nous cette volonté créative.

8. Cultivez la sérendipité créative

L’invention de la gomme vulcanisée qui est utilisée pour les pneumatiques a pour origine un accident. Charles Goodyear avait en effet déversé par inadvertance un mélange de sulfure et de caoutchouc sur sa cuisinière. Si Goodyear a compris tout de suite la signification de cet accident, c’est qu’il cherchait depuis de nombreuses années un procédé scientifique pour stabiliser le caoutchouc.

L’histoire des sciences est remplie d’évènements de ce type présentés comme des accidents : la découverte de la pénicilline, celle du pacemaker, la saccharine, etc. Dans tous ces cas, les scientifiques à l’origine d’un accident ont compris que leur erreur était une trouvaille.

Tous avaient mené de nombreuses expériences jusqu’à cet heureux accident.

« Le hasard ne favorise que les esprits préparés. » – Louis Pasteur

 

Le livre

Positionning – La bataille de l’attention (Seconde partie)

By Lotfi BENYELLES

Cet article présente la deuxième partie du livre Positionning, the battle for your mind d’ Al Ries et Jack Trout. Ce livre est un des ouvrages de référence sur le thème du marketing de l’attention. La première partie se trouve ici.

10 – Le piège des marques sans nom (ou à initiales)

Dans « Positionning, the battle for your mind », les auteurs nous présentent deux cas de figures. Un américain qui va à Los Angeles dira qu’il va à L.A. Par contre, celui qui ira à New-York ne dira jamais qu’il va à N.Y. Il prononcera le nom de la ville plutôt que son diminutif. La raison tient à la phonétique, L.A. sonne bien alors que N.Y nettement moins.

Cette dimension phonétique est ignorée par la plupart des marques. Pourtant, elles devraient s’en préoccuper. En effet, certaines grandes entreprises ayant des noms trop long ont tendance à opter pour une compression qui réduit la marque à ses initiales.

Syllabes trop longues vs. anagrammes inélégants

Si RCA est opportun pour éviter de prononcer les 12 sylabes de Ra-di-o Cor-po-ra-tion of A-mer-i-ca, ce n’est pas le cas WU pour les sept sylabes de We-s-te-rn U-ni-on. San Francisco n’est jamais devenu SF pour cette raison.

Alors si l’on suit cette logique, Franklin Delano Roosvelt et John Fitzgerald Kennedy n’auraient jamais dû devenir FDR et JFK. Pour Al Ries et Jack Trout, ces deux abréviations n’ont pu s’imposer qu’après que les hommes en question soient devenus célèbres. De même, les entreprises General Electric ou Hewlett Packard n’ont pu se rebaptiser GE et HP qu’après être devenues célèbre.

De plus, l’étude menée par les auteurs du livre pour illustrer ce chapitre est sans appel. Elle révèlent que 49% des marques « initiales » sont connues par le panel contre 68% de celles qui ont un véritable nom.

Poétique du nom

Les noms complets sont efficaces pour construire une image du fait de cette dimension phonétique. Nous en faisons l’expérience en apprenant un poème. Il nous apparaîtra encore plus beau et mémorable si nous le récitons de vive voix plutôt qu’en le lisant dans nos têtes.

Les noms General Electric et Radio Corporation of America sentaient bon le début du XXème siècle. Une époque où les mots électrique ou radio étaient associés à un imaginaire poétique moderniste. Le tableau « La fée électricité » de Dufy en 1937 ou le « Réverbère » de Giacomo Bala (en tête de post) peuvent nous servir de repère ici.

Mais si l’intention et la créativité d’un grand artiste comme Bala traverse le temps, quelque soit son sujet, ce n’est pas le cas d’une marque. Celle-ci intervient dans un espace actuel et les mots se chargent de sens nouveaux.

Choisir un anagramme pour s’adapter à son temps

Dans le cas de Radio Corporation of America, son nom complet renvoie à une technologie devenue usuelle. Le mot radio n’éveille plus les mêmes idées qu’il y un siècle. Ne reste donc qu’une phrase interminable en guise de nom. La réduction de cette marque déjà célèbre en RCA était donc acceptable.

S’interdire les anagrammes si l’on cherche à se faire connaître

Mais les grandes sociétés doivent éviter de recourir à des acronymes. TWA, la compagnie aérienne aurait pu choisir Transworld, bien plus prometteur que ces trois lettres dépourvues du moindre sens.

Les petites entreprises quant à elles doivent absolument éviter de recourir à des acronymes sous peine de compromettre leur avenir.

 

11 – Le piège du trajet gratuit (stratégies de diversification basées sur une marque reconnue)

Alka-Seltzer qui avait connu le succès avec son antalgique décida de lancer dans les années 80 un analgésique appelé Alka-Setzer Plus. Il concurrençait le Dristan ou Contac. Pourtant, les ventes d’Alka-Setzer Plus ne firent qu’éroder la part de marché d’Alka-Seltzer sans embêter ses concurrents.

Deux stratégies

De la même façon qu’il existe deux stratégies de croissance, il existe deux stratégies de nommage. Un interne, l’entreprise reprend le nom de la marque ou du produit vedette comme pour Alka-Seltzer Plus. L’autre externe, l’entreprise choisit un nouveau nom pour chaque lancement de produit.

Chez GE (General Electric), il est impossible de lancer un produit sans que le nom GE lui soit adossé. La marque utilise ainsi une stratégie de nommage interne.

Or les marques devraient se méfier de cette stratégie car elle peut mener au désastre. Si Alka Seltzer Plus avait été le premier à se positionner sur le marché des analgésiques, cela aurait pu fonctionner. En effet, l’important est d’être le premier dans l’esprit du client.

Mais là, ce n’était pas le cas, il y avait déjà des concurrents solidement établis. Cette stratégie a fini par se retourner contre les positions d’Alka-Seltzer sur son marché principal, celui des antalgiques.

Les bénéfices d’une stratégie multi-marques

Nous avons vu également la stratégie multi-marque de Procter et Gamble. Celle-ci est très bénéfique à la marque. Il est donc étonnant de voir son concurrent principal, Colgate-Palmolive s’acharner à démultiplier ces deux marques.
Nous avons ainsi les dentifrices Colgate, les brosses à dent Colgate, les fils dentaires Colgate, les crèmes à raser Palmolive, les savons Palmolive, la lessive Palmolive, etc.

De plus, ces noms n’ont aucun sens. Pour rappel, voici les noms choisis parson concurrent  Procter et Gamble pour ces mêmes catégories de produit : Dentifrice « Sourire » ou « Brillant’, etc. Il n’est donc pas étonnant que Procter et Gamble pèse le double du chiffre d’affaire de Palmolive.

Le principe de bascule : devenir leader sur un nouveau marché en perdant sa position sur son marché de départ

Un nom doit donc concerner un seul produit. Dans le cas où une marque préexistante parviendrait à imposer son nom dans un nouveau segment (et dans l’esprit du client), elle risque de perdre son leadership sur le marché de départ.

C’est ce qui est arrivé à Heinz en a fait l’expérience avec son Ketchup. Auparavant la marque était connue pour ses boîtes de cornichons. Elle se diversifia dans les Ketchups où elle devint la marque de référence. Ce positionnement lui fit néanmoins perdre sa première place dans les boites de cornichons.

Les auteurs rappellent également que certaines marques comme GE ou XEROX, en se diversifiant dans l’informatique, ne devraient même plus utiliser leur marques mais tenter de développer des produits ayant des marques autonomes.

 

12 – Le piège des extensions de gamme

Le principe de l’extension de gamme

Les extensions de gamme sont des erreurs mais les marques y ont toujours recours. Pour rappel, une extension de gamme diffère d’une diversification. Il s’agit d’offrir le même produit avec des fonctionnalités différentes afin d’élargir la base de clients existants.

Les stratégie d’extension de gamme les plus connues sont les montées en gamme, en performance, en fonctionnalités (ajout d’un usage complémentaire à l’usage central), en qualité de service (service premium avec support inclu), les versions économiques (savons en poudre => savons liquides), des versions limitées avec un design plus travaillé …

Bayer et Dial sabordent leurs positions N°1

Dial avait connu le succès avec un savon puis elle se lança dans les déodorants. Le groupe pensait que les acheteurs de savons Dial achèteraient le déodorant. Mais ce ne fût pas le cas.

Bayer lança un acétaminophène appelé “Analgésique Bayer sans aspirine”. Le nommage était intéressant car il était explicite et les clients des autres analgésiques comme le Tylenol auraient pu basculer vers Bayer. Mais comme pour Dial, la présence du mot Aspirine fût pénalisante car la marque Bayer était justement associée à l’aspirine.

Penser de l’extérieur vers l’intérieur

Aspirine ou Dial sont sont des marques devenues des noms génériques. Tout comme Fiberglas, Formica, Jell-O, Kleenex, Band-Aid et Sanka.

Les noms génériques sont très efficaces, il est facile de promouvoir à la fois son produit et de l’associer à une catégorie entière. De plus, les concurrents travaillent pour vous lorsqu’ils font la promotion de leur produit.

Lorsque l’on se place du point de vue du client, l’extension de ligne apparaît donc comme une dégradation de cette position de référence. En développant un Bayer Sans Aspirine, Bayer abîme la position de l’aspirine dans l’esprit de ses clients.

Batterie JCPenney vs. batterie DieHard (Irréductible / Jusqu’au-boutiste)

Ce qui vient en premier en tête du client lorssqu’il achète un produit, c’est le nom du produit et non le produit lui-même. JC. Penney est un fabricant de batterie renommé, son nom est très élégant contrairement à celui de son concurrent, la Diehard.

Mais au moment de faire un choix, le client qui aura le choix entre l’élégant nom JC Penney et l’efficace DieHard (Irréductible) fera probablement le choix de l’efficacité.

Le shampoing Protein 21

Protein 21 est un shampoing pour homme que Mennen lança sur le marché. Il atteintrapidement 13% de part de marché. Mennen décida d’étendre la gamme. Elle lança un après-shampoing Protein 21, un deux en un Protein 21, un fixateur Protein 21, etc.

Elle lança également une autre gamme, Protein 29 avec les mêmes déclinaisons.

Les ventes du shampoing s’effondrèrent pour atteindre 3% du marché. Les produits furent retirés.

Les chewing gum « Life saver » (Bouée de sauvetage)

Life Savers est une entreprise dont les dirigeants croyaient sincèrement que leur chewing gum, le life saver (bouée de sauvetage) évoquait bien plus qu’une sucrerie avec un trou au milieu. Il signifiait aussi un goût excellent et un produit de qualité.

En fait, tout le monde reconnaissait le chewing gum life saver mais pas pour son excellence et sa qualité, mais bien pour sa forme. Mais le leader sur la marché du chewing gum s’appelle Bubble Yum et son nom est plus adapté au produit qu’une bouée de sauvetage.

Qu’est-ce qu’une Eveready ?

Eveready d’Union Carbide dominait le marché des piles quand celles-ci étaient utilisées essentiellement pour les lampes torches. Avec l’arrivée du transistor à pile, il devint nécessaire de disposer de piles plus puissantes. P. R. Mallory lança alors la pile alkaline Duracell alkaline. Celle-ci avait des couleurs très particulières : or et noir.

Union Carbide lança alors son propre modèle de pile alkaline en reprenant les couleur or et noir de son concurrent et en écrivant le mot Eveready alkaline en gros. La pile Duracell, elle ne mentionnait que son propre nom Duracell. L’entreprise n’avait pas besoin de mentionner le nom Alkaline car dans l’esprit des gens, Duracell avait lancé ce produit en premier. Duracell voulait donc dire Alkaline, tout comme Bayer = Aspirine ou Coca = Soda.

Finalement, plutôt que de continuer à renforcer les ventes de Duracell, Union Carbide créa les Energizer avec un code couleur et un packaging vert et argent.

[A noter qu’une partie des exemples donnés par les auteurs comme celui de Bayer sont des diversifications traitées comme des extensions de gamme, ce qui explique l’échec.]

 

13 – Les extensions de gamme peuvent-elles marcher?

Les équipes de New-York de baseball, football, basketball et tennis s’appellaient à un moment respectivement Mets, Jets, Nets et Sets. Mais la mode s’arrêta là. Le club de tennis changea de nom de et se baptisa les New York Apples.

Les extensions sont populaires car elles peuvent apporter des avantages à très court terme. Le nom va fonctionner comme un flash et permettre une association avec quelque chose de déjà reconnu par ailleurs.

Les premières ventes d’Alka-Seltzer Plus furent d’ailleurs plutôt encourageantes. Mais cela est désavantageux à long terme car deux problèmes se posent :

  • Un concurrent occupent déjà la place de leader et est déjà la référence dans l’esprit du client
  • La position d’origine peut être abîmée comme on l’a vu avec Le sans aspirine Bayer qui dégradait la position de l’aspirine Bayer.

 Les chaussures Levi’s

Levi’s a par exemple tenté une aventure désastreuse dans la chaussure. Les clients n’ont pas aimé voir la marque Levi’s sur des chaussures.

Liquid Tide vs. Tide Powder

Procter & Gamble a dépensé 50 million de $ pour lancer un nouveau détergent, le Liquid Tide basé sur la formule d’un savon en poudre vedette de la société, le Tide Powder. Le liquid tide devait concurrencer le leader du marché, Wisk. Malheureusement, le Liquid Tide ne parvint qu’à cannibaliser les ventes de Tide Powder.

Une Cadillac a prix abordable

C’est aussi ce qui est arrivé à Packard. Dans les années 30, la marque fabriquait des voitures du niveau de celles de Rolls Royce. En 1954, elle se décida à attaquer le segment du dessous et lança un modèle plus abordable, la Clipper.

Ce fût un succès commercial immense. Mais ce succès abîma la position de Packard dans le très haut de gamme. La marque disparût quelques années plus tard. Deux décennies plus tard, General Motors introduisit une Cadillac Cimarron avec le même principe de haut de gamme un peu plus abordable. Depuis, Cadillac est à la peine face aux marques de luxe allemandes.

Qu’est-ce qu’une Volkswagen

Volkswagen a bâti sa réputation grâce à des voitures d’entrée de gamme comme la Coccinelle. Pourtant quelques décennies plus tard, la marque lança des modèles plus haut de gamme comme Jetta et la Passat. Il s’en suivit une dégringolade de la marque allemande sur le marché des voitures importées aux États-Unis.

Les règles à retenir

L’extension de gamme est donc un piège si les produits sont lancés sans être positionnés. Al Ries et Jack Trout proposent les pistes suivantes pour savoir s’il est possible d’utiliser ou non le nom de l’entreprise.

1. Volumes. Les produits positionnés pour prendre une place de leader avec des ventes importantes, les produits ne doivent pas porter le nom de l’entreprise. Si les ventes prévues sont faibles, alors les produits peuvent porter le nom de la marque.

2. Concurrence. S’il n’y a pas de concurrents encore sur le marché, il ne faut pas reprendre la marque de l’entreprise. Si le secteur est déjà encombré, le nom de l’entreprise est un plus.

3. Publicité. Les grandes campagnes publicitaires ne doivent pas porter sur le nom de l’entreprise. Les petites campagnes oui.

4. Type de produit. Les produits trop disruptifs ne doivent pas porter le nom de l’entreprise. Les fonctions ou services additionnels, oui.

5. Distribution. Les produits sur étagère ne doivent pas porter le nom de la marque. Par contre, les produits vendus par des représentants.

 

14 – Repositionner Xerox

A l’époque où le livre a été écrit, Xerox poursuivait sa politique de diversification dans l’informatique. Les auteurs annoncent que la marque ne peut pas changer ce qui est à l’esprit du client. Xerox est associé aux photocopieurs et la politique de diversification avec la marque Xerox est vouée à l’échec.

Pour se positionner, Xerox doit donc percevoir son environnement. Cet environnement, c’est le bureau, là où les gens travaillent. Celui-ci a trois piliers, le téléphone et le fax où AT&T est la marque leader, IBM pour l’informatique et le réseau local et Xerox pour les copieurs.

Les fonctions de copieur s’enrichissent (Scan, Xerographie, etc.). Xerox peut donc renforcer cette position. (Au vu des développements techniques des trente dernières années, cette analyse d’Al Ries et Jack Strout passe bien entendu à côté de la plaque).

 

15 – Repositionner la Belgique, une mission de conseil effectuée par Al Ries et Jack Trout

Positionner une compagnie aérienne ou le pays de destination ?

Il s’agit là d’une véritable mission de conseil qu’ont effectué Al Ries et Jack Trout pour le compte de la Sabena, l’ancienne compagnie aérienne nationale belge.

La publicité d’alors disait « Doit-on être bon vivant pour prendre la Sabena ». Les repas de la Sabena avaient beau être excellents, ce n’est pas pour cette raison que les passagers en partance pour l’Europe accepteraient de faire un crochet par Bruxelles.

La Sabena devait donc positionner d’abord son pays, la Belgique. Les américains savent peu de choses de ce pays, contrairement à la France, l’Angleterre, les Pays-Bas, etc.

Les bureau de tourisme belges aux États-Unis faisaient d’ailleurs la promotion de leur pays en mettant en avant la centralité de Bruxelles par rapport à ces trois destinations. L’autre critère mis en avant par le bureau du tourisme était la « beauté » du pays. C’était un début mais ce n’était pas suffisant.

Un pays trois étoiles

Les auteurs réalisèrent que six villes du pays étaient classées 3 étoiles par le guide Michelin : Bruges, Ghent, Anvers, Bruxelles et Tournai. Les Pays-Bas n’en avaient qu’une seule : Amsterdam.

La publicité proposée était donc la suivante : “Dans notre beau pays, il y a cinq Amsterdams.” Ce slogan était accompagné de cinq photographies représentant les villes citées plus haut.

Le slogan visait à récupérer le maximum d’informations déjà présentes à l’esprit du prospect :

  • Amsterdam, une très belle ville ;
  • Le guide Michelin, un conseil de qualité.

La campagne fût à peine proposée que l’équipe dirigeante de Sabena aux États-Unis fût remplacée. Les nouveaux dirigeant annulèrent la campagne sur ordre du siège à Bruxelles.

 

16 – Positionner la Jamaïque

Les auteurs cherchaient à installer une carte postale de la Jamaïque dans l’esprit du public américain pour promouvoir le tourisme dans ce pays. La difficulté est que les autres pays des Caraïbes avaient déjà installé la leur, en particulier les Bahamas et la Barbade.

Carte postale

Plutôt que d’aller en Jamaïque pour essayer de récolter un maximum d’images et essayer de voir lesquelles pouvaient « entrer dans l’esprit du client », les auteurs cherchèrent ce qui existait déjà dans l’esprit du client.

La Jamaïque est un île montagneuse et verte avec un arrière pays, des pâturages, des plaines, des rivières, des chutes d’eau et une forêt dense.

En décrivant ces caractéristiques, une image d’une autre île apparaît Hawaï.

La connexion hawaïenne

La Jamaïque disposait donc des qualités de Hawaï en étant bien plus proche. Le positionnement choisi fût « Le Hawaï des Caraïbes ». Cela permettait de capitaliser sur des images déjà existantes à l’esprit du client tout en suggérant deux autres avantages : un prix de billet plus bas et un temps de voyage bien moins long.

 

17 – Positionner un produit : Milk Duds

Milk Duds est une marque de barres chocolatées qui souhaitait se faire une place dans ce marché. Elle était confrontée à deux difficultés :

  • Son marché était saturé : barres Hersheys, Nestlé, Snickers, Milky Ways, etc.
  • Sa clientèle cible était composée essentiellement d’enfants de dix ans.

Milk Duds devait donc d’abord repositionner ses concurrents.
Les barres chocolatées avaient diminué en taille ces dernières années et elles se mangeaient très vite. Cela provoquait un mécontentement assez fort des parents qui se méfiaient de ce type de friandise.

Des barres chocolatées longue durée

Les Milk Duds étaient différents. Ils venaient en boite de 15 plutôt qu’à l’unité. A l’inverse des autres barres chocolatées, on mettait plus de temps à les manger. Pourtant, la marque n’avait jamais songé à faire valoir cet avantage là dans ses publicités.

Les auteurs proposèrent une campagne publicitaire où des enfants mangeant des barres chocolatées étaient déçus qu’elles soient rapidement terminées. Puis ils découvraient des Milk Duds qu’ils se mettaient à apprécier, d’autant plus qu’ils duraient longtemps.

Al Ries et Jack Trout nous disent qu’avec cette campagne, Milk Dudd pût enfin trouver une position avantageuse sur le marché des barres chocolatées.

 

18 – Positionner un service : Mailgram

Avec Mailgram, un service de télégramme moins cher

Mailgram était un service de Western Union lancé à la fin des années 70. Il fallait appeler un service, lui épeler le contenu du télégramme et celui-ci était envoyé à son destinataire.

Western Union avait communiqué autour du côté novateur de son service. Il était « électronique », entièrement « informatisé » et il faisait « entrer le télégramme dans l’ère du digital » (nous sommes dans les années 70).

Mais cela ne prenait pas, le télégramme ordinaire, autre service de WU, continuait d’être la référence malgré un prix plus élevé. Les gens n’étaient pas encore prêts à changer leurs habitudes.

L’impact du télégram pour une fraction de son coût

Al Ries et Jack Trout proposèrent d’abandonner cette piste pour aller se positionner « dans l’esprit du prospect ». Mailgram pouvait capitaliser sur la position de leader de Western Union qui signifiait pour beaucoup de gens l’idée de transport d’un message avec une remise garantie au destinataire. La différence entre les deux services ne pouvait donc pas se jouer sur la qualité.

Ils proposèrent donc :

« Mailgram, l’impact du télégramme pour une fraction de son coût ».

Les dirigeant de Western Union réservèrent un accueil froid à cette proposition. Mailgram de se positionnait contre un autre service de Western union. De plus, ils ne voyaient pas l’intérêt de se positionner en rapport au télégramme qui était un service déclinant sur le long terme. On organisa un split test dans six villes Boston, Chicago, Houston, Los Angeles, Philadelphie et San Francisco.

Un split test sur deux propositions

On y compara cette proposition de campagne avec une deuxième proposition qui ne positionnait pas le service et mettait l’accent sur la vitesse avec une tonalité d’ensemble plus positive.

« Mailgram, un nouveau service rapide pour vos messages importants – Mailgram: A new highspeed service for important messages.”

Après treize semaines de test, il apparut que l’efficacité de la première où le produit était positionné par rapport au télégramme était bien meilleur. La seconde campagne avait eu des résultats honorables, mais ses performances étaient en moyenne 20% plus basses que la première.

Le positionnement s’avère plus efficace qu’une campagne générale

Un test de notoriété acquise après la campagne permis de réaliser que les clients exposés à la première campagne avaient retenu le nom du service alors que c’était moins souvent le cas avec la campagne où le produit n’était pas positionné.

Lorsque dix ans plus tard, WU décida d’abandonner ses campagnes de positionnement et d’utiliser des messages plus ordinaires pour son service Mailgram, les ventes déclinèrent.

 

19 – Positionner une banque à Long Island

Banque locale contre les mastodontes

Long Island Trust était depuis des années la banque leader à Long Island. Mais les grandes banques de la ville de New-York menait des campagnes de plus en plus agressives depuis que la loi permettait maintenant à des banques de se déterritorialiser. Chase Manhattan, Morgan, etc. menaçait donc maintenant sa position de banque locale de confiance.

Analyse de perception

Une analyse de la perception de la banque fût réalisée sur les critères suivants : (1) Nombre de bureaux (2) Étendue des services, (3) Qualité du service, (4) Capital de la banque, (5) Contribution à la vie des habitants de Long Island et (6) Contribution à l’économie de Long Island.

Sur les quatre premier critères, Long Island Trust était bon dernier. Sur les critères 5 et 6 par contre, elle arrivait au contraire en premier. Ce n’est pas surprenant si l’on considère le nom de la banque.

Garder son argent à Long Island

Deux stratégies étaient possibles:

  • Améliorer les quatre premiers critères en considérant de manière conventionnelle qu’il faut renforcer ses points faibles.
  • Utiliser la théorie du positionnement et considérer qu’il faut s’appuyer sur ce qui est déjà à l’esprit du prospect pour bâtir sa position.

La campagne mettrait donc l’accent sur ces points suivants. Une première campagne posait ouvertement la question :

« Pourquoi envoyer son argent hors de Long Island alors qu’on y vit? »

Une seconde campagne reprenait le même message en s’appuyant sur la photo d’un immeuble de la Citibank avec des palmiers à ses pieds.

Bénéfique sur le long terme

Quand 4 ans plus tard, on procéda de nouveau à une étude de perception d’image des banques à Long Island, la banque était passé de la dernière à la quatrième place sur les critères Étendue des services et Qualité du service. Elle était passée de la dernière place à la première place sur le critère Nombre de bureaux et Capital de la banque. Sur les deux derniers critères, elle s’était maintenue à la première place.

La campagne de positionnement fût immédiatement bénéfique pour la banque qui en retira des bénéfices de long terme, surtout sur des critères qui n’étaient pas vus comme ses points forts.

 

20 – Positionner une banque du New-Jersey

Banque locale et peu connue

United Jersey est une banque beaucoup plus petite et bien moins célèbre que Long Island Trust, y compris dans l’état du New Jersey où elle était localisée. Elle comptait 116 bureaux et n’était que la cinquième banque de l’état derrière First Fidelity et Midlantic dans le nord de l’état et Mellon et First Pennsylvania dans le sud.

Il s’agissait donc d’une petite banque banque parmi des banques de taille moyenne.

Se confronter aux colosses

Les deux colosses de la banque de détail à l’époque étaient Citibank et Chase Manhattan. Les auteurs proposèrent à leur client de ce positionner par rapport à ces deux colosses plutôt que vis-à-vis de leur concurrents habituels.

En se positionnant, la question que l’on doit se poser est ce que le client a à l’esprit. Il est donc nécessaire de se positionner vis-à-vis d’acteurs remarquables plutôt que d’acteurs secondaires.

Se positionner et mettre la banque en mouvement

La stratégie appliquée fût la suivante :
A. Exploiter le temps de réaction très lent des grandes banques de détail.

B. Encourager le management de la United Jersey à s’assurer que les engagements associés à leur positionnement soient respecté.

Ces engagements étaient les suivants :

1. Des décisions décentralisées : Les décisions seraient prises au sein des agences ce qui permettrait d’accélérer les réponses, notamment pour les demandes de prêt.

2. Le personnel de la banque est formé et sa compétence ne se limite pas à un seul type de produit.

3. Tout le système de la banque est informatisé et l’état de ses comptes peut être consulté en temps réel par téléphone (on est dans les années 70).

4. Traitement des chèques dans la journée.

5. Utilisation des terminaux FACT qui permettent d’effectuer des retraits avec contrôle de trésorerie en temps réel.

6. Réactivité. Être à l’écoute des besoins de financement de ses clients et répondre rapidement.

7. Centralité. En s’installant à Princeton, United Jersey se positionnait à moins d’une heure en voiture de la plupart de ses clients professionnels.

Faire la publicité d’une banque en mouvement

Les publicités à la télévisions mettaient en évidence le contraste entre la United Jersey bankers avec ses grandes banques appelées “Lethargic National Bank.”

Dans la première publicité diffusée, la “Lethargic National Bank » mettait une éternité à accorder un prêt. La seconde mettait en scène un conseiller de la “Lethargic National Bank » qui disparaissait à chaque fois que son client avait une question. Enfin, dans la troisième, un couple s’adressait à un conseiller qui leur répondait au ralenti.

Le slogan de chacune de ses publicité était le suivant : United Jersey accorde autant de valeur à votre temps qu’à votre argent“. En parallèle, des panneaux imprimée en 4*3 annonçaient une « banque en mouvement – fast-moving bank ».

Un programme réussi

Dans la mesure où ce programme de positionnement fût associé à une refonte de l’ensemble des processus de la banque, les résultats obtenus furent très positifs.

21 Positionner une station de ski: Stowe

Stowe dans le Vermont est une station de ski déjà très connue aux Etats-Unis. Dans l’esprit des américains, son nom vient se nicher au milieu de celui de lieux comme Aspen, Val d’Isere et Kitzbühel. Sa reconnaissance provient de la forme la plus aboutie des publicités, le bouche à oreille.

Pourquoi positionner une station déjà célèbre ?

Les dirigeants de la station souhaitaient continuer à alimenter ce bouche à oreille avec une communication efficace.

Dans le top 10 mondial des stations de ski

Harper’s Bazaar plaçait Stowe dans son top 10 des stations de ski, au milieu d’Aspen dans Colorado, de Courchevel, de Jackson Hole dans le Wyoming, de Kitzbühel en Autriche, de Portilloau Chili Chile, de St. Christoph en Autriche, de St. Maurice, en Suisse, de Sun Valley dans l’Idaho et de Vail dans le Colorado.

Se démarquer

Pour Stowe, l’enjeu était de se démarquer dans cette liste. Les auteurs proposèrent :

« Parmi les 10 plus belles stations de ski au monde, une seule d’entre-elles se situe à l’est des Etats-Unis. – Of the world’s top 10 ski resorts, only one is in the East.”

Avantages et inconvénients du recours à une autorité externe

L’avantage d’un tel positionnement est qu’il s’appuyait sur l’autorité que conférait le classement d’Harper’s Bazaar. Il ne restait plus qu’à positionner la préoccupation principale du public visé, celui des habitants de l’Est américain : le gain de temps et la simplicité d’accès.

Le recours à une autorité extérieure peut néanmoins avoir un désavantage. Elles est perçue comme encourageant les comportements moutonniers et elle est rejetée en conséquence par une partie du public plus soucieux de démarcation.

 

22 – Positionner l’église catholique

Là, les auteurs ont proposé à l’église catholique de résoudre le problème du déclin du nombre de ses pratiquants. Pour les auteurs, le problème venait du rôle de l’institution de plus en plus mal perçu depuis Vatican 2.

Quel rôle pour l’église ?

Al Ries et Jack Trout ont donc proposé aux dirigeants de l’institution de communiquer différemment en se recentrant sur la figure du christ.

Pour cela, ils proposaient de repartir du Sermon de Matthieu (Matt. 17:23) dans lequel Dieu a ordonné aux hommes d’écouter les paroles du Christ pendant son ministère sur terre. Puis le Christ en quittant le monde ordonna à ses suiveurs d’aller instruire les nations avec ce qu’ils avaient appris de lui (Matt. 28)

Il s’agissait donc de mettre en avant la mission « d’instructeur du monde » du Christ et non plus « d’instructeur de la loi ». Seule l’Église pouvait assurer ce rôle.

Or l’Église préféra (selon les auteurs) conserver la complexité de son message dogmatique plutôt que l’accroche simple proposée par les marqueteurs. La proposition fût donc rejetée.

 

23 – Se positionner soi même et positionner sa carrière

Se définir soi-même

Il est difficile de se positionner soi-même. Il est fréquent qu’un avocat ou un consultant avance qu’il est le meilleur de la place, le meilleur dans sa spécialité, etc. C’est très insuffisant, surtout quand sept de vos confrères sont passés avant vous. La première chose est donc de se démarquer et de définir quel concept nous allons utiliser pour établir une position de long terme. Ce n’est pas facile, mais la récompense peut-être importante.

Faire des erreurs

Pour Al Ries et Jack Strout, tout parcours pour se démarquer soit se faire en se salissant les mains (lousy) et en prenant des risques. Ils prennent l’exemple d’un grand Jockey qui connût sa première victoire après 250 défaites.

Assurez-vous que vous avez le bon nom

Al Ries et Jack Trout rappellent que Marion Morrison est devenu John Wayne est que Issur Danielovitch se rebaptisa Kirk Douglas. Ils suggèrent donc de ne pas hésiter à changer de nom.

Éviter le piège du sans nom

Il s’agit ici d’éviter l’emploi d’initiales comme J. S. Smith ou R. H. Jones.

Éviter l’extension de sa propre gamme

Éviter de prendre le nom de son père ou de sa mère si elles / ils sont déjà célèbres. Liza Minnelli a fait ce choix et elle est devenue encore plus reconnue que sa mère Judy Garland. Avec Liza Garland, elle auré démarré avec un handicape. Frank Sinatra, Jr. n’a jamais pu percer par exemple.

Choisir le bon cheval à monter

  • Le cadre de travail. Si vous choisissez entreprise trop grosse, il est fort probable que votre emploi soit limité en terme d’intérêt et que vous soyez soumis à une compétition qui limitera vos possibilités de progrès.
  • Le patron. De même, certains de vos patrons seront bien meilleurs que d’autres pour vous aider à progresser.
  • Le réseau. C’est un critère important. Les auteurs recommandent de faire le plus de connaissance professionnelles possibles.
  • L’idée. Il faut se confronter au monde extérieur pour trouver l’idée de positionnement personnel.
  • Ne pas avoir peur du conflit. Ici les auteurs nous donnent l’exemple de Churchill à qui Hitler a donné l’opportunité d’être un grand homme. (Véridique. A ce stade, la lecture du livre est une véritable épreuve. Heureusement, on est à la fin).
  • La foi. Ici, les auteurs rappellent que la chaîne Mc Donalds ne doit pas son succès aux deux frères qui ont fondé la marque. C’est un commercial du nom de Ray Kroc qui avait la foi alors que les frères Mc Donald ont préféré los royalties de la vente du brevet.
  • Soi-même. Il s’agit ici de persévérer.

 

24 – Positionner son job

Il faut se poser six questions pour positionner son job.

  1. Quelle est ma position ?

    Le positionnement est un questionnement à l’envers. Il ne s’agit donc pas de se positionner soi-même mais de savoir comment ma position est perçue par mes prospects. Pendant longtemps, 7up pensait que son problème venait du fait que ses prospects préféraient les sodas noirs aux sodas blancs. Puis elle développa sa campagne « 7up, the uncola ». C’est à ce moment là que que 7up pût trouver sa position dans l’esprit des prospects.

  2. Quelle position voulez-vous tenir ?

    Il fauit éviter les positions trop larges, éviter les offres générales et non ciblées.

  3. Connaître son adversaire

    Il est impossible de se positionner sans avoir à affronter les leaders de son segment. C’est eux qu’il faut connaître et la communication devra les cibler de façon implicite ou explicite.

  4. Avez-vous assez d’argent?

    En fonction des adversaires que vous avez à affronter, il est parfois difficile de tenir la route financièrement. Un groupe comme Procter & Gamble finance ses campagnes à hauteur de 50 millions de $. Il contribue au bruit ambiant et rend invisible la communication de ses concurrents. Il faut donc dans ces cas réduire son scope et cibler des segments moins chargés en message (cf. l’exemple des banques vu plus haut).

  5. Arriverez-vous à tenir le coup?

    Votre société ne doit pas changer sa stratégie de positionnement initiale. Elle risque de perdre sa position de leader. C’est le piège dans lequel est tombé Bayer en communiquant sur ses produits « Sans Aspirine » avec le nom Bayer.

  6. Rester cohérent

    Il faut résister à la tentation de la créativité. De nouvelles idées peuvent perturber un positionnement durement travaillé. La créativité doit-être soumise à une stratégie de positionnement et non l’inverse.

En se positionnant de la sorte, une jeune entreprise pourra devenir un outsider. En tant qu’outsider, son ignorance sera un atout, elle apportera sur le marché une vision et neuve.

 

25 – Le jeu du positionnement, une question de sémantique

Les mots et les choses

Grace au structuralisme et aux travaux de Roman Jacobson dans les années 1920 (et non pas grâce à la sémantique générale d’Alfred Korzybski des années 30 comme le prétendent les auteurs), nous savons que les mots n’ont pas de sens prédéterminé. Ils sont une forme et nous leur attribuons un sens par association avec les choses qu’ils désignent.

Les mots sont des déclencheurs

Les mots doivent être vus comme des déclencheurs. Ils nous servent à bâtir notre monde, nos structures mentales. Nous réajustons en permanence ce rapport au monde pour que le monde se conforme à nos structures mentales. Soit nous empêchons ce mécanisme d’adaptation et nous prenons le risque du conflit ou alors nous tentons de réajuster nos perceptions. Il est ainsi possible de décaler le sens d’un mot par maillage sans trop s’éloigner de son sens précédent.

Décaler le sens des mots plutôt qu’essayer de les changer

C’est comme cela que nous adaptons aux innovations ainsi qu’aux grands boulversements sociaux auquels nous pouvons-être confrontés. C’est aussi la logique du positionnement. Il s’agit d’adapter, de décaler légèrement un rapport au marché établi par les ans au bénéfice d’un nouvel entrant ou d’un acteur moins bien positionné.

Pour cela, il faut :

  • Une vision : Un positionnement réussi est conditionné par le fait de savoir où on veut aller à moyen et long terme. C’est d’autant plus vrai pour les grandes entreprises qui sont très lourdes à changer.
  • De l’objectivité : L’objectivité permet de voir comment nos produits sont perçus par les prospects et non pas comment nous les percevons nous même.
  • Sens du sacrifice : Sacrifier toutes les positions potentielles pour n’en choisir qu’une seule. Plus la cible est petite, plus le positionnement sera simple. Il faut donc trouver une équilibre entre la rentabilité de la cible et les possibilités de positionnement.
  • Vision globale : Faire comme IBM, voire son marché à l’international plutôt que sur le seul marché américain.
  • Il n’y a pas de champion: Comme le prouvent les exemples de ratages étalés dans le livre, les grandes marques ne sont pas des expertes en positionnement. La position, ce ne sont pas elles qui l’établissent. Celle)-ci est dans l’esprit du prospect, c’est pour cela qu’il faut suivre les règles du « Positionning ».

Le livre

 

Intéret du livre Positionning the battle for your Mind

La question du positionnement est un sujet sur lequel beaucoup de débutants font l’impasse. Nous espérons pouvoir nous adresser au plus grand nombre alors qu’un positionnement plus restreint et qui nous situe de façon différenciante par rapport aux concurrents est probablement plus bénéfique.

 

Le points négatifs du livre d’ Al Ries et Jack Strout

  • Absence de style, livre très mal écrit et pénible à lire. L’arrogance et un ton déclaratif qui n’aident pas à clarifier le propos non plus.
  • Des exemples où les auteurs cherchent à faire les malins en dépassant l’acceptable (misogynie ordinaire : « donnez une liste de course à votre épouse », imbécilité assumée : « Hitler a donné sa chance à Churchill », « La foi catholique est une forme de communication et elle doit se positionner », etc.)
  • Une vision caricaturale de la créativité, opposée au positionnement. Jack Trout est décédé en 2017, mais Al Ries est toujours vivant et a 91 ans. On lui conseillera donc de lire Creative confidence de Tom et David Kelley.

Et maintenant ?

Le guide pour créer un produit désirableTestez votre idée ou votre positionnement avec le guide « Créez un produit aussi désirable que celui d’une grande marque ».

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Positionning – La bataille de l’attention (Première partie)

By Lotfi BENYELLES

Positionning, the battle for your mind (2000, Editions McGraw-Hill Education, Non traduit) est un livre d’Al Ries et de Jack Trout. Ce livre présente le concept de positionnement, c’est à dire la communication produit à mettre en place dans un environnement saturé d’information. L’objectif est de permettre au produit de se démarquer alors que des concurrents sont déjà positionnés sur le marché.

La dernière édition de ce livre a près de vingt ans. Même si beaucoup d’exemples sont datés, ce livre reste intéressant car il présente une dimension de la communication qui permet d’établir un rapport durable et de la confiance avec ses clients.

Avant propos et introduction

L’introduction du livre a été rédigée par Philippe Kotler, l’auteur du célèbre manuel de marketing. Ce dernier nous fait un rappel de ce qu’il voulait dire initialement par positionnement. Le concept des 4 P était un préalable à toute stratégie marketing pour une entreprise. Une entreprise devait avoir une politique de

  • Prix : fixation du prix du produit
  • Produit : caractéristiques des produits et services éventuellement associés
  • Promotion : publicité, marketing et promotion des ventes
  • Placement (distribution) : les canaux de distribution qui seront utilisés pour vendre le produit

Pendant des années les stratégies marketing ont été établies sur ces bases. Philippe Kotler nous rappelle que les 4 P n’agissent que sur les éléments extérieurs du produit : son packaging, son prix, la façon dont il est promu et distribué

Il admet lui-même qu’ils n’ont jamais permis d’agir en amont, au moment où un produit est créé et qu’il se positionne sur le marché.

Cette phase amont, il la nomme ‘RTP’ : R pour la recherche et l’innovation, T pour targetting (ciblage) et P pour positionnement (P). Ce dernier « Positionnement » consiste à rendre un produit remarquable dans l’esprit sursollicité du client. Cela n’a donc rien à voir avec les 4P. Philippe Kotler considère que le livre « Positionning, the battle for your mind » d’Al Ries et Jack Trout est l’ouvrage de référence pour comprendre ce positionnement là.

Le positionnement dépend de perceptions, de ressentis et de croyances. Pour être efficace, ce marketing subjectif doit donc d’abord tenir compte du fait qu’il adresse des perceptions. Il doit également tenir compte de du fait que le produit se positionnera dans l’espace saturé de la communication.

 

1 – Que veut dire le mot positionnement

Une publicité de bière aux États-Unis est restée célèbre pour avoir permis à la marque Miller de se positionner sur le marché des bières light où elle était absente.

« Lite beer de Miller. Tout ce que tu as toujours voulu dans une bière. Et encore moins. »

La formule est élégante et travaillée. Le mot light a été remplacé par un équivalent phonétique, lite. Il s’agissait là de remplacer un mot très répandu par un équivalent différenciant qui en conserve le sens. La bière de Miller est la seule à être lite, les autres sont light.

Le « et encore moins » en fin de phrase fonctionne comme un écho surprenant. D’ordinaire, on attend plus d’un produit, mais ici il promet moins. Quel gain peut nous apporter un produit qui promet moins que ces concurrents ? Moins de sucre bien sûr, mais aussi moins de triche. Les bières light de la concurrence qui ont un goût de bière restent tout aussi glycémiques que la bière, sinon elles auraient un autre goût. La Lite beer de Miller a un goût de bière mais elle au moins, est réellement moins glycémique.

Le remplacement de lite par light est devenu très banal. Mais la publicité de Miller dans les années 80 créa ce filon et eu le privilège du premier repositionnement dans le marché des bières light.

Nous voyons avec cet exemple que pour trouver son marché, un produit doit se positionner en tenant compte de ce que le client a en tête. Ici, le client sait que les bières light ont plus mauvais goût que les bières classiques. Miller positionne sa bière au dessus de la mêlée des bières light et la met en rapport avec les bières classiques.

Cet publicité est exemplaire car elle se démarque dans un secteur de la communication aujourd’hui encombré. La dépense publicitaire par habitant aux Etats-Unis était de 376$ par an en 1992, date de sortie du livre. Elle était de 604$ par habitant en 2016 (Source Statista).

Dans ce contexte, nos cerveau ont pris l’habitude de se défendre contre cet assaut. Le filtre principal que nous utilisons est l’expérience.

Pour les marques, cela veut dire deux choses :

  • Les messages doivent-être simples et fuir la complexité pour ne pas se noyer instantanément dans la masse
  • Les messages doivent répondre à problème présent dans l’esprit de ceux à qui ils s’adressent

C’est à ces deux seules conditions que l’on peut assurer une communication efficace.

 

2 – Le cerveau pris d’assaut

Les auteurs nous rappellent donc que comme en Architecture :

« Less is more » – Ludwig Mies van der Rohe, 1947

Avec cette phrase, l’architecte moderniste voulait souligner qu’une forme architecturale devait se restreindre à ses qualités propre et fondamentales.

Pour Mies Van der Rohe, les détails, les ajouts, etc. n’avaient d’intérêt que dans la mesure où ils pouvaient servir la structure d’ensemble. Cela signifiait l’exclusion des formes ornementales autonomes ou des performances visuelles d’architectes destinées à démarquer une construction dans un paysage. Cette préoccupation minimaliste est au coeur de la création artistique depuis les années 50.

Mais dans le brouhaha ambiant de la communication, c’est plutôt l’inverse qui se joue. La communication est toujours plus encombrée, les messages toujours plus bruyants et plus confus. Le résultat est à l’opposé de celui attendu. Plutôt qu d’attirer l’attention de celui qui écoute, ces messages bruyants, longs, lourds et complexes ne font qu’accentuer la méfiance et les défenses de ceux qui écoutent.

La publicité nous paraît aux centre de cette production. Mais en réalité, il ne faut pas oublier que la production de messages est encore plus abondante. La publicité doit se frayer un chemin au milieu des informations légales, de l’actualité et au milieu de l’ensemble des messages de la vie quotidienne (panne de métro, déviation d’autoroute, grève, l’anniversaire d’une nièce, etc.)

Notre esprit (ou cerveau, pour rester fidèle au texte d’origine) priorise dans cette embouteillage de massages. Au milieu des années 80, seul 40% des américains savaient que George Bush était vise-président des Etats-Unis. Pourtant, celui-ci avait remporté deux élections avec Ronald Reagan et il avait donc fait l’objet d’une couverture de presse massive. Par contre, près de 93% des gens savaient reconnaître M. Propre, le génie symbolique de la lessive du même nom. Cela alors même que la marque n’avait pas diffusé la moindre publicité depuis plus de dix ans.

George Bush est devenu président des Etats-Unis en 1988, mais cela démontre malgré tout que l’hypercommunication est contreproductive. La plupart d’entre nous est incapable de se souvenir des modèles de voiture proposés par Peugeot. Pourtant, il ne se passe pas une journée sans que nous soyons exposé à un message publicitaire de la marque.

Il en est de même pour les marques de luxe, les banques, les assurances, les supermarchés, etc. Nous avons pris l’habitude de voir leur message sans nous attacher à leur contenu.

Al Ries et Jack Trout nous rappellent donc qu’un cerveau ne peut accepter qu’un nombre limité d’informations ou de sensations. Au delà d’un certain point, il se ferme et refuse de traiter l’information qu’il reçoit.

 

3 – Solliciter l’esprit

L’enjeu est donc de passer le bon message, à la bonne personne et au bon moment. En d’autre termes, trouver une fenêtre de lancement.

La voie la plus simple est d’être le premier. Nous nous souvenons toujours de ceuux qui ont fait les choses en premier: Youri Gagarine, le premier homme dans l’espace, Neil Amstrong, le premier homme sur la lune, etc. Mais nous ne connaissons pas le nom des suivants. De la même façon, nous nous souvenons de Kodak, d’IBM, d’Apple, de Coca Cola. Toutes ces marques ont inventé le marché où elles se sont positionnées en premier.

Dans le domaine amoureux, les auteurs nous rappellent l’importance de la première rencontre qui rend aveugle bien des amoureux.ses.

Ce qui se joue dans ces contextes, c’est la réceptivité. Cette fenêtre de lancement est un moment de forte réceptivité où le récepteur du message est prèt à accueillir l’information qui lui est transmise.

Bien sûr, ce premier moment ne fait pas tout. Une fois que le contact a été établi, une marque doit bâtir de la loyauté, c’est-à-dire fidéliser et respecter ses clients. Mais en étant la première, cette fidélisation est plus simple à mettre en place.

Alors que faire lorsqu’on arrive en 2nde, 3ème ou 203ème position. Al Ries et Jack Strout nous disent que rien n’est perdu et qu’il existe des stratégies de positionnement pour les retardataires. C’est ce que nous verrons dans les chapitres suivants.

Mais en attendant, l’idéal reste de se positionner en leader quitte à choisir des segments de clientèle plus petits. Mieux veut être un gros poisson dans un petit aquarium qu’un petit poisson dans un gros aquarium nous disent les auteurs. Les raisons tiennten à l’histoire de la publicité.

L’ère du produit

Il s’agit du premier temps de la publicité. Il n’y avait généralement qu’un produit par marché. Lorsque le client consultait une publicité, il s’informait sur un moyen de répondre à un problème qu’il avait. Mais très vite la multiplication de produits concurrents au sein d’un même marché a tué l’ère du produit. Il n’était plus possible de communiquer sur les fonctions d’un produit car tous les produits disposaient des mêmes fonctions.

L’ère de l’image

Cette ère correspond à la façon dont David Ogilvy a pensé le métier de la publicité. Pour lui, chaque publicité était un investissement de long terme dans l’image d’une marque.

Beaucoup de marques que nous identifions à des symboles ont travaillé avec lui : Rolls Royce, Schweppes, etc. Mais là aussi, la multiplication de ces stratégies d’image par les sociétés a mis un terme à cette ère.

De plus à cette même époque, plusieurs acteurs de l’informatique et de la photo qui sont parvenus à installer leurs marques sans véritables stratégie d’image.

L’ère du positionnement

Il s’agit de l’ère actuelle. L’objectif , nous disent les auteurs, est d’être le premier à occuper une position dans l’esprit du client.

Pour cela, il n’est pas nécessaire d’être l’inventeur ou le découvreur. Sperry Rand est la société qui a inventé l’ordinateur. Mais IBM est la première a avoir occupé cette position dans l’esprit des gens.

De même, Christophe Collomb est le premier à avoir découvert l’Amérique. Mais il pensait être arrivé en Inde. Amerigo Vespucci fût le premier voyageur à avoir posé le contexte des nouvelles découvertes maritimes faites à l’ouest : il s’agissait d’un nouveau continent. Ce continent prit son nom et il fallut attendre quelques décennies pour que le nom de Christophe Collomb soit réhabilité.

Positionner un bière dans un marché saturé

Les bières américaines haut de gamme sont apparues dans les années 70. Le marché fût rapidement saturé, mais la communication des marques ne s’attachait pas à positionner le produit. L’une d’entre elle communiquait abondamment et son message était le suivant :

« Venue des terres où les rivières ont la couleur du ciel – From the land of sky blue waters. »

Puis Miller lança sa propre bière haut de gamme.

« Michelob, la bière première classe – First class is Michelob »

Michelob fût la première entreprise à positionner clairement son message et elle devint presque instantanément leader sur ce segment.

Reprenons l’exemple de la bière Miller vu plus haut.

« Lite beer de Miller. Tout ce que tu as toujours voulu dans une bière. Et encore moins. »

En fait, une autre bière était déjà leader sur ce segment à ce moment là. C’était Real Gusto de Schitz. Son slogan pouvait se traduire ainsi :

« Un véritable « gusto » dans une bonne bière légère. – Real gusto in a great, light beer »

Le choix d’une combinaison anglo-espagnole permettait de faire passer plusieurs sens. Pour ceux qui maîtrisent les deux langues, real gusto peut renvoyer à un goût authentique, à quelque chose qui a du goût, à un goût royal, à une bière royale, etc.

Mais ce choix du spanglish ne s’avéra pas très heureux. Le public américain fût incapable de saisir le jeu de mot et l’idée que la bière avait un goût, ni qu’elle était leader (royale). Bref, cette stratégie de positionnement passa à côté de son public. Le buveur de bière américain était trop éloigné des nuances de la langue de Cervantès.

Ce ratage de Schitz permit à Miller de se positionner en leader sur un segment de marché où elle arrivait pourtant en retard. Cette marque a utilisé les références de son public, ce qui lui a permis de contourner le filtre de défense qu’un individu se constitue dans un monde saturé d’information.

 

4 – Ces petites échelles dans nos têtes

L’esprit rejette donc ce qui ne colle pas avec son cadre mental. Un individu de droite filtrera les informations de façon à ce que celles qui arrivent dans son esprit soient cohérentes avec ses opinions. Il en sera de même pour un homme de gauche. L’idée que le cerveau recueille un maximum d’information et qu’il effectue une pondération est démenti par les neurosciences.

Une étude effectuée par des chercheurs de Berkeley illustre ce point. Des personnes étaient invitées à goûter du vin les yeux bandés. Les vins californiens furent déclarés vainqueurs et très largement. Pour on renouvela l’expérience les yeux ouverts, avec l’étiquette bien mise en évidence. Cette fois, ce sont les vins français français qui furent déclarés vainqueurs.

Une personne peut donc influencer sa perception en fonction de la façon dont elle voit le monde préalablement. C’est d’ailleurs ce contre quoi luttent les marques de bière light. Il existe un à priori selon lequel celle-ci ont mauvais goût, elles luttent donc contre le cadre mental qui fait qu’une bière light = mauvais goût.

Elles tentent de le remplacer par un autre cadre : Ma bière (lite) = Une bière classique (et bonne en plus). En repositionnant le cadre, elle influent également sur l’expérience que l’acheteur aura au moment de boire sa bière.

L’échelle des produits

Selon le Dr. George A. Miller, un cerveau humain ne parvient pas à gérer simultanément plus de 7 unités d’information. Cela veut dire qu’un individu ne s’embarrassera pas à retenir plus d’une ou deux marques ou produits par segment de marché.

Or il existe près d’un millier de modèles de voitures vendus en Europe et à peu près autant aux États-Unis.

Pour pouvoir gérer ces informations nous avons pris l’habitude d’établir des classements que les auteurs comparent à des échelles. Quand un sujet nous intéresse particulièrement (passionné d’automobile), nos échelles peuvent contenir de très nombreuses marches. Mais la plupart du temps, elles contiendront entre deux et sept marches.

Lorsqu’une marque souhaite déloger un concurrent placé devant elle, elle doit le faire tomber de cette marche pour le remplacer. Or la plupart des publicités ignorent ce point là et font comme si le concurrent n’existait pas.

Les premières voitures communiquaient sur la puissance de leur moteur en chevaux. Ce choix était très pertinent. Il s’agissait alors de positionner la voiture comme une version plus moderne du transport à cheval. Avec la deux chevaux, nous avions une voiture qui avait la puissance de traction de deux chevaux et moins d’encombrement. Dans le système d’équivalence de l’époque, c’était quelque chose.

D’autres positionnement ont été réussis, l’essence « sans plomb », la voiture « tout terrain », les recettes « sans sucre », etc.

A chaque fois, le message permet d’exploiter les atouts du leader et de s’en distinguer par une proposition spécifique.

Assumer la position du second

Plusieurs marques communiquent et assument leur position de numéro 2, contestant l’ordre établi (celui de l’échelle). Cette position peut s’avérer fructueuse si l’on observe les exemples d’Avis, de Pepsi Cola ou d’Apple. Avis a ainsi développé dans les années 80 une série de publicités où elle mettait en avant ses qualités de N°2. L’une d’entre elles précisait : « les files d’attente sont moins longues chez nous ».

 

5 – Vous ne pourrez pas arriver là bas en partant d’ici

L’état d’esprit « je peux le faire »

Lorsque nous ne parvenons pas à faire quelque chose, il est commun qu’il suffit d’insister. Aux Etats-Unis, ce can do spirit est vu comme un des attributs caractéristiques de l’état d’esprit américain. Les auteurs soulignent que la guerre du Vietnam et tout ses morts participait de cet état d’esprit et de ce can do spirit.

Les auteurs citent l’exemple d’une entreprise non nommée. Un DG adjoint de 55 ans en place depuis de nombreuses années n’a jamais pu y remplacer le DG. Ce dernier venait pourtant de partir à la retraite mais c’est un homme de 45 ans venu de l’extérieur qui le remplaça.

En effet, personne dans l’entreprise ou parmi les actionnaires ne voyait le DG adjoint autrement que comme un DG adjoint. Cette configuration est extrêmement répandue et pas uniquement pour des nominations individuelles, elle vaut pour les marques sur le marché également.

En 1969, RCA avait ainsi préparé un plan d’action qui devait l’amener à occuper la première position sur le marché des ordinateurs. C’était la première fois qu’un entreprise jouait clairement le jeu du positionnement, elle reconnaissait dans ses communications qu’elle n’était pas leader, mais qu’elle parviendrait rapidement à la place de N°2 puis N°1.

Les auteurs, déjà actifs à l’époque avaient indiqué que cette stratégie de positionnement n’était pas bonne. IBM était alors solidement ancrée dans sa place de N° 1. Mais le DG de RCA répondit que des investissements massifs et sans équivalent dans l’Histoire rendraient cette analyse caduque.

Les investissements en question furent bien réalises (en recherche et développement et en communication). Pourtant, la prédiction d’Al Ries et Jack Trout se confirma. RCA ne parvint pas à contester la place de leader à IBM même si l’entreprise disposait de positions solides dans les télécommunications.

Un état d’esprit qui finit par s’épuiser

Comment RCA aurait-elle du faire ? IBM disposait de 70% du marché du mainframe et le suivant, 20%. Cela veut dire qu’avant d’envisager d’attaquer IBM, il fallait devenir rentable au milieu d’un panel d’acteurs se partageant 10% du marché.

Pour réussir, RCA aurait en fait du se positionner hors du marché du mainframe. Le livre The innovator’s dilemma de Clayton Christensen retrace l’historique de l’innovation dans ce marché et apporte un éclairage complémentaire.

RCA aurait en fait dû adresser les clients les moins bien servis du marché du mainframe, les petites entreprises. Les mainframes étaient trop gros et trop chers pour elles. RCA aurait donc du accepter de développer un produit plus coûteux, aux marges plus basses. Mais avec le temps, le marché du petit mainframe se substitierait progressivement à celui du gros mainframe et les volumes plus élevés compenseraient les marges perdues. C’est la stratégie que choisit DEC par exemple dans les années 70. C’est également la stratégie de Compaq et Dell avec les ordinateurs portables dans les années 90.

Tous les nouveaux entrants dans le marché du mainframe firent l’erreur de RCA : General Electric, XEROX, etc. Tous finirent par abandonner malgré des investissements très lourds.

6 – Le positionnement d’un leader

Avis, comme Pepsi ou Apple jouent très bien de leur position de numéro 2 contestant un ordre établi. Mais comment une entreprise leader doit-elle se positionner.

Établir son leadership

Les auteurs constatent que la valeur d’une action d’un leader sur un marché vaut le double de celle du numéro deux et le quadruple de celle du numéro trois. C’est la cas d’Avis avec Hertz, de General Motors avec Ford ou de Mc Donald avec Burger King.

L’égalité est instable

Lorsque deux marques se disputent la place de leader sur un marché, cette égalité n’est pas amenée à durer. Tôt ou tard, l’une des deux prendra le leadership et la suivante n’aura pas d’autre choix que de se positionner comme un suiveur avec des rapports de vente de type 5/3 ou 2/1. C’est ce qui s’est passé dans l’automobile avec le duel Ford / Chevrolet dans la période 1910-1945. Après 1945, Chevrolet devint la marque leader incontestée sur le marché américain.

Les cartes ont été rebattues avec la crise de 2008. Aujourd’hui, Ford/Toyota et Chevrolet ont des niveaux de ventes comparables (à peu près 200 000 voitures / mois) sans qu’une seule de ces marques ne parviennent à se détacher. Une de ces trois marques (ou une autre) finira peut-être par prendre le leadership, d’autant plus que ce marché connaît des évolutions fortes en terme d’usages et de technologies.

Quelles stratégies pour maintenir un leadership ?

Cette trajectoire ascendante puis déclinante de Chevrolet pose donc la question du maintien du leadership d’une entreprise. Une grande entreprise n’a pas à communiquer sur sa position de leader. Elle doit plutôt s’assimiler à la globalité du marché : Soda = Coca Cola, le reste = copie.

Les auteurs citent la publicité de Coca Cola en exemple : « The real thing ». Avec ce positionnement, la marque rappelle plus ou moins subtilement qu’elle reste la référence avec une formulation un peu moins lourde que « Nous avons inventé le Cola ». Mais ces communications sont plutôt des piqures de rappel et elles ne sont pas indispensables. Nous avons vu que Procter et Gamble ne communiquait plus depuis des années autour de M. Propre et cela ne pénalisait pas les ventes.

Les leaders rencontrent toutefois des problèmes lorsqu’il s’agit de lancer un nouveaux produit sur un segment de marché où la première place est déjà prise. Dans ces cas là, ils doivent trouver un autre positionnement. La plupart du temps, les leaders échouent à le faire.

L’échec des leaders à positionner de nouveaux produits

Coca-Cola est incontestablement un géant en comparaison de la boisson Dr.Pepper. Coca lança en 1973 une version de soda au goût proche de celui de DR. Pepper, Mr. Pibb. Pourtant, ce dernier ne parvint jamais à menacer DR. Pepper et Mr. Pibb resta second.

Dans les années 80, IBM tenta de se lancer dans le marché des copieurs pour concurrencer XEROX. Ce fut là aussi un échec et IBM abandonna. Kodak échoua également avec son modèle d’appareil photo instantané face à Polaroïd.

Les exemples de ces repositionnements ratés sont très nombreux. Et ils ont été particulièrement spectaculaires dans l’informatique comme on vient de le voir avec les repositionnements de grands groupes comme General Electric, Xerox, RCA, etc.

C’est le produit qui fait la marque et non l’organisation du groupe

Le PDG de Xerox dans les années 70 avançait par exemple ceci :

« Nous aurons atteint notre objectif lorsque nous aurons réussi à répéter le succès du copieur. Non pas une seule fois, mais plusieurs. »

Le PDG en question raisonnait en fait à l’envers. Le pouvoir d’une organisation découle du produit qu’elle a réussi à imposer sur le marché et non l’inverse.

Coca Cola tient son pouvoir grâce à la reconnaissance de son produit vedette sur le marché. L’organisation est le résultat de cette reconnaissance, non pas la source.

Mr Pibb ne pouvait donc pas réussir malgré l’organisation Coca-Cola car la place de leader était était déjà prise par un produit reconnu.

De même sur le marché des PC. L’organisation de Xerox ne pouvait rien pour ses modèles Alto, Star ou 820 même si ceux-ci avaient des fonctionnalités très intéressantes. Dans l’esprit des clients de PC, la place de référence dans les ordinateurs à interface graphique venait d’être prise par Apple et ses Macintosh. La prestigieuse marque Xerox ne fût donc d’aucune aide.

Les stratégies multimarques des leaders doivent positionner le produit et non la marque du groupe

Al Ries et Jack Trout soulignent qu’une stratégie multi-marque doit donc tenir compte du fait que c’est le produit qui va tirer l’organisation et non l’inverse.

Il donnent l’exemple de Procter & Gamble qui à chaque nouveau produit lance une marque dédiée. Cette nouvelle marque capitalise sur les technologies et les préoccupations propres aux clients qu’il adresse.

Ainsi, ses marques ont chacune une identité propre qui leur permet d’occuper rapidement des positions de leader sur leur marché. ‘Head & Shoulders’ pour les shampoings, « Oral-B » pour les brosses à dent, « Pampers » pour les les couches, « M. Propre » dans les détergents multi-usages, « Ariel » dans les lessives, etc.

Procter et Gamble reconnaît ainsi que pour établir une position de leader sur un marché il faut travailler à faire reconnaître un seul produit/marque. Et le nom du groupe Procter et Gamble n’est jamais mis en avant.

Un groupe peut d’ailleurs reprendre le nom de son produit vedette, mais le transfert de marque doit se faire dans ce sens là. Haloïd fût rebaptisé Xerox, Eastman devint Kodak et BDN devint Danone.

 

7 – Le positionnement des suiveurs

Les suiveurs échouent la plupart du temps à positionner leur produits en leaders. Cela tient à deux choses :

  • D’une part, ils pensent que le produit doit être le meilleur de son segment plutôt que le premier à sortir.
  • D’autre part, ils tendent à communiquer dans une logique de « Mon produit fait ça aussi mais en mieux », ce qui en réalité ne fait que renforcer la position du leader.

Pour occuper une position dans l’esprit du client, les auteurs suggèrent de « Chercher un créneau » (en français dans le texte d’origine) et d’arriver en premier sur ce créneau.

Cherchez le créneau

Pendant longtemps, les voitures américaines étaient grandes. Puis Volkswagen importa sa Coccinelle en Amérique au début des années 60. L’arrivée de la Coccinelle remit en cause l’idée qu’une voiture devait être grande, rapide et contenante. Les conducteurs découvrirent que d’autres critères entraient en compte : la praticité et le faible encombrement. Volkswagen avait trouvé son créneau dans l’esprit de ses clients.

Elle ne l’a pas fait en communiquant sur les critères habituelles de valorisation des automobiles en Amérique : la vitesse, les grandes dimensions, les options ou l’électronique. Elle a imposé ses propres critères qui résonnaient avec des préoccupations enfouies et non formulées d’une partie de la clientèle américaine.

Ces approches ne peuvent marcher que si cette préoccupation existe dans l’esprit des clients, bien entendu.

Le créneau du prix

Lorsque l’on pense parle de positionnement prix, on pense généralement aux prix élevés des produits haut de gamme. C’est le cas pour l’automobile (BMW, Lexus, Mercedes), des parfums, du prêt-à-porter, etc. Mais il existe des industries ou des prix sont élevés sans qu’il s’agisse forcément de haut de gamme.

Ce le cas des lubrifiants d’automobile Mobil 1 qui sont 2 à 3 fois plus chers que les produits concurrents. De même pour les yaourts Bonne Maman ou Michel et Augustin en France par exemple. L’idée n’est pas d’entrer dans la justification technique de ce prix (qualité, taxes, etc.). Il s’agit plutôt d’analyser les conditions d’une bonne communication de l’information prix.

Pour pouvoir facturer des prix élevés, trois conditions sont nécessaires :

1 – Établir sa position avec un prix élevé dès le départ

2 – Associer ce produit à une histoire captivante. Le savoir faire, la qualité ou autre.

3 – S’adresser à un marché où les clients accepteront un produit ayant prix élevé

En parallèle, il existe également des stratégies de prix bas. Les marques de distributeurs sont l’exemple d’un positionnement à prix bas et les trois règles énoncées s’appliquent parfaitement, mais en miroir :

1 – Position : Les distributeurs se positionnent sur le segment des courses à bas prix

2 – Histoire : Les produits distributeurs viennent souvent du même endroit que ceux des grandes marques

3 – Clientèle : Les clients des supermarchés font leur choix essentiellement sur la base du prix.

Ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’il soit haut ou bas, le prix doit donc être considéré comme une fonctionnalité du produit sur laquelle il faut communiquer.

De façon générale, le créneau doit correspondre à des caractéristiques produits qui répondent à une préoccupation du client. Trop souvent pourtant, certaines marques mettent en avant des créneaux non pertinents.

Les créneaux non pertinents

Le créneau usine

Ici, les auteurs considèrent que les entreprises se trompent en sortant un produit dont le seul intérêt est de faire tourner les chaines de production. Ce créneau n’existe pas et il est impossible de valoriser un produit dont le message est « il fallait qu’on s’occupe ».

Le créneau technologique

Lorsque l’on met en avant une avancée technologie, il faut s’assurer qu’elle ne vienne pas occuper un créneau déjà existant. En 1971 Brown-Forman Distillers a lancé sa Frost 8/80, le premier whisky blanc sec.

Mais le créneau du whisky blanc sec était déjà occupé par d’autres boissons : le gin, la vodka, le rhum et la tequila. Le procédé de distillation mis au point par Brown-Forman Distillers ne lui servit qu’à inventer ce que l’on obtenait déjà par ailleurs.

Comme nous le dit par ailleurs Simon Sinek dans son livre Commencer par le pourquoi, le créneau technologique ou de l’innovation n’est pas pertinent. Il ne correspond que très rarement à une préoccupation présente à l’esprit des clients.

Les risques du créneau M. Tout le monde

Le créneau limite forcément votre périmètre de vente. Vous vous adressez à un sous-segment de clientèle, mais cela permet d’occuper une place de leader dans ce sous-segment.

Dans des marchés saturés par la concurrence, les suiveurs doivent donc absolument chercher à démarquer leur produit auprès d’une clientèle spécifique sous peine de devenir M. Tout le monde et de disparaître. Mais il arrive un moment où il devient impossible de trouver un créneau.

 

8 – Repositionner la concurrence

Prenons l’exemple du supermarché. Certains produits ne disposent que de ce canal de distribution pour être vendus. Ils se retrouvent donc à devoir se démarquer au milieu de 12 000 autres produits.

Dans ces cas là, il faut accepter l’idée que le produit et la marque va devoir se positionner dans une logique de confrontation avec ses concurrents. Les auteurs nous donnent l’exemple de l’avocat Ralph Nader qui a fait sa réputation en attaquant les grands groupes pour des abus vis-à-vis des consommateurs.

Al Ries et Jack Strout considèrent que cette attitude capte l’attention et ouvre une possibilité de positionnement.

Repositionner l’aspirine

« Pour les millions de personnes qui ne devraient pas prendre d’aspirine.

Si votre estomac est facilement bouleversé … ou si vous avez un ulcère … ou si vous souffrez d’asthme, d’allergies ou d’anémie, il serait logique de consulter votre médecin avant de prendre de l’aspirine. »

L’aspirine peut irriter la muqueuse de l’estomac, déclencher des réactions asthmatiques ou allergiques, provoquer de petites quantités de saignements gastro-intestinaux cachés. »

« Heureusement, il y a Tylenol … »

Publicité Tylenol

Soixante mots avant que Tylenol ne fasse son apparition. Cette publicité a été très efficace et à contribué à placer le Tylenol en tête des ventes d’analgésiques. Devant l’anacine, la bufferine et l’excedrine. Un repositionnement simple et efficace.

Repositionner les vodkas américaines

Stolichnaya venait d’arriver sur la marché américain à la faveur du dégel entre les USA et l’URSS amorcé dans les années 60. La marque avait donc un marché à conquérir mais des marques locales avaient déjà pris position.

« La plupart des vodkas américaines semblent russes. Samovar est produite à Schenley en Pennsylvanie. Smirnoff est fabriqué à Hartford dans le Connecticut. Wolfschmidt est fabriqué à Lawrenceburg dans l Indiana. »

« Stolichnaya, c’est différent. C’est véritablement russe. »

« Made in Leningrad, Russie. »

Publicité Stolichnaya

Dans cette publicité Stolichnaya se repositionne à la fois comme la vodka authentique et comme une référence que tente d’atteindre ses concurrents. Elle le fait en mettant à profit la communication des autres marques: « elles semblent russes ». Le message sous-entendu est que les autres vodka américaines cherchent à resssembler à Stolichnaya, la seule véritable vodka.

Les vodkas américaines n’ont pas été en mesure de répondre car elles avaient installé leur image sur cette idée de similitude avec ce que Stolichnaya représentait. Voici à titre d’exemple la publicité de la vodka Wolfschmidt.

« C’était l’âge d’or de la Russie. A cette époque de légendes vivantes, le tsar se dressait comme un géant parmi les hommes. Il pouvait plier une barre de fer sur son genou nu.

Écraser un rouble d’argent avec son poing. Il avait une soif de vie comme aucun autre homme vivant. Sa boisson était de la véritable vodka. »

Vodka Wolfschmidt

Publicité Wolfschmidt

Avec ce type de publicité, Wolfschmidt ne faisait que renforcer les ventes Stolichnaya.

Repositionner Pringle’s

« Dans Wise, vous trouvez : Pommes de terre, Huile végétale, Sel.

Chez Pringle, vous trouvez : Pommes de terre déshydratées, Monodiglycérides, Acide ascorbique, Hydroxy-anisole butylé. »

Publicité Wise


Suite à cette pub, les ventes de chips Pringle’s ont chuté et sa part de marché est passée de 18% à 10%. Le fait de décrire ces composants influe d’ailleurs sur leur perception réelle.

Comme nous l’avons vu dans l’exemple du vin plus haut, il est fort possible qu’une fois informés de la composition, l’expérience du goût soit affectée et que les clients n’expérimentent plus la même chose en goûtant des Pringle’s.

Légalité du repositionnement

Les auteurs nous rappellent que le repositionnement de la concurrence est légal aux États-Unis, à condition de ne pas dénigrer son concurrent.

Il faut donc repartir des messages de la concurrence afin de les tourner à son avantage, comme dans le cas des messages que nous venons de voir.

Cette communication a l’avantage de nous positionner directement à « l’endroit que le concurrent occupe dans l’esprit du client ».

 

9 – Le pouvoir du nom

Le nom est le premier positionnement dans l’esprit du client.
Pour les auteurs, le nom d’un parfum est déterminant dans l’expérience olfactive que fera son acheteur. Hog Island dans les caraïbes ne signifiat rien du tout jusqu’à ce que l’île soit rebaptisée Paradise Island.

Comment choisir un nom

Nous avons tendance à regarder les marques qui ont réussi pour nos stratégies de nommage. Mais c’est une erreur. Des noms comme Chevrolet (un cheval français) ou Mercedes (la fille d’un responsable de bureau de vente parisien) n’auraient aucune chance de réussir dans le contexte actuel. Comme nous l’avons vu, tous les créneaux de l’attention sont sollicités et ces noms rateraient leur cible.

Aujourd’hui, un nom doit annoncer la couleur, il doit dire explicitement quels sont les bénéfices que le produit apportera au client.

Comme le shampoing Head & Shoulders (Tête et épaule), la lotion pour la peau Intensive Care (soin intensif) ou le dentifrice Close-Up (gros plan). Ou encore la batterie d’automobile DieHard (irréductible, jusqu’au boutiste).

Ces noms doivent être presque génériques, et il est même préférable de tomber dans le piège du générique plutôt que dans celui de l’abstrait.

Comment ne pas choisir un nom

Les noms comme XD-12 ou S8 sont bien sûr à bannir, sauf si le S8 annonce un S9.

Le surnom

Les « surnoms » peuvent marcher, mais seuls les marques reconnues peuvent se l’autoriser. En France, nous avons l’exemple de Danone. Aux États-Unis, il y a Kodak, Xerox ou Coke. Mais ces surnoms ne peuvent marcher que dans la mesure où ils décrivent des produits qui ont déjà réussi. Le cas de Coke est très révélateur, la marque n’aurait pas choisi d’elle-même un surnom qui renvoie à un narcotique. Ce surnom s’est imposé à elle et elle a décidé de l’exploiter pour son marketing.

Les noms négatifs peuvent devenir positifs à condition de sortir le produit du placard

Ici, les auteurs suggèrent que la margarine a échoué à remplacer le beurre à cause de son nom. Pour eux, un nom comme « Beurre de soja » aurait été plus explicite et aurait donné de meilleures chances au produit.

Pour cela, il aurait fallu que les promoteurs de ce produit assument le soja.

Il en est de même pour les édulcorant. La référence au sucre est bien plus intéressante que des dénominations trop éloignées. Ainsi, le fructose aurait pu s’appeler sucre allégé et l’aspartame, le sans sucre.

Des mouvements conservateurs ont toujours su utiliser cette stratégie pour défendre des causes clivantes à un moment où les idées progressistes semblaient s’imposer.

Aux États-Unis, ce fût le cas du mouvement du droit à la vie (opposé au droit à l’interruption volontaire de grossesse). En France, c’est la cas de la Manif pour tous opposée au mariage pour tous. Les deux mouvements assument leur positions clivantes en donnant une tonalité positive à leur messages.

Les auteurs considèrent également que le commerce équitable fait partie du type de mouvement alors qu’il pénalise le consommateur. J’ai conservé cette mention même si je la trouve désinformée et sans intérêt sur le fond.

Les prénoms

Ce paragraphe est assez peu applicable en France dans la mesure où il est rare que des marques soient des prénoms. Ici, l’auteur nous conseille de faire attention à la perception du prénom, qu’il ne paraisse pas trop vieux ou phonétiquement inadapté.

Les jumeaux d’Akron

Goodrich était un fabricant de pneumatiques basé à Akron, soit dans la même ville que son principal concurrent et leader du marché Goodyear.

Cette double proximité entre les deux entreprises (nom et ville) a figé Goodrich dans un rôle secondaire. L’entreprise a été rachetée par Michelin en 1990.

Il aurait été préférable que Goodrich change de nom avant mais ce ne fût pas le cas. Exxon fût plus inspirée. Au début du vingtième siècle, l’entreprise s’appelait Standard Oil of New Jersey. La mode était entreprises contenant le mot Standard, Standard bank, Standard Insurance, Standard and Poor’s, etc.

Il existe encore aujourd’hui un grand nombre d’entreprises nommées Continental. Continental Group (acier), Continental Corp (assurances), Continental airlines, Continental Edison (électronique), etc. Les auteurs nous indiquent qu’à Manhattan, 235 entreprises sont enregistrées avec un nom commençant par Continental.

Bien entendu, l’homonymie est aujourd’hui à proscrire si l’on souhaite se positionner.

Le livre

Et maintenant ?

Le guide pour créer un produit désirableVous avez une idée de produit et vous vous demandez quel peut-être son positionnement? Testez votre idée ou un produit que vous avez déjà lancé. Vérifiez si vous répondez à une aspiration de votre client cible.

Le guide « Créez un produit aussi désirable que celui d’une grande marque » vous aidera à vous assurer que votre produit répond bien aux aspirations de vos clients. Téléchargez le ici.

 

Photo : Pavellò – Mies van der Rohe – Credit Georg Kolbe – Licence Creative Commons

Commencer par le pourquoi (Partie 2)

By Lotfi BENYELLES

Voici la deuxième partie de la chronique du livre « Commencer par Pourquoi » de Simon Sinek. La première partie se trouve ici.

Partie 4 : Comment rallier ceux qui croient

Chapitre 8 – Commencer par le Pourquoi en sachant Comment faire

Le charisme inspire

Chez Microsoft, Bill Gates n’était pas doué pour la communication. Avec son air d’adolescent hésitant, il n’était pas en mesure de soulever l’enthousiasme d’un auditoire. Son successeur, Steve Ballmer a ce talent par contre.

Commencer par le pourquoi

Paul Allen et Bill Gates en 1981

Mais des deux hommes, c’est Bill Gates qui marquera l’entreprise en tant qu’inspirateur de l’inspirateur. Bill Gates a été capable de voir quelles étaient les potentialités des systèmes d’exploitation dès la fin des années 70. Il a vu les différences en les possibles convergences entre les marchés professionnels et les marchés particuliers. Il a également vu l’importance du rôle des logiciels bureautique dans l’équipement des entreprises et des particuliers. En fait, il a toujours vu l’ordinateur comme un moyen de simplifier la vie de son utilisateur, comme un moyen d’améliorer sa productivité. Et il s’est toujours tenu à cette ligne.

Aujourd’hui Bill Gates ne travaille plus chez Microsoft. Il dirige sa propre fondation destinée à améliorer l’accès des femmes à l’éducation dans les pays du tiers monde. Pour lui, ce qui a changé c’est le Quoi. L’homme qui envisageait d’améliorer la vie des gens avec des ordinateurs a gardé cet objectif, mais en l’orientant vers une autre cause.

L’énergie de Ballmer peut marcher sur des courtes durées. On ajoute de l’énergie quand on fait un séminaire de motivation, en versant des bonus, en accordant des promotions, etc. Mais il s’agit toujours de manipulations dénoncées dans la première partie du livre. Elle ne marchent que pour un temps.

Par contre, le sentiment de loyauté que ressent un salarié pour l’entreprise fonctionne à plus long terme. Cette loyauté ne s’obtient pas grâce à des manipulations, ni parce que le travaille est passionnant. Elle s’obtient parce que le Pourquoi de l’entreprise est clairement partagé. Parce que la cause qu’il représente est aussi défendue par le salarié, autant pour lui-même que pour son entreprise. D’autres viendront se joindre parce qu’ils partagent eux aussi cette cause.

Mais l’inspiration seule n’est pas suffisante. Pour l’amplifier, il convient de savoir Comment la faire partager. Ce travail n’est jamais mis en œuvre par l’inspirateur mais par ses compagnons dont le talent est « d’avoir un plan ».

 

I Have a Dream … (et l’autre a un plan)

Commencer par le pourquoi

Ralph Abernathy et Martin Luther King

Ralph Abernathy fur le mentor et compagnon de Martin Luther King. Il était trésorier de la Southern Christian Leadership Conference, la congrégation que dirigeait le célèbre pasteur américain.

Si Martin Luther King a défini le Pourquoi du mouvement pour les droits civiques, Ralph Abernathy est celui qui a a montré aux membres du mouvement Comment accomplir le rêve énoncé par Martin Luther King.

Ceux qui savent Pourquoi ont besoin de ceux qui savent Comment faire.

Les visionnaires, les WHY-TYPES, comme les nomment Sinek dans « Commencer par le pourquoi » ont le pouvoir de changer les choses. Mais la plupart du temps, ils ne savent pas comment faire. Les visionnaires sont des optimistes qui se projettent dans un monde qui n’existe pas encore.

Les hommes du Comment sont des hommes du présent. Ils sont d’un naturel réaliste et ont un sens pratique très développé. Les visionnaires focalisent sur ce que la plupart des gens verront. les hommes du comment sont bons dans la construction d’organisations et de structures à même de faire aboutir les choses.

Walt Disney était un homme du pourquoi. Ce dernier n’aurait jamais pu monter son grand empire de la bande dessinée et du cinéma sans l’aide de son frère, Roy. Roy avait le profil d’un homme d’affaire, à l’aise avec les chiffres. C’est lui qui a organisé la Walt Disney corporation. C’est aussi lui qui a construit l’entreprise Buena Vista Distribution qui allait produire les grands succès de Disney au cinéma. Comme Abernathy et comme tous les hommes du Comment, il ne souhaitait pas être mis en avant.

La plupart des individus sont des gens du Comment. Ces derniers n’ont pas nécessairement besoin de gens du Pourquoi pour réussir. Mais dans les grandes entreprises qui sont parvenues à innover, nous trouvons un partenariat entre un homme du Pourquoi et un homme du Comment. On pense spontanément aux binômes Bill Gates / Paul Allen ou Steve Jobs / Steve Wozniak.

Pour Sinek, ce n’est pas une coïncidence si ces associations entre le pourquoi et le comment sont souvent antérieures à la réalisation commune. Les deux Steve étaient camarades de lycée, tout comme Bill Gates et Paul Allen. On parle des frères Wright, des frères Disney, etc.

 

Chapitre 9 – Et maintenant, Quoi ?

Apple et la construction d’une image

En 1984, une publicité d’Apple tournée par Ridley Scott promettait que 1984 ne serait pas comme « 1984 ». Dans cette publicité Apple positionnait son manifeste et faisait une proposition en image de son Pourquoi, le fameux « Think different ».

Les images de célébrités auxquelles Apple a eu recours pour ses visuels renforcent également ce positionnement : Pablo Picasso, Martha Graham, Jim Henson, Alfred Hitchcock… avec à chaque fois en haut à gauche de l’image « Think Different”.

Avec ce réseau serré d’images constitué sur près de quarante ans, la marque cherche à rappeller les raisons pour lesquelles elle existe : « Favoriser l’expression de son individualité ».

 

Communiquer clairement pour être bien compris

Le Quoi est le point de contact entre le monde désorganisé et le Pourquoi de l’entreprise. Lorsque l’entreprise est encore jeune, le créateur ou l’inspirateur a encore plein de contacts avec le monde extérieur. Ce sujet n’est donc pas un problème.

Mais lorsque la société grandit, le rôle de l’inspirateur doit changer. La cause que l’inspirateur incarnait évolue progressivement en organisation structurée. Le rôle du leader change et il n’est plus chargé de faire porter le message (porter le mégaphone dit Sinek) mais de garder le fil, maintenir la cohérence du pourquoi. Il doit s’assurer que ceux qui sont en charge du comment continuent de faire diffuser le « Pourquoi » dans l’organisation.

Le travail des gens du Comment est dont de bien comprendre le Pourquoi et de le faire exister à travers les actions de l’entreprise. Ce sont eux qui doivent rendre le Pourquoi visible à l’extérieur de l’entreprise.

Mais cette visibilité est d’abord une question de clarté dit Sinek. Dans la troisième partie du livre, Sinek soulignait que la communication du Pourquoi relevait du langage non rationnel. Le langage des causes et des croyances est un langage d’image, de symboles, d’histoires et de métaphores.

Sans ce registre du langage, il est impossible de partager l’inspiration du Pourquoi et les émotions qui vont avec.

 

Chapitre 10 – La communication, c’est de l’écoute

Sans pourquoi clairement établi, un symbole ne peut pas avoir un sens plus profond. Il ne sert qu’à distinguer une marque parmi les autres sur le marché.

Sans clarté du pourquoi, un logo est juste un logo

Pour qu’une marque deviennent un symbole auquel on s’identifie, elles doivent communiquer aux individus des valeurs dans lesquels ils souhaitent se retrouver. Les marques de haute couture sont un exemple facile de cette symbolique, elle jouent sur la question du statut social. C’est un début, mais cela reste au final assez générique, encore faut-il se distinguer parmi les marques de haute couture et communiquer des valeurs supplémentaires, la créativité, l’originalité, une distinction basée sur des éléments de personnalité plutôt que sur des critères d’apparence évidente.

Pour Sinek, Harley Davidson est un exemple d’identification très poussé. Les motards qui aiment cette marque vont jusqu’à se faire tatouer le logo de la marque sur le bras. Avec ce logo affirme « je suis américain, je suis un cow-boy d’aujourd’hui ». Peu importe que le motard soit américain ou non, que les cowboys utilisent un moto ou non, la possession de cette bécane concrétisent ce désir de l’être.

Ce qu’il faut noter, c’est qu’Harley comme Apple parlent aux individus et à leurs désirs. Il ne s’agit pas de se démarquer avec des affiches criantes, des opérations publicitaires visibles et notables dans le paysage urbain, mais en s’adressant de façon à ce que chacun puisse s’identifier individuellement au message.

 

Le test du céléri – Le Pourquoi est un filtre pour des choix de long terme

La difficulté est que ce qui marche pour une marque ne marchera pas nécessairement pour une autre. Les marques cherchent à se distinguer et il est fréquent qu’elles se fassent conseiller pour ça. Elles partent à la recherche de plusieurs conseils auprès d’autres sociétés et de consultants. Chacun de ces conseils aura appliqué sa propre stratégie, cohérente avec son propre Pourquoi. Simon Sinek nous explique que c’est inutile de croire qu’il suffit d’associer ces recommandations pour trouver son identité. Celà revient à associer des M&M, du céléri, des Oréos, des céréales et des tas d’autres ingrédients dans un même plat.

Connaître son pourquoi, c’est aller faire les courses en sachant ce que l’on va manger. Le pourquoi est un filtre qui nous permet de gagner du temps, nous saurons dès le départ quel est l’ingrédient le plus adapté à notre objectif. Nous éviterons les M&M et les Oreo car il s’agit d’achats qui ne nous procurerons du plaisir qu’à court-terme. Le céleri sera par contre un ingrédient bien plus sain à long terme.

Ces choix de long terme vont à leur tour renforcer la confiance de l’organisation et des clients et contribuer à diffuser son Pourquoi.

Le non respect du test du céléri

Sinek donne ensuite l’exemple de Volkswagen qui n’a pas respecté le test du céléri. En effet, la marque Allemande a tenté à plusiurs reprises de lancer des modèles haut de gamme sur les marchés européens ou américains. Pourtant le Pourquoi de Volkswagen est à l’opposé de ce genre de choix : son nom et son image sont associés à l’idée de voiture populaire.

Toyota ou Nissan savaient que leurs marques n’étaient pas associées à l’idée de luxe et de haut de gamme. Par contre la qualité de leurs voitures étaint reconnues. Elles ont donc créé des marques spécifiques, Lexus et Acura. Ces dernères profitaient de l’ingénierie de qualité des deux constructeurs et tout en ayant la possibilité de développer leur propre identité. Ces deux marques ont donc fini par disposer de leur Pourquoi spécifique au sein de leur groupe.

 

Partie 5 : La part la plus difficile du succès

Chapitre 11 – Quand le pourquoi devient flou

« Une bonne partie de ce qui se passe ces jours-ci me dérange vraiment. Toutes ces compagnies haut perchées, ces PDG surpayés, qui se contentent de piller par le haut et ne s’intéressent à personne sauf à eux-mêmes, ça ne va pas. C’est l’une des principales choses qui ne vont pas dans le business aux Etats-Unis aujourd’hui. » – Sam Walton, fondateur de Wal-Mart,

Commencer par le pourquoi

Magasin Wal-Mart en 1969

En créant Wal-Mart, Sam Walton en a fait une entreprise dont le Pourquoi a été très bien compris et apprécié pendant quarante ans. Wal-Mart était à l’origine un simple magasin dans une ville de l’Arkansas. Son fondateur l’a développée jusqu’à en faire le plus grand distributeur au monde avec des grandes surfaces dans presque toutes les grandes villes et villes moyennes d’Amérique du nord.

A sa mort en 1994, le groupe Wal Mart était une entreprise florissante (44 milliards $ de CA) et une marque appréciée.

Il est courant de prétendre que la principale force de Wal-Mart est d’avoir inventé le modèle du discount. Mais ce dernier était déjà une industrie florissante dans les années 60 lorsque Wal-Mart a commencer à se développer. Mes manipulations de prix ne permettent pas non plus d’expliquer le succès de Wal-Mart. Sam Walton disait :

“Nous travaillons ensemble, c’est ça le secret de Wal-Mart”

Pour Sinek, ce n’était pas juste un concept. Walton ne travaillait pas uniquement à améliorer le service pour le client mais à améliorer le service en lui-même. Cela pouvait concerner les employés, les clients, mais aussi les villes et les communautés. C’était une vocation.

Avec le décès de Sam Walton, son fils reprit le flambeau. Malheureusement, l’entreprise cessa aussitôt d’être animée par un Pourquoi clair.

Les dirigeants se focalisèrent sur le Comment, sur la façon de continuer à offrir des prix bas aux clients. L’entreprise céda aux facilités des manipulations (prix et promotions). Les scandales se multiplient depuis cette date. L’entreprise qui était autrefois réputée pour la qualité de son environnement de travail fait régulièrement la une de la presse pour ses abus vis-à-vis de ses employés. A la date où le livre était écrit, l’entreprise accumulait 73 procès collectifs.

Les villes qui encourageaient autrefois l’implantation de magasin Wal-Mart les refusent maintenant. Wal-Mart n’est pas encore menacée et ses positions commerciales sur la marché sont solides. Mais avec l’émergence de nouveaux acteurs de la distribution sur le web, l’absence de Pourquoi clairement établi et défendu au sein de l’entreprise nous laisse pessimiste pour le long terme.

L’exemple de Wall-Mart démontre que ce cycle qui transforme une entreprise prometteuse et inspirante en un géant sans âme trouve son origine dans la confusion entre réussite et accomplissement.

 

Réussite vs. accomplissement

Simon Sinek anime régulièrement des séminaires où des entrepreneurs à succès viennent tenter de retrouver un sens à leur travail. Ces gens ont atteint le succès, ils savent Comment ils ont fait pour l’atteindre. Mais pour la plupart, ils ont oublié Pourquoi ils l’ont fait.

La réussite est un état temporaire. Nous la ressentons, mais elle n’est pas durable en elle-même. Lorsque l’on dit de quelqu’un qu’il a eu de la réussite, on sous entend que cette réussite est associé à un moment et qu’elle n’a pas vocation à se répéter indéfiniment. La réussite est associée au quoi et au comment.

L’accomplissement, lui va concerner le Pourquoi. Beaucoup de gens qui accomplissent un projet ne s’en rendent d’ailleurs même pas compte.

Il est donc important de ne pas confondre la réussite avec un accomplissement. Il est donc important de considérer que le quoi est une étape et la réussite, une indication que nous sommes sur la bonne voie.

 

Chapitre 12 – Le succès provoque souvent la rupture entre le Quoi et le Pourquoi

L’exemple de Wal-Mart, mais aussi de la plupart des entreprises américaines démontre que le succès amène la plupart du temps à une rupture du quoi et du pourquoi.

Quand une entreprise est petite, le leader et inspirateur prend en charge l’ensemble des décisions. Mais au fur et à mesure où l’entreprise grandit, connaît le succès, il devient impossible de concentrer les décisions sur une seule personne.

L’entreprise se met à disperser les centre des décisions y compris en terme de recrutement. C’est dans ces situations que le Pourquoi devient progressivement flou.

Le nouveau management se met à utiliser des techniques manipulatoires (récompenses, peur de la sanction, etc.) pour remplacer l’inspiration initiale. Les indicateurs de mesure du succès sont des indicateurs de vanité (CA réalisé, EBITDA, etc.).

Sinek compare l’accroissement de la société à un mégaphone dont le volume sonore augmenterait. Pour lui, l’augmentation du volume sonore ne doit pas nuire à la compréhension du pourquoi. Pour cela, le fondateur doit faire passer à l’organisation l’inspiration qu’il avait initialement posée.

Microsoft a connu ces dernières années un floutage de son pourquoi. Dans les années 80 et 90, les salariés de Microsoft étaient inspirés par ce qu’était la société. Mais depuis, le pourquoi de l’entreprise s’est brouillé. Pour Sinek, ce pourquoi ne s’est pas perdu mais il n’a plus d’objectif précis sur lequel porter (unfocused). Microsoft est ainsi devenu un simple éditeur de logiciels parmi d’autres.

Aux exemples de Wal-Mart et Microsoft, on peut aussi ajouter ceux de d’AOL, Starbucks, Gap, Dell et bien d’autres qui ont perdu quelque chose qui les rendait particuliers à leurs débuts.

 

Ce qui est mesuré peut-être réalisé

Costco a été cofondée par Jim Sinegal (homme du Pourquoi) et Jeffrey Brotman (homme du Comment). Comme Sam Walton pour Wal-Mart, Sinegal a emprunté son modèle à Sol Price, le père de la distribution discount (ou modèle des hypermarchés) aux Etats-Unis. Comme Walton, il croyait au fait de devoir servir tout le monde.

Et les employés ont été les premiers servis, des salaires 40% plus élevés que les concurrents, une couverture santé et une turnover cinq fois plus bas que la moyenne du marché. Au fur et à mesure de sa croissance, Costco a su garder le fil de son Pourquoi et cela a contribué à sa croissance.

Pourtant, l’entreprise a toujours été mal vue par les marchés. Ainsi, un analyste de la Deutsche Bank indiquait dans FORTUNE magazine :

“Costco continue d’être une entreprise qui préfère servir ses salariés plutôt que ses actionnaires.”

Heureusement, Jim Sinegal n’a jamais prêté l’oreille à ce genre d’avis.

Le métier de Wall Street est de faire de l’argent entre aujourd’hui et Mardi prochain […]. Notre métier est de construire une organisation, une institution. Nous espérons qu’elle sera encore là dans 50 ans. Donner de bons salaires et s’assurer que les gens aiment travailler avec vous, c’est bon pour les affaires.

Avec cette prise de position, les clients réalisent que le Pourquoi énoncé par Costco et sa communication sont cohérentes. Ils croient aux messages de Costco dans un contexte où l’on ne fait pas confiance en la communication des hypermarchés.

Même la bourse a fini par réaliser la différence entre Walmart et Costco. Les chiffres parlent d’eux même. Un investissement identique réalisé en 1992 sur Walmart et Costco aurait rapporté 300% de gains dans le premier cas et 800% dans le second. Même la bourse finit par être convaincue qu’il vaut mieux récompenser le salarié d’abord.

 

Partie 6 – Découvrez le pourquoi

Chapitre 13 – Les origines d’un pourquoi

Commencer par le pourquoi

Steve Jobs et Steve Wozniak avec leur première réalisation commune, la Big Blue

L’histoire des fondateurs d’Apple est connue et le succès des produits de la marque appartiennent à l’histoire du marketing. Simon Sinek rappelle qu’avant de créer le premier Apple, Steve Jobs et Steve Wozniak avaient construit, pour s’amuser un prototype de box (Big Blue) qui permettait de passer gratuitement des appels à l’international.

Leur produit était en fait illégal, mais les deux ingénieurs tentèrent de le commercialiser avant de changer d’avis. Pour Sinek, Jobs et Wozniak étaient déjà motivés à cette occasion par l’idée de libérer les individus des forces monopolistiques des grands opérateurs.

Pour Sinek (et comme Jobs l’a expliqué dans de nombreuses interviews), la création du premier Apple en 1976 n’a été que l’application d’un modèle qui avait été établi avec Big Blue. A cette occasion, les deux ingénieurs ont fait preuve de clarté dans leur Pourquoi et de discipline dans le comment. C’est ce qui fait que depuis cette date, les produits d’Apple sont reconnus comme étant bons. Apple a pu maintenir son pourquoi car ses créateurs se sont suivis à la trace. Steve Jobs a clairement identifié que le Pourquoi était un processus de redécouverte permanent. Il ne s’agissait pas d’un processus d’invention ou de recherche mais de conserver une croyance d’origine.

 

Chapitre 14 – Une nouvelle compétition

Simon Sinek nous explique dans ce chapitre que les entreprises ne sont pas les seules à devoir commencer par le pourquoi. Les individus eux mêmes doivent trouver ce pourquoi, cette cause qui les a motivés initialement. Pour commencer par le pourquoi, Simon Sinek nous invite à commencer par nous-même.

 

Conclusion

Le livre de Simon Sinek est intéressant dans ses trois premières partie. Nous avons tous en effet tendance à oublier les raisons fondamentales qui nous ont amené à choisir une voie. La lecture de ce livre nous rappelle que nos accomplissements peuvent prendre une résonance forte lorsque nous conservons le fil de pourquoi. Nous gagnons en clarté, nous sommes en mesure de faire adhérer et nos réalisations conservent leurs qualités dans le temps.

Le défaut du livre de Sinek ne tient donc pas à son message mais à son écriture. Le livre est très désagréable à lire. Il est chargé d’exemples redondants et sa tonalité évangéliste le rend pénible. En effet, l’auteur écrit comme s’il s’agissait de convaincre religieusement à chaque ligne. Il utilise des effets de rime et de langages pesants. On voit de plus que ce livre est issu d’un assemblage de conférences où l’auteur vendait sa méthode. Cela affaiblit le message d’ensemble, ce qui est dommage.

Le Livre

Commencer par Pourquoi – Comment les grands leaders nous inspirent à passer à l’action

Lectures complémentaires

Et maintenant ?

Le guide pour créer un produit désirableComment parvenir à communiquer avec les aspirations de vos prospects et rester cohérent avec votre Pourquoi ? Le guide  « Créez un produit aussi désirable que celui d’une grande marque » vous donne une méthode pour y parvenir.

Téléchargez le ici.

 

 

Commencer par le pourquoi (Partie 1)

By Lotfi BENYELLES

Start with Why (« Commencer par Pourquoi « , Éditions Performance) est un livre de Simon Sinek, un conférencier britannique qui s’est interrogé ces dernières années sur les raisons pour lesquelles certains leaders parviennent à créer des situations inspirantes. Sinek constate que ces leaders ont tous une idée claire du Pourquoi de leur entreprise, c’est-à-dire le bénéfice que l’action de l’entreprise doit apporter ou le problème qu’elle doit résoudre. Ce pourquoi n’est pas une simple position du moment, c’est une croyance ferme et continue. Dans ces entreprises, les gens aiment leur travail et s’y investissent. Ces contextes enthousiasmants favorisent également l’adhésion des clients et contribuent à améliorer durablement l’image des marques.

 

Partie 1 : Ceux qui négligent de commencer par le pourquoi

Chapitre 1 – Ce que nous pensons savoir, la nature spéculative de la décision

Un homme de 43 ans devint un jour chef d’état. Cet homme avait été éduqué dans la foi catholique. Il remplaçait à ce poste un ancien général qui avait commandé les armées de son pays dans un conflit où l’Allemagne avait été défaite. Il passa les premières heures de sa nomination à assister à des défilés et à des cérémonies en son honneur.

Pour un américain, cette description sommaire évoquera immédiatement J. F. Kennedy. Ajoutons maintenant une date à cette description, le 30 janvier 1933. Avec cette information, il s’agit plus certainement Adolf Hitler. Nous voyons fonctionner ici la mécanique d’une prise de décision. Un premier essai en coup de dé nous amène à imaginer une personne. Puis en récoltant une autre information, second coup de dé et une autre image remplace la première.

Nous émettons constamment des hypothèses

Nous n’agissons donc pas à partir d’informations complètes sur un sujet donné. Nous prenons nos décisions sur la base de spéculations plus ou moins informées. Mallarmé assimilait la pensée à un coup de dé. Nous pensons et nous décidons à partir de ce que nous pensons savoir, nous émettons constamment des hypothèses.

Pour décider du nom d’une personne dans une devinette toute simple, l’ajout d’information peut-être éclairant pour affiner son hypothèse. Mais la plupart du temps nous agissons dans des environnements complexes avec de multiples intervenants et des subjectivités contradictoires (chacun personne a ses propres désirs et ces désirs ne s’accordent pas entre eux). L’ajout d’information ne permet pas d’éclaircir nos spéculations et de prendre de bonnes décisions.

Information et décision

Or, les organisations sont construites sur cette idée qu’une personne a les moyens de recueillir toutes les informations dont elle a besoin pour prendre une décision et réaliser son travail selon l’objectif qui lui a été assigné. Résultat, les employés cherchent à se faire assigner des objectifs réalisables. C’est à dire, des objectifs moins ambitieux pour lesquels les décisions à prendre sont simples et basées sur des données simples.

Pourtant une entreprise qui souhaite innover et s’assurer une croissance durable ne peut pas se contenter d’objectifs peu ambitieux. Elle doit prendre des risques et se fixer des objectifs qui ne peuvent pas être réalisés avec les moyens existants. Dans ces cas là, elle assigne à ses employés des objectifs plus ambitieux. Mais ces objectifs ambitieux sont généralement dépendants de facteurs que l’entreprise et le salarié ne maîtrisent pas. Ces derniers devront partir à la recherche d’informations à l’extérieur de l’entreprise et accepter de multiplier spéculations et les essais avant de trouver des pistes de croissance durable. Autrement dit, ils devront agir comme ils pensent.

L’information ne suffit pas

Mais les managers n’ont généralement pas la patience de s’adapter aux exigences de l’innovation. Comme nous l’avons vu avec Clayton Christensen dans « The innovator’s dilemma« , les processus d’entreprise sanctionnent une réalisation sur une durée courte, l’année. En cas de non atteinte des objectifs, les organisations s’interrogent très rarement sur le cadre qu’elles ont construit. Elles préfèrent considérer que les objectifs individuels n’ont pas été atteints, que les employés concernés n’ont pas su collecter les bonnes informations et qu’ils n’ont donc pas su mener les bonnes actions. Les salariés non plus n’interrogent pas le cadre. En cas de non atteinte des objectifs, ils souligneront le fait qu’ils n’ont pas été soutenus, que les informations ne leur ont pas été transmises à temps et que d’autres salariés / équipes leur ont mis des bâtons dans les roues. C’est ce qu’Eric Ries appelle la politique d’entreprise, une culture inadaptée à l’innovation et qui ne s’accommode que du prévisible.

Hors des contextes innovants, Simon Sinek donne de son côté l’exemple des investisseurs. Lorsque leurs décisions d’investissements sont récompensés, ils soulignent à quel points ils ont été à la recherche des bonnes informations et qu’il s’agit là de leur « talent ». Mais lorsqu’ils perdent de l’argent, c’est parce que « le marché s’est retourné » ou parce qu’il est « irrationnel ». Autrement dit, ils ne parviennent plus à collecter de bonnes informations et ce n’est pas de leur faute. Cette posture de prévisible est également dénoncée par Nassim Nicolas Taiëb dans son livre, le cygne noir.

 

Certaines décisions s’imposent, même sans information

Pourtant, nous avons tous connu un jour un contexte propice, un moment où une décision heureuse s’imposait alors que nous avions peu d’information.

En fait, si l’information n’est pas toujours utile et qu’elle n’explique pas seule les bonnes décisions, qu’est-ce qui fait que certaines personnes ou organisations accumulent les réussites sur plusieurs décennies et dans des contextes changeants. C’est une question de cadre nous dit Simon Sinek. Certaines entreprises sauront créer des cadres propices à l’innovation, à la créativité ou à l’inspiration. Certaines individualités sauront d’elles même se placer dans ces contextes de travail et en retirer les bénéfices.

Les leaders, selon Sinek, savent apprécier et construire ces contextes là. Les autres, au contraire, vont chercher des certitudes à chaque fois. Ils vont vouloir s’informer, mesurer et ajuster pour être sûrs de leur décision.

Cette différence explique pourquoi deux entreprises qui mènent des actions comparables à court terme vont connaître des trajectoires très différentes. L’une aura constamment le soucis de procéder à des manipulations pour s’assurer d’un résultat conforme à des informations collectibles et à des objectifs atteignables. L’autre aura compris qu’un objectif doit être atteint sans manipulation. Qu’un résultat doit découler de valeurs profondément ancrées dans l’organisation et non pas de manipulations systématiques.

 

Chapitre 2 – Carottes et bâtons

Manipulation vs. Inspiration

A l’heure de choisir un produit, un client a aujourd’hui le choix entre un très grand nombre de marques. Comment les entreprises procèdent-elles pour recruter de nouveaux clients ou de nouveaux employés? Pour influencer une décision, il n’y a que deux méthodes, la manipulation ou l’inspiration.

Les entreprises privilégient dans leur très grande majorité la manipulation. Voici une liste de manipulations auxquelles elles sont habituées :

 

La baisse de prix

Les baisses de prix sont des manipulations efficaces. Les entreprises les ont aujourd’hui entièrement intégrées à leur politique produit. Il est fréquent que le prix d’un produit soit réduit peu après son lancement. Et que des promotions régulières soient organisées pour doper les ventes.

Avec des baisses de prix, tous les acteurs d’une chaîne de distribution subissent des pressions pour réduire les prix. Les secteurs touchés par ces pratiques sont très nombreux : l’assurance, l’automobile, l’informatique, etc.

Mais ces pratiques sont très coûteuses. Elles amènent à diminuer la qualité des produits proposés, elles dégradent les relations avec les salariés, les fournisseurs et les clients. Enfin, elles abîment les marges d’une entreprise.

Les acteurs de la grande distribution sont l’exemple classique de ce type de manipulation. Walmart était une entreprise dont l’image était très positive jusqu’aux années 80. Mais en s’imposant sur son marché grâce à des prix très bas, elle s’est vite retrouvée au milieu de nombreux scandales. En France, l’expression « travailler dans un supermarché » est synonyme de souffrance.

 

Les promotions

Avec l’arrivée des constructeurs japonais sur le marché américain dans les années 90, les constructeurs locaux ont connu un repli continu. General Motors ne détenait plus que 23% du marché en 2007, contre 33% dix années plus tôt. Depuis 2008, les marques américaines pèsent moins de 50% des ventes (43% aujourd’hui).

Pour tenter d’enrayer leur chute, ces dernières ont eu recours à des opérations de promotions régulières et extrêmement coûteuses. Chez General Motors, chaque promotion pouvait coûter entre 500$ et 700$ par voiture.

Ces promotions sont devenues une véritable drogue pour ces fabricants. Au point où chaque voiture coûtait plus cher à produire que son prix de vente. En 2007, GM perdait 729$ par voiture, ce qui amena l’entreprise à la faillite et à la nationalisation en 2008.

 

La peur

La peur est un moteur de décision très puissants. Les assureurs aux États-Unis n’hésitent pas à y recourir : “Toutes les trente-six secondes, une personne décède d’un arrêt cardiaque…”

En procédant de la sorte, le message vise à nous encourager à faire vite avant qu’il ne soit trop tard.

 

Les aspirations

Ces manipulations jouent sur nos désirs les plus profonds. Elles visent à combler des complexes et des insatisfactions qui nous habitent. Notre ventre n’est plus aussi ferme qu’à nos vingt ans. Alors, les publicités de salles de sport nous exhibent des abdos biens dessinés.

Dans le secteur du développement personnel, de nombreux gourous nous vendent leurs prestation pour nous expliquer comment ils ont fait pour devenir millionnaires en quelques mois.

Ces pressions existent aussi du côté des marques. En nous montrant Tiger Woods et sa Tag Heuer au poignet, l’horloger Suisse cherche à éveiller en nous un désir de réussite que ces montres comblerait.

 

Pression de groupe

« 4 dentistes sur 5 préfèrent le dentifrice Trident », « 4 chiens sur 5 préfèrent Frolic ».

Ces publicités sont également très efficaces. Nous ne contestons pas les avis d’experts. De plus nous tendons à reproduire les comportements de la majorité et évitons au maximum de nous distinguer.

 

La nouveauté

En 2004, Motorola a lancé son nouveau téléphone, le RAZR. Ce dernier était présenté comme une « invention révolutionnaire ». Petit et élégant, il combinait de nouvelles fonctions, une coque haut de gamme sans antenne et un clavier. Le produit avait coûté très cher à Motorola et son prix de vente était élevé.

Pourtant les ventes furent catastrophiques. Aucune des fonctions proposées n’était réellement demandée sur le marché. Toutes les nouveautés intéressantes furent reprises en quelques mois par les concurrents et le prix du RAZR fût rapidement divisé par deux.

L’innovation de rupture est rare. Lorsqu’un produit existant est modernisé, il ne s’agit pas d’une « invention révolutionnaire ». C’est la distinction que fait Clayton Christensen entre une innovation de rupture qui change la configuration d’un marché et une innovation technique qui améliore un produit existant.

Le Razor était un produit qui visait à différencier Motorola sur un marché saturé. En aucun cas, il s’agissait d’une invention.

Colgate est un autre exemple de marque prétendument révolutionnaire. A chaque fois que ses laboratoires identifient un actif qui peut avoir un intérêt pour les clients, celui-ci est décliné sous forme de nouveau dentifrice révolutionnaire.

Ainsi, l’ajout de fluor dans le dentifrice est présenté comme une « nouvelle formule révolutionnaire anti-carie ». De même pour les agents anti-tâches, anti-tartares, etc.

Ces innovations étant également déclinées par la concurrence, ils est difficile de savoir aujourd’hui quel dentifrice choisir dans toute cette offre révolutionnaire.

L’iPhone a depuis longtemps remplacé le RAZR. Mais Apple a proposé un produit qui changeait réellement le marché du téléphone portable.

Auparavant, les fabricants suivaient les spécifications des opérateurs de téléphonie mobile qui déterminait ce qu’était le téléphone, les fonctions qu’il devait disposer. Avec l’Iphone, le téléphone est devenu une fonction parmi d’autres du terminal. Apple a poussé plus loin le changement, puisqu’elle s’est permise au lancement de choisir les opérateurs avec lesquels elle travaillerait et d’ignorer les autres.

C’est en cela que l’Iphone avec les autres smartphones ont constitué une innovation disruptive, ils ont changé la configuration du marché de la téléphonie mobile.

 

Le Leadership

Apple est un exemple de leadership. L’entreprise n’a pas eu recours aux manipulations pour forcer la décision d’un client. Elle a créé son produit, son marché et les clients ont adhéré.

Samsung a l’opposé, a systématiquement recours à des remises et à des baisses de prix. L’entreprise a même été condamnée aux Etats-Unis. Elle avait proposé des remises significatives à ses clients. Ces derniers devaient acheter leur téléphone à plein tarif puis envoyer le bon de remise à Samsung. L’entreprise rembourserait le montant de la remise par envoi de chèque. Il n’y avait qu’une seule condition : il ne pouvait y avoir qu’un seul acheteur par adresse. En fait, l’entreprise jouait sur les mots. De nombreuses personnes habitant dans un même immeuble n’obtinrent pas leur remboursement et l’entreprise fut trainée en justice.

Simon Sinek reconnaît néanmoins que les manipulations décrites plus haut peuvent-être valables dans un cas de figure. Il prend l’exemple de Mygoldenvelope.com. L’entreprise est spécialisée dans le rachat d’or aux particuliers.

Au début, ses créateurs voulaient créer une marque ayant bonne réputation sur le marché. Ils investirent énormément pour que l’expérience client soit parfaite. Mais ceci n’améliorait pas les ventes. En fait les clients étaient ne vendaient généralement de l’or qu’une seule fois dans leur vie. La fidélité les intéressait peu.

A partir du moment où ils, firent cette découverte, les créateurs investirent dans des opérations promotionnelles plutôt que dans la construction d’une image de confiance. Les résultats s’améliorèrent significativement.

Si les industries transactionnelles de ce type peuvent se passer de la fidélité du client, ce n’est pas le cas des autres secteurs d’activité. Pourtant, dans l’Économie d’aujourd’hui, les manipulations restent la norme. Pourtant, pour durer, les entreprises devraient d’abord miser sur le partenariat qu’elle peuvent établir avec les salariés et les clients.

 

Partie 2 : L’alternative, commencer par le pourquoi

Chapitre 3 – Le nombre d’or

Pour Simon Sinek, connaître son pourquoi, c’est comme connaître le nombre d’or. Le nombre d’or est un coefficient utilisé depuis l’antiquité est utilisé pour établir les proportions dans l’art, l’architecture, les mathématiques, etc. Il est associé à l’idée de perfection. Une corrélation a été établie entre le nombre d’or et les proportions des objets de la nature. Les artistes de la renaissance au XIXème siècle l’ont utilisé pour la proportions des corps et celle des décors. Pour le compositeur Costas Xenakis, le nombre d’or établit un rapport entre la nature, notre corps et les créations humaines. Il permet ainsi de parvenir l’harmonie.

Avec ce parallèle entre le pourquoi et le nombre d’or, Sinek tente d’établir une formule mathématique qui permet de trouver le « pourquoi ». Le chapitre 4 détaille le fonctionnement neurobiologique du cerveau et la façon dont on peut agir sur le pourquoi.

Mais auparavant, il définit ce qu’est commencer par le Pourquoi? C’est la croyance ferme et continue que nos actions doivent apporter un bénéfice ou résoudre un problème. C’est une raison pour laquelle on se lève chaque matin, une chose en laquelle on croit.

C’est un mouvement vers l’intérieur, un rappel qui nous vient à l’esprit à chaque fois qu’on s’interroge sur un travail, sur une tâche. Pourquoi la fait-on ? Si la réponse surgit alors comme une évidence sans remettre en cause ce que l’on fait, c’est que le « pourquoi » est clair. C’est que le « quoi » est bien articulé avec « le pourquoi ».

Une entreprise comme Apple rend clairement visible son pourquoi. Les clients n’achètent pas un produit Apple (le quoi), mais le pourquoi de cette entreprise. A son lancement en 2001, l’iPod promettait :

1000 chansons dans votre poche.

Les visuels de l’Iphone 6 ne vantaient pas les capacités de l’appareil photo de 12 Mpix. Ils mettaient en scène des moments de vie et de voyage, des souvenirs que l’on pouvait agrandir, rendre mémorables.

Avec Apple, il n’a jamais été question de gigaoctets, de format mp3, de pixels, d’objet miniature révolutionnaire, etc. L’iPod, iTunes, l’Iphone ont toujours été définis par leur « Pourquoi ».

Parallèlement, tous les concurrents d’Apple n’ont jamais cessé de se définir par leur « Quoi » : prix, qualité, service, fonctionnalité, etc.

En vendant son pourquoi, Apple vend une croyance et un mode de vie. D’autres marques font ce choix : Harley Davidson, Ferrari, Nintendo, Lego, etc.

Si vous interrogez le client d’une ces marques sur les raisons de son choix, il répondra certainement que ses produits sont meilleurs.

Pourtant, en quoi une Ferrari est-elle meilleure qu’un monospace Honda? Une Ferrari n’aura probablement jamais l’endurance d’une Honda. Elle sera incapable de vous amener en vacances en famille, bagages compris. Elle demandera des révisions plus fréquentes et servira finalement beaucoup moins. Si nous restons à l’étage du critère rationnel, du Quoi, une monospace Honda est infiniment meilleure qu’une Ferrari. Pourtant, la Ferrari est un objet de désir alors que ce n’est pas le cas d’une Honda.

Les produits de Ferrari, Apple ou Lego ne sont meilleurs que pour ceux qui croient qu’ils le sont. Et cette croyance est partagée par une groupe de personnes déterminées à la défendre.

Simon Sinek donne un nom à ces personnes : les loyalistes. Les loyalistes d’Apple sont fermement convaincus que les produits de cette marques sont meilleurs et ils sont prêt à défendre cette croyance. Les loyalistes vont formaliser d’eux même les raisons de leurs choix, sans recourir aux descriptifs techniques du produit (le quoi : fonctionnalités, prix, etc.). Ils défendront la marque en mettant en avant leur usage.

La qualité et les fonctionnalités comptent, mais ils ne sont pas suffisants pour produire une fidélité inébranlable.

Beaucoup d’entreprises on connu le succès sans formaliser leur pourquoi. Ces succès sont possibles mais ils sont souvent temporaires. Il faut donc formaliser son pourquoi et y rester fidèle dans la durée. C’est le seul moyen d’obtenir un succès durable. Les entreprises qui perdent le fil de leur pourquoi finissent par devenir obsédés par le quoi et oublient ce qui a fait leur succès.

L’histoire regorge d’exemples d’entreprises ayant oublié le pourquoi. Les entreprises du chemin de fer ont par exemple ignoré l’apparition de l’avion. Elles se sont focalisées sur leurs moyens et non pas sur le pourquoi, la nécessité de se déplacer plus loin et rapidement. Elles n’ont donc pas su accompagner l’évolution des usages. L’industrie musicale a connu la même mésaventure au début des années 2000. Si les acteurs de cette industrie avaient eu un sens du pourquoi, elles auraient pu créer l’équivalent d’iTunes ou de Spotify.

Il ne s’agit pas de besoin, mais d’une nécessité. Les entreprises qui parviennent à communiquer leur pourquoi parviennent à combler une nécessité. Celle d’écouter de la musique, celle de se déplacer, celle de communiquer, etc.

Ses produits, en matérialisant cette nécessité parviennent également à satisfaire un besoin d’appartenance. Ceux qui adhèrent à une marque partagent une nécessité, une croyance, un mode de vie et le produit symbolise ce lien. De la même façon que nous ne serons pas spontanément amis avec un français rencontré en France, nous nous attacherons plus facilement à cette même personne si nous la rencontrons au Brésil.

Lorsqu’une entreprise communique et s’associe à d’autres, elle le fait avec l’idée que le partenaire doit partager ces mêmes valeurs. Apple s’est ainsi associée à U2 et non pas à Céline Dion. Le groupe de rock irlandais, a une audience plus restreinte que la chanteuse canadienne. Mais il a contribué à créer une musique nouvelle. Ceux qui aiment U2 aiment cette inventivité. Apple a donc cherché à associer sa propre inventivité à celle de U2.

 

Chapitre 4 – Le Pourquoi n’est pas une opinion, c’est un mode de fonctionnement

Toute personne qui écoute le discours de Martin Luther King, « I have a dream… » comprend le sens de ce discours. Mais il le ressent encore plus profondément. On peut avancer une explication rationnelle au succès de ce discours. En effet, même si il a été prononcé dans le contexte de la ségrégation raciale et visait à lutter contre elle, il est profondément universel. Mais le point n’est pas là, il se situe au delà des mots.

Si toute personne, sans considération d’appartenance, peut se reconnaître individuellement dans ce discours, c’est qu’il communique à plusieurs niveaux.

Pour Sinek, le nombre d’or du pourquoi se trouve dans le fonctionnement neurobiologique du cerveau. C’est lui explique comment nous adhérons aux idées ou aux discours comme celui de Martin Luther King.

 

Commencer par le pourquoi

Les zones du cerveau et le pourquoi

Les couches du cerveau

Le néocortex : C’est la zone dans laquelle nous interprétons et organisons l’information. C’est là que se situe note système d’équivalences qui nous sert à interpréter le monde. C’est la zone du langage. Ce néocortex correspond à la zone du Quoi.

Le cerveau limbique : C’est la zone des sentiments et des émotions. C’est ici que nous établissons nos croyances, nos adhésions et nos décisions. Cette partie du cerveau n’est pas une zone de structuration de l’information. Rien n’y est formalisé ou formulé avec le langage. C’est la zone du comment et celle du pourquoi.

Ainsi, lorsque nous communiquons nos décisions, nous faisons passer une information du cerveau limbique au néocortex. Nous établissions sous forme de langage une information qui n’a pas été établie sous cette forme. C’est le processus de rationalisation, un processus qui organise, simplifie et réduit.

C’est par exemple la raison pour laquelle il nous est impossible d’expliquer rationnellement pourquoi nous aimons une personne.

Mettre en mot revient donc à réduire la richesse d’une information initiale qui n’était pas établie sous cette forme. Lorsque les gens ont du mal à expliquer leur décisions, le problème ne vient donc pas de la décision, mais de la difficulté à l’expliquer, à la rationaliser. C’est le cas des décisions « prises à l’instinct ».

Dans son livre « The naked brain » – (Le cerveau mis à nu, non traduit), le neurobiologiste Richard Restak précise ce fonctionnement. Lorsqu’une personne souhaite prendre une décision sur des critères rationnels, elle se limitera au traitement de l’information au niveau du néocortex. Le problème pour un tel décideur est qu’il entrera dans un processus interminable de rationalisation, demandant toujours plus d’informations. Les bons enseignants ne s’y trompent pas lorsqu’ils conseillent aux enfants de faire confiance à leur instinct.

Les entreprises qui font le choix de communiquer autour de leur produits se basent sur des critères rationnels et mesurables pour favoriser notre décision. Ces critères rationnels sont les fonctionnalités du produit, son prix, l’effort qu’elles ont investi pour le produire, etc. Elles nous expliquent ce qu’est le produit. Le problème c’est qu’à aucun moment elles nous expliquent pourquoi il faut choisir leur produit.

Le Pourquoi se situe à un niveau émotionnel non formulé, il est donc inutile de verbaliser des critères de choix pour tenter de gagner les cœurs et les esprits. Le cœur et l’esprit sont la décision prise dans le cerveau limbique, elle est déterminée par le pourquoi et non pas par le quoi.

Oublier le Pourquoi dans une communication revient à rendre plus difficile la prise décision. Cela revient à laisser le client déterminer lui-même le pourquoi en rentrant dans un processus de rationalisation et en quête d’information, comme le prix, les fonctionnalités, etc.

Les grands leaders comme M.L. King ou J.F. Kennedy comprennent cette nécessité de gagner les cœurs et les esprits. De communiquer au niveau du Pourquoi.

Les marques tentent en général de se distinguer au niveau du quoi. Pendant, les marques de lessive ont communiqué sur l’idée de rendre le linge plus blanc que blanc en ajoutant des agents à la formule de base. Puis l’une de ces marques réalisa que les clients faisaient en sortant le linge était de sentir son odeur. Le pourquoi d’une lessive était de faire sentir bon le linge, d’en éliminer les mauvaises odeurs.

Le cerveau limbique a un pouvoir impressionnant. C’est par exemple ce qui nous amène à quitter un bon job que nous avons eu du mal à trouver pour entamer un tour du monde. Cette décision paraîtra irrationnelle, et elle l’est. Mais si nous étions tous rationnels, il n’y aurait pas d’innovations dans le monde et ce dernier serait dépourvu de personnes inspirantes.

Les études de marché sont l’exemple même d’un phénomène de rationalisation. Elles nous révèle toutes que les meilleurs produits sont ceux qui ont les meilleurs prix, les meilleurs fonctionnalités, le plus de services, etc. Pourtant, une Harley Davidson n’est livrée que six mois après son achat. Un Mac ou un Iphone coûtent bien plus chers que leurs équivalents chez des concurrents.

Pourtant, les clients de ces marques continuent d’acheter leurs produits. Ces clients seront incapables de donner des raisons rationnels à leur achat. Leur décision ne sont pas établies sur des critères rationnels mais sur le pourquoi, au niveau des croyances et des émotions, celles du cerveau limbique.

Un sens clair du pourquoi communiquera donc directement avec cette zone du pourquoi. Ceux qui les achèterons communiquerons clairement au monde leurs croyance et ce qu’ils sont en tant que personnes.

Je m’autorise ici une réserve forte vis-à-vis de cette partie du livre de Sinek. La théorie des couches du cerveau de Restak est une reprise de la théorie du cerveau triunique. Celle-ci a été popularisée par Arthur Koestler dans les années 50 (The ghost in the machine) mais elle a été depuis remise en cause. Le langage formulé et verbalisé n’est pas uniquement logique. La poésie, la chanson et la prose peuvent déclencher des sentiments esthétiques qui nous parlent plus profondément.

 

Chapitre 5 – Clarté, discipline et cohérence

La clarté du Pourquoi

Avant de vous lancer, vous devez savoir pourquoi vous faites les choses. En français, l’expression « connaître le pourquoi du comment » exprime très bien cette nécessité.

Un chef d’entreprise doit savoir articuler clairement le Pourquoi de son organisation. C’est à dire formuler avec clarté la raison pour laquelle son organisation existe, au delà de ses produits et services. C’est à cette condition qu’un leader peut inspirer.

Le pourquoi est une croyance et elle doit durer, à l’inverse du comment et du quoi qui peuvent évoluer avec le temps.

 

La discipline du Comment

Le comment est l’autre partie compliquée du travail. Elle requiert une forte discipline, tant de la part de l’entrepreneur que de ceux qu’il emploie. Nous nous souvenons tous des mots sensés incarner les valeurs d’une entreprise. Ce souvent des noms : Intégrité, Innovation, Honnêteté, Communication.

Mais les mots sont des objets, ils ne sont pas actionnables. Demandez à Robert s’il peut faire un peu plus d’innovation aujourd’hui et dites-nous ce qu’il en pense. Les valeurs qui symbolisent le comment doivent se traduire en actions. Ils doivent donc être formulés en verbes.

Il ne s’agira donc pas d’intégrité mais de faire correctement les choses. Il ne s’agira pas non plus d’innovation mais de traiter un problème sous un angle nouveau.

Les actions du comment doivent ainsi matérialiser la croyance formulées par le pourquoi. Elles font le lien entre la croyance de l’entreprise et sa part tangible dans le monde, le quoi.

 

L‘authenticité du Quoi

L’authenticité est une valeur impossible à retraduire en action. Certaines entreprises tentent de surjouer l’authenticité en menant des enquêtes clients et en recrachant ce que ces derniers leur ont dit. On se retrouve avec des publictés de voyagistes où des serpents dansent à la flute en Afrique du nord et où des Indonésiennes nous accueillent avec un collier de fleurs au pied de l’avion.

L’authenticité veut dire que toutes nos actions et leur résultat sont accordées à nos croyances. Apple croyait sincèrement que ces produits allaient challenger ceux d’IBM dans les années 70. Qu’ils allaient modifier le statut-quo de l’industrie musicale dans les années 2000. Qu’ils allaient changer la façon de communiquer dans les années 2010. La qualité des produits d’Apple est la conséquence de cette accord du pourquoi avec le comment et le quoi.

Nous ne connaissons pas le pourquoi de DELL, ni celui des autres fabricants de PC. Leurs produits peuvent être d’excellente qualité, mais cela n’est pas suffisant. Sans la clarté du Pourquoi, l’authenticité qui permet de maintenir la qualité dans le temps se perd.

 

Dans le bon ordre

Southwest Airlines est une compagnie aérienne très populaire aux Etats-Unis. Même si elle n’a pas inventé le principe du low-cost, mais elle est reconnue pour la qualité de ses services et ses prix accessibles.

Dans les années 70, l’entreprise s’est affirmée grâce à sa croyance, celle de rendre accessible le voyage à l’ensemble de la population Californienne et pas uniquement aux 15% qui pouvaient se permettre de prendre l’avions à l’époque. Elle s’est toujours considérée en concurrence avec les entreprises de transport par car et les compagnies ferroviaires.

Leur slogan reflétait la simplicité du pourquoi : « Vous êtes maintenant libre de voyager à travers le pays ». Pour l’entreprise et ses salariés, cette phrase était bien plus qu’un slogan, c’était une cause et une croyance. Les employés de Southwest ont toujours été heureux dans leur entreprise et les dirigeants ont toujours considéré que les salariés était les premières personnes à qui il fallait porter de l’attention. La qualité de la relation de travail a ainsi toujours rejailli vers les clients. Voilà Comment, toute l’entreprise, toute l’organisation finit par transmettre la clarté du Pourquoi.

Elle implémenta deux catégories de prix : Nuit/Weekend et jour. Accessible, fun et simple, voilà pour le Comment et le Quoi.

Lorsque Delta lança une compagnie concurrente, Ted, elle ne parvint pas à concurrencer efficacement Southwest. Ted était une simple compagnie Low Cost. Son comment fut intégralement copié sur Southwest et son quoi était clair : des prix bas. Mais sans croyance partagée au niveau des dirigeants et de l’organisation, sans Pourquoi, Ted déclina très vite.

 

Manipulation et inspiration, similitudes et différences

Les manipulations établissent eux aussi un lien avec le cerveau limbique en influençant les décisions sur la base d’émotions simples comme la peur que peut provoquer la pression de groupe ou celle de perdre une opportunité qui ne se représentera pas.

L’inspiration va plus loin que le sentiment d’insécurité. Elle suscite une réaction émotionnelle profonde qui a rapport avec la façon dont nous nous voyons, dont nous souhaitons nous définir.

Quand nous sommes recourons à des services d’entreprises qui inspirent comme Southwest, nous acceptons des prix plus élevésou des inconvénients temporaires. Notre décision est établie sur la base la plus ferme, la façon dont nous nous définissons en tant que personne. Nous ne remettons donc pas en cause des décisions établies sur ces bases là.

 

Les trois degrés de la certitude

Les décisions prises d’instinct sont donc des décisions centrées sur le pourquoi. Mais ce type de décision est adaptée aux individus et aux petites organisations. Un dirigeant ne peut donc pas se contenter de prendre une décision à l’instinct. Il doit construire ces trois degrés de la certitude dans son entreprises : le quoi, le comment et le pourquoi.

Il le fait en créant un contexte émotionnel pour ses décisions, dans lequel le pourquoi est verbalisé. Les employés adhèrent alors à cet objectif commun et c’est ce qui créé ce contexte de certitude.

Les chiffres et études ne seront là que pour renforcer une décision, pas pour la déterminer.

 

Partie 3 – Les leaders ont besoin d’être suivis

Chapitre 6 – L’émergence de la vérité (ou le critère de confiance)

Nous avons vu comment Southwest est devenue une référence en partant de son pourquoi. Herb Kelleher, son patron avait une croyance :

« Des employés heureux vous permettent d’avoir des clients heureux. Et des clients heureux font des actionnaires heureux.

C’est dans cet ordre que cela se passe ».

Herb Kelleher

Dans les années 80, à l’opposé de Southwest, Co,tinental Airlines était la pire des compagnies aériennes aux Etats-Unis. Elle fût déclarée deux fois en faillite entre 83 et 87. Dix présidents se succédèrent entre 1983 et 1991. Lorsque son président, Gordon Bethune fut recruté en 1994, il devait redresser la situation. Heureusement pour l’entreprise, ce dernier partageait la même croyance qu’Herb Keheller, le patron de Southwest. Les résultats furent quasi immédiats, en un an, l’entreprise passa d’une perte de 600 millions de dollars à un profit de 250 millions.

Le plus gros des profits obtenu par l’entreprises est difficile à mesurer, c’est la confiance.

 

La confiance n’est pas une checklist

La confiance est un sentiment, pas une information rationnelle. On n’établit pas la confiance en remplissant une liste de tâches. Les valeurs d’entreprise sont la matérialisation de cette confiance. Le dirigeant doit donc convaincre ses équipes en communiquant et en démontrant qu’il partage les mêmes valeurs et les mêmes croyances que ses équipes.

Avant son arrivée à Continental, les étages des équipes dirigeantes étaient inaccessibles aux équipes opérationnelles. Dans ce contexte, il était impossible d’établir la confiance.

Bethune a changé la culture d’entreprise de Continental en rétablissant la confiance. Comme dans une équipe de football en convalescence, il s’est d’abri focalisé sur les dysfonctionnements de l’équipe sans se soucier des résultats.

Il limogea les cadres dirigeants qui ne souhaitaient pas voir remettre en cause leurs privilèges antérieurs. Bethune établit un régime plus égalitaire dans l’entreprise et s’assura que les salariés et les dirigeants partagent les mêmes espaces de travail. Il appliqua cette politique à lui-même est se rendit très accessible.

Il mis en place une politique de primes qui permit de récompenser les équipages qui faisaient arriver leur avions à l’heure le plus souvent.

Il n’hésitait d’ailleurs pas à adresser des messages individuels aux salariés dans lesquels il les remerciait pour leur travail.

Bethune est l’exemple du fait que la confiance s’établit lorsque nous partageons des valeurs et des croyances avec les autres.

Certaines personnes n’ont pas trouvé leur place dans la culture d’entreprise mise en place par Bethune. Ces derniers n’étaient pas nécessairement de mauvais travailleurs, mais ils n’étaient pas parvenu à s’adapter à cette nouvelle culture d’entreprise.

Simon Sinek constate que cela ne se limite pas à l’entreprise, certaines personnes seront plus adaptées à la culture de l’entreprenariat américaine alors que d’autres se sentiront plus à l’aise dans la croyance en la solidarité collective de la société française.

 

Trouver les gens qui partagent vos croyances

L’aventurier Anglais Ernest Shackleton partit fin 1914 explorer l’Antarctique. Il n’y avait plus de record à établir, puisque Roald Amundsen venait d’atteindre le pôle sud. De plus, la guerre faisait râge en Europe, l’esprit des gens était ailleurs et l’expédition n’attirerait aucune attention. Voici l’annonce que l’explorateur rédigea:

« Recherche des hommes souhaitant effectuer un voyage dangereux. Salaire bas, froid glacial, longs mois d’obscurité complète, danger constant, retour compromis. Honneur et reconnaissance en cas de succès. « 

Shackleton constitua son équipage même s’il ne parvint pas au terme de son expédition. Son navire, l’Endurance fût pris puis dans la glace. Au bout de plusieurs mois de blocage en plein milieu de l’antarctique, alors que son navire était détruit progressivement par les glaces, son équipe débarqua dans un lieu hostile frappé par les vents.

Shackleton prit alors la décision de repartir seul vers le nord pour trouver des secours. Il rejoignit seul en quelques semaines l’île anglaise de Géorgie du Sud. Il la traversa à pied pour rejoindre la station britannique qui se trouvait à l’autre bout. De là, il monta une expédition pour aller à la rescousse de son équipage. Tous rentrèrent sains et saufs en Angleterre.

Par cet exemple, Sinek souhaite montrer qu’en commençant par le pourquoi, on attire de gens passionnés avec lesquels il est possible d’accomplir ce qui sort de l’ordinaire. C’est la croyance partagée qui rend ces réalisations possibles. Ceci alors que toutes les données objectives indiquent le contraire.

En commençant par le pourquoi, comme l’a fait Shackleton, nous augmentons les chances d’attirer les gens passionnés par ce en quoi nous croyons. Un bon CV n’est donc pas suffisant. Un excellent ingénieur de chez Apple donnera un employé médiocre chez Microsoft car les entreprises ont des « Pourquoi » radicalement différents.

Les entreprises ayant un sens poussé du pourquoi le comprennent. Elle recrutent des employés qui pourront être inspirés par leur cause. Ces employés seront plus productifs, inventifs. Elles attireront également d’autres personnes qui leur ressemble.

 

Motivations et succès

Samuel Pierpont Langley était un inventeur et astronome. Il était déjà très reconnu en son temps lorsqu’il décida de s’attaquer à l’invention d’une machine volante motorisée et contrôlée par l’homme. Il fut soutenu par plusieurs hommes d’affaires, des universités et le gouvernement. Il réunit les ingénieurs les plus brillants de son temps. La presse était très attentive à ses travaux et le New-York Times couvrait chacune des sorties publiques de son équipe.

Mais les objectifs de Langley étaient tous déterminés par le quoi : il voulait accomplir un rêve d’enfant, il voulait être le premier et il voulait rester célèbre. Son objectif n’avait rien à voir avec le pourquoi d’une telle invention. En un mot, Langley n’avait pas le sens du pourquoi.

Les frères Wright avaient nettement moins de moyens, mais ils avaient ce sens du pourquoi. Ils avaient la passion de l’aéronautique et une conscience claire de ce que cette invention apporterait.

Ces derniers aussi rassemblèrent une équipe de personnes compétentes. Mais ils réalisèrent leurs prototypes et leurs essais loin de tout regard. Les multiples échecs leur permirent d’en apprendre à chaque fois plus. Le 17 décembre 1903, ils parvinrent à faire décoller leur premier appareil et entrèrent dans l’histoire.

Langley, humilié, décida d’abandonner. Ce dernier aurait pu continuer s’il avait eu un sens clair du pourquoi. L’invention des frères Wright fût constamment améliorée par d’autres dans les mois et années qui suivirent. Mais celà n’intéressait pas Langley. Il était en quête de l’honneur suprême que constituait le fait d’être le premier à voler dans une machine motorisée et c’était devenu impossible.

Le rôle des leaders comme l’étaient les frères Wright est de créer des contextes dans lesquels la créativité et l’innovation sont possibles. Il est inutile d’aller chercher les personnes les plus compétentes en espérant qu’elles vont créer ce contexte à la place du leader. C’est en cela qu’un sens poussé du pourquoi est indispensable chez un leader.

Simon Sinek cite en exemple le contexte créatif créé par Steve Jobs chez Apple. Ce dernier n’a pas imaginé l’iPod, iTunes ou l’iPhone. Ce sont d’autres personnes à l’intérieur de l’entreprise qui ont poussé ces idées. Steve Jobs a favorisé un contexte où cette créativité pouvait se manifester. Tout comme les frères Wright, il a donné une inspiration qui ont permis l’inventivité.

Sinek explique comment Jobs a fait ce travail. Il a donné au personnes les grilles de lectures, le contexte et un un but élevé qui a permis l’innovation. En fait, Jobs a fondé Apple avec Steve Wozniak avec pour objectif de fournir des produits plus simples à utiliser que la concurrence. Apple ne s’est jamais mise en situation de protéger ses parts de marché. Elle n’a d’ailleurs jamais conservé sa position de leader sur un marché. Elle a toujours été rattrapée et dépassée par des entreprises qui avaient des stratégies manipulatoires en particulier le prix. Mais en conservant son leadership en matière d’usage avec des produits toujours simples à utiliser, Jobs a fait d’Apple une entreprise ou les employés savent toujours quel est le sens de leur travail. Cela explique aussi comment l’entreprise s’est aussi bien adapté aux ruptures qu’a connu son métier depuis 1976.

Dans les années 80 et 90, Apple a créé le marché des ordinateurs à interface graphique. Des concurrents l’onct copié et dépassé en terme de vente. Ces derniers s’appelaient Microsoft, DEC, IBM PC, Amstrad, Commodore et HP.

A cette époque, Apple avait déjà tenté de se diversifier dans les assistants personnes connectés. Mais l’expérience tourna court. Le marché n’était pas assez mur et le produit trop complexe. Néanmoins, Apple apprit beaucoup de cette expérience et elle s’en servit pour ses innovations suivantes.

Dans les années 2000, Apple se maintint dans le PC et les logiciels. Mais elle se diversifia dans la musique (iTunes) et dans les baladeurs (iPod). En plus de ses concurrents historiques, Apple s’est confrontée à de nouveaux concurrents : Sony et les majors de la musique.

Dans les années 2010, Apple inventa un nouveau terminal nomade, abusivement appelé smartphone (téléphone intelligent). Ce terminal, si l’on suit la description de l’innovation de rupture décrite par Clayton Christensen n’est plus un téléphone. C’est un ordinateur qui intégré en son sein une fonction téléphonique, parmi bien d’autres.

En fait, Apple n’a cessé de faire évoluer depuis quarante ans son produit initial, un ordinateur simple à utiliser et de taille à chaque fois plus réduite. Les nouvelles fonctions (musique, téléphone, localisation, appareil photo, etc.) n’ont été intégrées que dans la mesure où .

D’ailleurs, Apple n’a pas inventé le Smartphone. Son concurrent HP et un nouvel entrant Rim l’avaient devancés au milieu des années 2000. Mais ces derniers ont perdu la course de vitesse que s’imposent les premiers entrants dans une innovation disruptive. Cette victoire d’Apple est dûe à la clarté de son pourquoi établi trente ans auparavant et jamais dévié depuis (y compris lorsque Steve Jobs quitta l’entreprise).

Au milieu des années 2010, Samsung et Huawei sont venus challenger la position d’Apple. Samsung, grâce à ses politiques manipulatrices (prix, promotion, communication massive, recours au vedettariat, etc.) est parvenue à prendre la première place du marché des smartphones et des tablettes. Mais leurs positions respectives sont difficiles à comparer.

Depuis sa création, Apple suit le fil de son pourquoi à la trace. Cela lui a permis d’affronter des échecs nombreux (Apple 2, Macintosh 1 et 3, Newton) et d’apprendrendre à chaque fois. Ses produit et logiciels, déclinés depuis l’ordinateur jusqu’à l’iPhone ont la même cohérence, la même clarté.

Cette cohérence est plus difficile à établir dans le cas de Samsung qui produit des téléviseurs, des ventilateurs, des composants automobiles et des téléphones. Samsung n’innove pas, elle suit les marchés et décide d’intervenir lorsque la disruption a déjà eu lieu. Elle s’impose pas ses prix et une qualité (toute relative) de ses produits. Cette politique est une politique du quoi. Elle s’appuie sur des salariés dociles appliquant des recettes établies à l’avance et qui ne sont jamais mises en situation d’innover. Samsung peut innover technologiquement, en rajoutant des fonctions absentes chez ses concurrents. Mais ces nouvelles fonctions ne changent pas l’équilibre du marché, elles ne disruptent pas. Elles sont le fruit d’une maturation technologique à laquelle la plupart des acteurs s’adaptent rapidement (exemple de la reconnaissance faciale).

Dans le cas d’Apple, l’innovation passe par la confiance construite entre les dirigeants et ses employés depuis des décennies. C’est elle qui a permis de bâtir une entreprise capable de créer des disruptions dans le marché des terminaux numériques depuis une quarantaine d’années.

 

La confiance

Nous avons vu qu’avec Samsung, il s’agit d’une confiance qui se borne à la capacité à réaliser une tâche et non pas de contribuer à créer un cadre créatif. Ces contextes de confiance limitée sans un pourquoi clairement défini ont un désavatage majeur. Les dirigeants comme les salariés finissent par se déresponsabiliser et n’anticipent pas. En cas de crise, ils ne savent plus quoi faire et finissent même par contribuer à la catastrophe. Un exemple extrême des impacts d’une confiance limitée est celui de la Barings.

La faillite de cette banque à la fin des années 90 fournit un exemple parfait d’une société où plus personne ne connaît très bien le pourquoi? Cette vieille banque de plus de deux siècles d’âge a fait faillite en 1995 lorsqu’un trader, Nick Leeson, acheta pour 20 milliards de dollars de contrat à terme sur l’indice Nikkeï. Le contrat à terme misait sur une hausse de l’indice mais c’est l’inverse qui se produisit. La perte pour la banque dépassait le milliards de dollars, soit le double de ses fonds propres.

Ce qui frappa à l’époque, c’est l’absence total de communication et de confiance réciproque au sein de la société. L’année précédant la catastrophe, les responsables hiérarchiques du trader à Singapour et en Angleterre s’étaient contentés d’encaisser les bonus faramineux générés par les opérations du trader en question. Ces derniers dépassaient les objectifs assignés. Pour ses dirigeants, c’était la preuve que les processus de la banque tournaient et qu’il n’y avait pas lieu de s’interroger. Aucune des managers ne se souciait des risques que Leeson prenait pour l’ensemble de la banque prenait.

Un des responsables de Nick Leeson à l’époque précisa plus tard la pensée dominant à l’époque :

« … personne n’osait poser de question. Nous aurions eu l’air idiot devant tout le monde. »

Pourtant, la confiance dans une entreprise est quelque chose de remarquable.

Sinek donne l’exemple d’une militaire qui est devenue la meilleure analyste radar de l’armée américaine dans les années 80 et 90 et sur qui les pilotes pouvaient se reposer sans crainte. Celle-ci est devenue par la suite instructrice. Toute sa carrière, elle est restée motivée par un sens clair du pourquoi de sa mission, protéger la vie des pilotes qui étaient exposés dans les airs.

Avec cet exemple caricatural, l’auteur cherche à souligner que la prise de risque et l’expérimentation sont des conditions nécessaires à la vie des organisations. Dans ces contextes,un sens clair du pourquoi permet la confiance. Cette confiance créé un contexte fécond où les initiatives individuelles contribuent à la culture d’entreprise dans son ensemble.

 

L’influence des autres

En effet, la confiance en l’autre est un fondement d’une société bien portante. Dans les sociétés en crise où en guerre, la méfiance s’installe et contribue fortement au délitement. Ce constat est valable pour les entreprises.

Il est difficile de faire confiance au premier venu.e. Nous sommes plus à même de faire confiance à ceux qui partagent nos croyances et nos valeurs. Lorsque nous faisons confiance à notre interlocuteur.ice, c’est que nous voyons que pour lui, nos propres intérêts sont les siens.

Comme pour le pourquoi, le sentiment de confiance est logé dans le cerveau limbique. Les marques qui procèdent aux manipulations le savent et c’est pour cette raison qu’elles recourent par exemple à des réclames de type « 80% des français » ou vous montrent une star utilisant leur produit. Dans ces cas là, la célébrité incarne une cause ou une croyance qui contribue au sentiment de confiance (la bonne santé pour un sportif.ve, la réussite financière et sexuelle pour un acteur.ice de cinéma, etc.).

Mais ces opérations publicitaires ont une efficacité limitée sans un pourquoi clairement identifié au niveau de la marque. Revenons à Samsung encore une fois. Dans une de ses publicités, la marque coréenne associe ses produits à une équipe de footballeur dont Lionel Messi. Les sportifs habillés en tenue futuriste y affrontent des aliens à l’occasion d’un match de foot qui va décider de l’avenir de l’humanité.

Pourtant, nous n’associons pas le pourquoi de Samsung au futur. Au contraire, s’il fallait définir un pourquoi à la marque coréenne, il s’agirait plutôt de démocratiser des produits innovants inventés par d’autres quelques années avant. C’est déjà pas mal. Samsung est dans l’esprit de la plupart des gens une société qui fabrique des produits de bonne qualité pour un prix un peu moins élevé que ses concurrents.

Pourtant, en déguisant des footballeurs en spationautes sans scaphandre, Samsung ne contribue pas à clarifier son pourquoi auprès du public.

Les footballeurs ont pourtant une image qui véhicule quelques idées positives intéressantes à exploiter : sport / santé, le jeu, le rêve d’enfant, des origines sociales modestes, etc. Ils véhiculent aussi une image très négative, à l’opposé de l’idée de confiance : celle de stars aux salaires astronomiques et spécialistes de l’évasion fiscale. Manipuler l’image des footballeurs demande beaucoup de précautions au moment de clarifier son Pourquoi.

Commencer par le pourquoi

Publicité Dior Zidane

Dior avait très bien su utiliser l’image de Zinedine Zidane pour la publicité de son parfum, Eau Sauvage. Dans une mise en scène très réussie, Zidane en col roulé cachait le bas de son visage. A gauche de l’image, le slogan précisait : « Méfiez-vous de l’eau qui dort ». Cette image simple véhiculait une quantité très importante de messages cohérents qui instauraient la confiance et établissaient le Pourquoi de Dior.

D’abord, avec le slogan et la mise en scène, la marque jouait sur des caractères masculins contradictoires : la timidité et la gentillesse du personnage Zidane d’un côté masquant une masculinité virile prêtée spontanément au footballeur. De plus, le côté luxueux du parfum annulait l’image du businessman footballeur Zidane.

Avec ce cadre, les traits de caractère prêtés au personnage public de Zidane pouvaient fonctionner à plein : santé, sympathie, virilité discrète, sens de la réserve, origine sociale, timidité. Le contexte aussi jouait, nous étions dans les mois qui suivaient la victoire en coupe du monde et le numéro 10 tricolore avait acquis une familiarité forte dans le paysage médiatique. Toute personne appréciant ou non le foot avait envie d’aimer Zidane à ce moment là. Nous avions là de bons ingrédients pour établir la confiance.

Dior clarifiait ainsi son Pourquoi qui, faire des parfums accordés avec le caractère unique de chaque homme. Dior/Zidane est l’exemple d’une association mutuellement bénéfique entre une marque et une vedette de sport.

Dans le cas de Lionel Messi, il s’agit indiscutablement d’un excellent footballeur. Pour une marque cherchant à exploiter l’idée de talent et de performance, ça pourrait marcher. Mais en tant que footballeur star impliqué dans des scandales, Messi véhicule aussi une image à l’opposé de l’idée de confiance. Le montrer en train d’affronter des aliens est très amusant, mais cela ne nous dit rien du Pourquoi de Samsung.

Les produits de Samsung sont des produits techniques. Ils ne sont donc pas en mesure d’exploiter les qualités positives prêtées à ce footballeur et les aliens n’apportent rien de plus de leur côté.

L’interprétation de cette campagne ne peut donc être que rationnelle : Samsung a eu recours à une des vedettes du marché publicitaire et a investi de fortes sommes dans un clip bourré d’effets spéciaux. L’ensemble des images (celle de la marque, celle de Messi, celle des aliens) se juxtaposent sans fonctionner ensemble.

Sinek nous rappelle donc que la recommandation par une personne tierce peut marcher, mais elle doit installer une confiance.

Le mieux pour la confiance reste tout de même la recommandation d’un proche, celle de personnes qui nous ressemblent. Simon Sinek donne un autre exemple dont il a le secret. Alors que vous venez d’acheter une Volvo pour votre fils, votre meilleur ami vous annonce qu’il a acheté une Mercedes pour son fils. Il ajoute que les Mercedes sont les voitures les plus sûres au monde et que vous avez fait un mauvais choix. Peu importe que des études montrent qu’une Volvo est plus sûre qu’une Mercedes, il y a de fortes chances pour que vous éprouviez des regrets. C’est avec cet exemple que Sinek conclut sur la force du critère de confiance.

 

Chapitre 7 – Comment un point de bascule finit par basculer

Dans son livre, Le point de bascule, Malcolm Gladwell souligne l’importance du rôle des influenceurs au moment de déterminer le succès d’un produit. En l’utilisant pour eux, ces dernier prescrivent l’usage de ce produit et déclenchent son adpotion par des publics suiveurs qui les imiterons. C’est ce que Gladwell appelle un point de bascule.

Mais comment les influenceurs devraient à l’un de nos produits et services. C’est une des missions les plus difficiles d’une marketeur, identifier et convaincre un influenceur.

 

Les lois de la diffusion des innovations

En 1962, dans son livre La diffusion des innovations, Everett M. Rogers décrivait le modèle de diffusion d’une innovation dans une société. Trente ans plus tard, Geoffrey Moore dans Crossing the Chasm précisait la façon dont ce mode diffusion s’appliquait dans le domaine des nouvelles technologies et quel rôle pouvait jouer le marketing.

Il découpait pour cela une population de consommateurs en cinq segments :

La première catégorie (innovators) est celle qui doit établir sa croyance et la seconde (early adopters), celle qui constitue les relayeurs. Les autres catégories de clients sont les premiers suiveurs (early majority), les suiveurs tardifs (late majority) et les « traînards » (Laggards).

Commencer par le pourquoi

La loi de la diffusion des innovations

Les innovateurs et les early adopters

Ils représentent selon Rogers et Moore 2,5% d’une population de consommateurs. Ils sont à la recherche de nouvelles idées et sont intrigués par les avancées techniques.

Les early adopters représentent selon Moore 13,5% de la population. Ils partagent le goût des avancées techniques des innovateurs mais sont plus intéressés par l’usage que par l’élaboration. Il peuvent accepter de payer des services plus chers pour s’épargner les inconvénients. A noter qu’ici, Sinek détourne à son profit la définition de Moore. Pour ce dernier, les early adopters sont prêt à payer plus cher un service qui n’existe pas ailleurs. Ils en acceptent aussi les inconvénients dans la mesure où le produit en est à ses débuts et qu’il doit encore être perfectionné.

Les early adopters perçoivent donc la valeur de ce qui est proposé. Il sont prêts à en accepter les inconvénients et adhèrent à la cause d’une marque. Ils sont prêts à intégrer les produits de cette marque entant que quoi de leur propre pourquoi (prinicpe d’identité décrit au Chapitre 4).

En fonction du produit, nous jouerons un rôle différent. Sinek avoue être un early adopter de produits technologiques. Pour la première catégorie de produits, il est prêt à payer plus cher pour un produit récent et haut de gamme. Pour d’autres, il sera suiveur et sera très sensible aux recommandations de vedettes, aux promotions et aux baisses de prix.

 

Les early adopters et les suiveurs

Les catégories à droite du graphique ne manifestent aucune loyauté. Elles ne valorisent pas le travail réalisé ni les efforts faits en terme de clarté du pourquoi, ni dans l’efficacité du comment, ni dans l’authenticité du quoi. Elles sont les plus sensibles aux stratégies manipulatoires des marques.

Les suiveurs ne testerons pas quelque chose avant que d’autres les aient testés. Ils ont besoin de recommandations personnelles de la part de personnes identifiées.

C’est auprès d’eux que le travail d’établissement de la confiance est le plus difficile pour une marque cherchant à valoriser le pourquoi auprès d’un public.

Dans les produits des nouvelles technologies, les early adopters ont une capacité de prescription forte. Le Zune de Microsoft n’a jamais pû s’imposer face à l’iPod d’Apple, malgré des qualités techniques et des capacités supérieures. Les early adopters de la marque à la pomme avaient relayé le pourquoi de la marque vers les catégories suiveuses. Le critère de confiance était maintenant établi à l’avantage d’Apple.

Microsoft ne parvenait pas à s’imposer sur un marché où son pourquoi restait à établir et où peu d’early adopters étaient prêts à relayer un message de confiance à son avantage.

 

Cibler les early adopters

Pour arriver au point de bascule, c’est à dire au moment où une idée prend, il faut donc s’appuyer sur les early adopters. La société souhaitant communiquer avec ce public n’aura pas d’autre choix que de communiquer son pourquoi.

Il est difficile d’identifier un public d’influenceurs et le livre de Malcolm Gladwell pêche sur ce point. Sinek renverse la problématique. Pour lui, tout le monde est potentiellement un influenceur. En communiquant avec son pourquoi nous rendons notre message clair et compréhensible (clarté du pourquoi) et nous nous interdisons les stratégies manipulatoires. Les early adopters nous trouverons ainsi d’eux même à l’issue d’une quête auquel notre message clair apparaîtra comme une réponse évidente à leur problème. Nous devons nous rendre visibles sans forcer les portes d’entrée (manipulations).

 

Ceux qui refusent de prendre en compte les lois de diffusion

TiVo est une société américaine qui a lancé en 1997 un boitier TV qui permettait d’enregistrer des programmes télé, les mettre en pause. Le système permettait également d’ignorer la publicité. La société a communiqué largement au point où son nom a fini par s’imposer comme un synonyme de boitier TV.

Mais la communication de la marque ne jouait que sur les fonctionnalités produit. A aucun moment, ses fondateurs n’ont mis en valeur le pourquoi de leur société, alors qu’il était évident. Il permettait aux téléspectateur de gagner du temps (moins de pub), de s’économiser de l’espace (VHS ou DVD enregistrés). Bref, le système apportait de réels bénéfices que Tivo n’a jamais pensé à mettre en valeur.

Tivo a donc manqué son pourquoi, mais aussi son public d’early adopters. Pourtant, de nombreuses personnes étaient en quête de cette maîtrise du temps et de l’espace domestique. Mais ces derniers n’ont pas vu TiVo comme une solution à leur problème car la société a échoué à se présenter comme tel. Plusieurs critiques ont pointé le fait que le système avait connu quelques difficultés techniques. Pour Sinek, ces difficultés n’étaient pas le fond du problème. Un public d’early adopters qui aurait eu en tête la clarté du pourquoi des TiVo aurait accepté sans difficulté ce type de problèmes.

La société TiVo a disparu en 1998 alors que son nom est resté. Aujourd’hui, le boitier TV d’un opérateur téléphone, fibre ou satellite est appelé un Tivo aux Etats-Unis. Mais plus personne ne sait pourquoi.

Dans « Commencer avec le Pourquoi », Simon Sinek nous explique donc que la clarté du pourquoi est donc le préalable à l’innovation et à tout marketing. Elle permet de faire adhérer les early adopters. Il est important de noter que cette adhésion n’est pas une adhésion à la société, à son dirigeant, à un produit. En partageant son pourquoi, la société et ses dirigeants partagent ceux en quoi ils croient. Les early adopters partagent la même croyance. Ils ne souscrivent pas à un marque ou à un produit mais à une croyance qui leur est avant tout personnelle. Ce n’est que dans un second temps, ils s’aperçoivent qu’une marque ou qu’un produit la matérialise.

Le Livre

Commencer par Pourquoi – Comment les grands leaders nous inspirent à passer à l’action

Et maintenant ?

Le guide pour créer un produit désirableVous pensez à créer un nouveau produit produit et vous souhaitez rester connecté à votre Pourquoi. Le guide  « Créez un produit aussi désirable que celui d’une grande marque » vous aidera à y parvenir.

Téléchargez le ici.

 

 

Les livres qu’il faut avoir lu avant de créer sa startup

By Lotfi BENYELLES

Hello,

Voici un ensemble des lectures de grande valeur pour toute personne qui souhaite créer une entreprise innovante. Beaucoup de ces livres n’ont pas été traduites de l’anglais. Vous trouverez le lien vers le résumé détaillé du livre en fin de ligne. Il s’agit à chaque fois de résumés approfondis, parfois en deux parties.

Les résumés non encore disponibles seront publiés au fur et à mesure avec une priorité donnée aux publications en anglais.

 

Idée / Créativité

Innovation

Méthodes de création d’entreprise

Marketing

Financement

  • Get Backed d’Evan Baehr and Evan Loomis
  • Pitch anything d’Oren Klaff
  • The Art of Startup Fundraising: Pitching Investors, Negotiating the Deal, and Everything Else Entrepreneurs Need to Know

Développement personnel et Productivité

  • La 25ème heure de de Guillaume Declair, Bao Dinh et Jérôme Dumont
  • The subtle art of not giving a fuck de Mark Manson
  • The E-Myth Revisited de Michael E. Gerber
  • The Charisma Myth d’Olivia Fox Cabane
  • The Willpower Instinct de Kelly McGonigal
  • The Strength Finder de Tom Rath

Recruter, s’entourer

  • Who de Geoff Smart
  • The five dysfunctions of a team de Patrick Lencioni

Technologies

Philosophie / Connaissances générales

  • The construction of social reality de John R. Searle
  • Mythologies de Rolland Barthes
  • Les mots et les choses de Michel Foucault

 

Photo : Étudiant pour bibliothèque à la Bibliothèque centrale de l’Université Vrije, Keizersgracht 162, Amsterdam, 9 août 1955. Photo Ben van Meerendonk / AHF, collection IISH, Amsterdam – Licence Creative commons

 

The innovator’s dilemma – Deuxième partie

By Lotfi BENYELLES

Dans la première partie du livre Le dilemme de l’innovateur (The innovator’s dilemma – Clayton Christensen – Non traduit), nous avons vu que les entreprises leaders rataient le moment de l’innovation disruptive. Elles laissaient la place à de nouveaux entrants et ces derniers en profitaient pour reconfigurer le marché.

Souvent, ces leaders faisaient le choix d’ignorer une innovation alors même qu’ils avaient découvert la technologie qui la permettait avant les autres.

 

Deuxième partie – Comment innover ?

Résumé de la première partie.

Seagate a créé le premier disque du de 3,5 pouces. Mais elle a fait le choix de ne pas le développer pour préserver ses marges dans les disques de 5,5 pouces. Les exemples de ces ratages sont nombreux. Kodak a inventé le premier appareil photo numérique. Mais elle a fait le choix de préserver ses marges dans l’argentique laissant la place à d’autres.

 

Le bon management et l’innovation de rupture

La première partie du livre The innovator’s dilemma nous révèle qu’il y a des raisons à ça. Ces raisons tiennent aux règles du bon management. En effet, la priorité pour un bon manager se résume en ces deux points :

  • Répondre aux besoins de ses clients
  • Allouer les ressources pour faire aboutir des projets

Or ces deux priorités empêchent toute possibilité d’innovation disruptive.

 

L’innovation incrémentale, un choix de court terme

Pourtant, les managers sont convaincus d’innover, et en toute bonne foi. Mais ils ne font qu’améliorer les possibilités de produits existants.

Certes, il s’agit bien d’innovation, mais une innovation incrémental.

Celle-ci permet de se maintenir dans la course. Ainsi, le produit se développe. Progressivement, il dépasse la performance nécessaire au client. Son prix aussi finit par augmenter et l’entreprise augmente ses marges.

 

Dans l’entreprise, des ingénieurs proposent une technologie de rupture

Très souvent, c’est à ce moment que des ingénieurs de l’entreprise proposent une alternative technologique. Elle consiste à développer une technologie plus compact, moins qualitatif ou performant et offrant des marges plus faibles. Il possède deux atouts néanmoins :

  • D’abord, à court terme, il peut répondre à des besoins d’une clientèle de niche qui trouve l’offre existante trop chère
  • Ensuite, sa marge d’amélioration technique à long terme est très élevée

 

Les manager refusent d’investir dans la technologie de rupture

Le dilemme de l'innovateur - Clayton Christensen

La courbe en S de l’innovation disruptive – Le dilemme de l’innovateur – Clayton Christensen

Pourtant, les managers renoncent à mettre cette innovation sur le marché. En effet, son lancement s’oppose aux deux règles du bon management édictées plus haut :

  • La nouvelle technologie ne répond pas aux besoin des clients de l’entreprise et ces derniers la rejettent
  • La nouvelle technologie ne garantit pas que les ressources sont correctement allouées et que le projet aboutira

Elle préfère donc investir de plus en plus lourdement dans des technologies qui atteignent pourtant leur limite physiques (cf. schéma de la courbe en S plus haut).

 

Faire réussir l’innovation de rupture

Pour faire réussir l’innovation de rupture, il faut donc dépasser ce que l’auteur appelle modèle de l’échec.

La deuxième partie de The innovator’s dilemma va présenter les entreprises qui ont trouvé une alternative au modèle de l’échec.

 

Chapitre 5. Innover en cherchant les clients à qui la nouvelle technologie va apporter quelque chose

L’exemple de l’industrie du disque du nous montre qu’il est très difficile pour une entreprise leader d’innover en ciblant un autre segment de clientèle. Pourtant certains managers comprennent qu’ils doivent partir à la recherche de nouveaux clients.

Mais les organisations sont bâties de façon telle qu’il est souvent impossible pour ce manager d’aller au bout de son projet.

Généralement, les entreprises sont organisées pour répondre aux contraintes de son environnement. Elle ne dévient donc pas de leur trajectoire.

 

MANAGER POUR LE LONG TERME

Deux options se présentent alors au manager :

  • Convaincre tout le monde dans l’entreprise de l’importance de l’innovation de rupture. Ainsi, il devra défendre le fait que l’entreprise poursuive une option rejetée par les clients, qui contribue faiblement au chiffre d’affaire et qui dégrade la marge.
  • Créer une une organisation indépendante de l’entreprise établie. Ainsi, celle-ci pourra partir à la recherche de son segment de clientèle et s’adapter aux contraintes propres à ce marché (faible marges, qualité, etc.).

La deuxième option est de loin celle qui garantit les meilleurs résultats comme le prouvent les exemples que nous présenterons plus bas.

 

INNOVATION ET ALLOCATION DE RESSOURCES

Associé au désintérêt des clients établis, le système d’allocation de ressources freine l’innovation de rupture chez les entreprises leaders.

  • Les projets d’innovation sont souvent proposés par des opérationnels et les ingénieurs. Mais ils peinent à mettre en avant les bénéfices qu’ils apporteront à l’entreprise et à ses clients.
  • Les managers (middle management) tendent à choisir les projets qui offrent les plus grandes chances de réussite pour leur carrière personnelle. C’est ainsi qu’ils écartent les propositions des opérationnels et des ingénieurs.

Donc, lorsque des projets d’innovation de rupture arrivent, ces entreprises doivent

  • D’abord, résister à la tentation de les faire valider par leur clients existants
  • Puis mettre en place un nouveau système d’allocation de ressources. Celui-ci doit permettre aux projets de rupture de ne pas entrer en concurrence avec les projets d’innovation incrémentale.

 

DISRUPTION RÉUSSIE DANS L’INDUSTRIE DU DISQUE DUR

Nous avons vue dans la première partie de The innovator’s dilemma que ce marché a été confronté à de nombreuses disruption (Schéma 1.7 ici bas).

Le dilemme de l'innovateur

Schéma 1.7 – Évolution du marché du disque dur – Le dilemme de l’innovateur – Clayton Christensen

Voici trois exemples où la disruption a été correctement anticipée par le management.

Dans les deux premiers cas, les managers ont mis en place une organisation à l’extérieur de l’entreprise. C’est elle qui a été chargée de développer la technologie de rupture.

Dans le troisième cas, le manager a organisé la disruption à l’intérieur de l’entreprise. Toutefois, ce travail l’a mené à l’épuisement.

 

Quantum et le disque dur de 3,5 pouces

Au milieu des années 80, des employés de Quantum estimèrent que les disques dur de 3,5 pouces pouvaient avoir un potentiel de marché. Ils pensaient notamment que des utilisateurs de PC s’en serviraient pour augmenter les capacités de stockage de leurs ordinateurs.

Ils décidèrent donc de créer une startup et de quitter Quantum. Voyant leur départ comme une opportunité, leur employeur leur offrit de financer leur projet. En échange, il leur achèterait 80% des parts de la nouvelle société. Les employés acceptèrent. Plus Development Corporation fût ainsi créée.

La société était complètement autonome. Non seulement elle disposait de son propre management, mais elle gérait aussi ses clients, ses revenus et ses coûts. Plus devint finalement très rentable.

Alors que les ventes de disques 8 pouces devenaient insignifiantes, Quantum décida d’absorber Plus. Les disques durs 3,5 pouces de la petite société devinrent ainsi une ligne de produit de Quantum. Elle disposait d’une avance dans un marché en pleine explosion grâce notamment au développement du PC portable.

Par conséquent, Quantum décida d’adopter la même stratégie pour développer le disque dur de 2,5 pouces. Là aussi, les résultats fûrent très positifs. En 1994, l’entreprise devint ainsi le premier producteur mondial de disques durs.

 

Control Data in Oklahoma Control Data Corporation (CDC)

Control Data est une des société historiques du marché du disque dur. Elle contribua d’ailleurs fortement à la création de cette industrie. Entre 1965 et 1982, ses parts de marché oscillaient entre 55% et 62%.

Pourtant, à la fin des années 70, l’entreprise passa à côté du développement du disque dur de 8 pouces. Elle produisit bien un modèle de 8 pouces mais avec trois ans de retard. Son modèle ne fût vendu qu’à ses clients et sa part de marché s’effondra. Les managers de CDC décidèrent dès lors de se maintenir dans la course aux prochaines innovations.

C’est ainsi que lorsque Seagate lança le disque dur de 5,25 pouces, CDC décida de se lancer elle aussi au plus vite. Elle créa donc une filiale en Oklahoma chargée de développer ce produit auprès du bon segment de clientèle.

CDC devint ainsi le deuxième fabricant de disque dur 5,25 pouces avec 20% du marché.

Micropolis: une transition gérée par le management

Micropolis fût créée en 1978. Elle devint très vite un acteur de référence du marché du disque dur de 8 pouces. En 1982, le PDG de l’entreprise Stuart Mabon anticipa intuitivement la trajectoire de plafonnement technologique décrite plus haut dans le schéma 1.7.

Il décida d’organiser à l’intérieur de l’entreprise le développement du disque de 5,25 pouces. Il du effectuer un effort démesuré pour s’assurer que les ressources nécessaires au projet ne soient pas cannibalisées par l’activité historique. Cela lui prit 100% de son temps et le projet fût très difficile à mener.

Schéma 5.1 – Transition technologique et position de marché chez Micropolis – Le dilemme de l’innovateur – Clayton Christensen

Avec cette transition, Micropolis dût renoncer aux besoins des clients établis. Micropolis organisa ainsi le remplacement progressif de ses anciens clients par un nouveau segment client (Schéma 5.1). L’adaptation fût longue, compliquée et épuisante. Mais elle aboutit à un résultat positif. Micropolis resta un acteur majeur de l’industrie du disque dur malgré la disruption du marché.

Avec ces trois exemples, nous voyons que l’argument selon lesquels les managers n’ont pas la possibilité gérer une transition vers une technologie de rupture est tout simplement faux.

 

IBM ET L’ORDINATEUR PERSONNEL (PC)

Le dilemme de l'innovateur

Publicité IBM PC des années 70

La disruption dans l’industrie du disque dur est très dépendante de celle du marché du PC. En fait, les deux industriens partagent la même value network.

Pour rappel, la value network est un concept crée par Clayton Christensen. Il définit l’environnement dans lequel un acteur économique perçoit la valeur des biens achetés et produits. Par exemple, le client d’un mainframe achète un produit déterminé par une marge de 60%. Les fournisseurs de composants pour ce marché (dont les fabricants de disque dur) ajusteront en conséquence leur marge pour s’en rapprocher.

Ainsi, le marché du mainframe et celui du disque dur en 1960 faisaient partie du même value network. En conséquence, la marge réalisée pour un disque dur était presque la même que celle d’un assembleur mainframe comme IBM.

L’émergence de l’ordinateur personnel a constitué une disruption dans le marché des ordinateurs. Pour IBM et ses concurrents du mainframe, leurs clients n’avaient pas l’utilité de ce type de produit.

Ainsi, le PC fut donc ignoré pendant des années, ce qui permit l’arrivée de nouveaux acteurs (Digital Equipment, Nixdorf, Wang, etc.).
Puis les performances des PC atteignirent les exigences de certains de ses clients du mainframe. IBM décida alors de lancer sa propre gamme de PC.

Elle le fit au moment où nouvelle génération de PC, les mini PC, venait d’arriver sur le marché. Les nouveaux entrants étaient Apple, Commodore, Tandy et donc IBM.

IBM (comme Apple) reproduisit l’opération au milieu des années 80 avec les ordinateurs de bureau. Puis de nouveau au début des années 90 avec l’ordinateur portable. A chaque fois, elle attendit que la nouvelle technologie soit en mesure de répondre au besoin de ses clients.

Ces exemples tendraient à démontrer qu’il suffit juste d’attendre qu’une technologie murissent pour la proposer à ses clients.

Pourtant, ce succès doit être relativisé. En effet, aucun autres acteurs du mainframe n’a réussi dans le marché du PC.

D’ailleurs, pour réussir IBM appliqua la même méthode que Quantum et Control Data. Elle ouvrit une filiale en Floride loin de son siège New-Yorkais, IBM PC. Cette filiale avait non seulement la liberté de choisir ses niveaux de marge, mais elle pouvait aussi démarcher ses propres clients. Ainsi, elle entrait parfois en concurrence avec la branche mainframe.

 

KRESGE, WOOLWORTH ET LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION

Le secteur de la distribution a lui aussi connu des innovations majeures. Au milieu des années 50, Korvette fût le premier à pratiquer le discount à New-York.

Avec des prix plus bas de 20 à 40% que ses concurrents, il imposa le format de distribution que nous connaissons aujourd’hui. C’est-à-dire : distribution de grandes marques, mise à disposition en rayon, absence de vendeurs, etc. Korvette avait également défini sa cible. Les épouses des cols bleus.

Puis de nouveaux acteurs apparurent à la fin des années 50. Kresge, Woolworth et Dayton Hudson perfectionnèrent le modèle du discount de Corvette en inventant la distribution de masse. Celle-ci reposait sur un rotation de stock élevée et un très grand nombre de magasins. De leur côté, les grands distributeurs généralistes (dont Sears) décidèrent d’ignorer le discount.

Kresge recruta un nouveau directeur général en 1959, Harry Cunningham. Sa mission était de transformer Kresge en une puissante chaîne de discount. Cunningham revit entièrement l’organisation et remplaça de nombreuses personnes. Il décida de fermer près de 10% des magasins généralistes chaque année. En quelques années, l’enseigne s’était entièrement tournée vers le discount.

Woolworth pour sa part décida de ne pas perturber ses activités historiques. Elle créa donc une activité, Woolco pour développer ce segment de marché. Elle décida de conserver les mêmes équipes pour ses deux enseignes. Celles-ci étaient managées au niveau régional.

Malheureusement, elle ne pût maintenir au sein du groupe deux modèles aussi différentes. Très vite, les marges de l’activité discount augmentèrent et la rotation des stocks diminua. Woolco ne parvint donc pas à s’imposer dans le discount et le dernier magasin ferma ses portes en 1982.

 

LA SURVIE PAR LE SUICIDE, HEWLETT PACKARD ET L’IMPRESSION JET D’ENCRE

Une société peut aussi faire le choix de développer une filiale qui fera disparaître à terme une autre filiale pourtant rentable.

C’est ce choix qu’a fait HP dans le domaine de l’impression. Au début des années 80, HP devint l’un des leaders mondiaux dans le secteur de l’impression Laser. Durant ces années, elle ne cessa d’améliorer cette technologie et devint leader du marché.

Lorsque la technologie jet d’encre fit son apparition, il y eut un débat au sein d’HP. Certains soutenaient que la technologie jet d’encre ne pourrait jamais atteindre la résolution d’une impression laser. Elle ne justifiait donc pas d’investissement. D’autres soutenaient que le prix très bas de la technologie jet d’encre devait permettre d’adresser des clients qui ne pouvaient pas payer pour le prix d’une imprimante laser. A leurs yeux, HP se devait de se positionner sur ce marché.

Les dirigeant d’HP avaient réalisé que l’imprimante jet d’encre était une technologie de rupture par rapport à l’impression laser.

Ils décidèrent donc de laisser sa filiale de Boise dans l’Idaho poursuivre dans l’impression laser. En parallèle, ils créèrent une nouvelle filiale à Vancouver dans l’état de Washington. Celle-ci était complètement autonome. Sa seule mission était de réussir à faire de l’impression jet d’encre un succès.

Dans un premier temps, HP (Vancouver) répondit aux besoins de clients ignorés par les fabricants d’imprimantes lasers. Il s’agissait d’étudiants, d’enseignants et certains particuliers. Puis, dès la fin des années 90, la technologie s’améliora au point de répondre aux besoins de productivité de nombreux professionnels.

Les imprimantes laser, plus grandes et encombrantes devinrent une activité marginale pour HP au point d’être finalement absorbées par la branche Jet d’encre de Vancouver.

Chapitre 6. Adapter l’organisation à la taille du marché ciblé

Deux points sont essentiels lorsqu’une entreprise est confrontée à une innovation disruptive :

  • D’abord, la quête du leadership. Les entreprises qui arrivent les premières à installer la technologie disruptive en retirent les premiers les bénéfices.
  • Par ailleurs, il convient de créer une organisation adaptée aux petites opportunités d’un secteur émergent. En effet, les petits marchés de l’innovation disruptive ne pourront jamais satisfaire les besoins de croissance à court terme des grandes entreprises.

 

LES PIONNIERS ESSUIENT-ILS RÉELLEMENT LES PLÂTRES ?

Généralement, une entreprise confrontée à une innovation de rupture hésite à investir pour se positionner parmi les premiers entrants. L’autre option, celle d’attendre, peut paraître plus raisonnable à ses dirigeants.

Quelques rares exemples dans l’industrie du disque dur peuvent laisser que la deuxième option est préférable. Pourtant, dans la plupart des cas, les pionniers sont ceux qui retirent l’essentiel des bénéfices d’une technologie disruptive.

L’étude menée par Clayton Christensen dans The innovator’s dilemma révèle ainsi que 37% des primo-entrants parvenaient à dépasser les 100 millions de $ de chiffre d’affaire dans les deux ans d’existence d’une nouvelle technologie. Ce chiffre tombe à 20% pour les entreprises qui s’y prennent plus tard.

D’autant plus que si l’on regroupe ces chiffres à l’échelle de l’ensemble de l’industrie, l’écart devient vertigineux. Les sociétés qui se sont engagées dans une technologie disruptive ont cumulé 62 milliards de dollars de revenu généré par cette technologie. Pour celles qui ont attendu, ce chiffre est de 3,3 milliards.

Les entreprises qui tardent à rentrer sur le marché se condamnent donc à des positions marginales, voir à une disparition.

L’étude de Clayton Christensen révèle également qu’une innovation technologique incrémentale ne génère pas d’avantages.

Par exemple, le remplacement du silicium par la bande magnétique dans l’industrie du disque dur a été particulièrement coûteux pour IBM ou Memorex. Pourtant, il n’a généré aucun revenu supplémentaire. Pas plus qu’il n’a amélioré la position de ces entreprises sur le marché.

 

LE LEADERSHIP ET LES GRANDES SOCIETES DANS DES CONTEXTES D’INNOVATION DISRUPTIVE

Attardons nous maintenant sur le cas des grandes entreprises. Nous avons vu dans la première partie que ces dernières étaient particulièrement réticentes à s’engager dans des innovations disruptives. Nous avons vu plus haut avec le cas d’HP ou Micropolis que certaines grandes entreprises établies y parvenaient parfois.

Mais quel sont ces stratégie d’entrée adoptent-elles en général ? Clayton Christensen en identifie trois :

  • Elles essaient d’influencer l’acquisition d’une technologie disruptive. Elles tentent d’influencer le marché pour qu’il atteigne une taille critique et que leurs produits puissent y être vendus ;
  • Elles patientent jusqu’à ce que le marché ait atteint sa taille critique puis elles y commercialisent leur produit ;
  • Elles sous-traitent la commercialisation d’une technologie disruptive à une filiale.

 

Etude N° 1 : Influencer l’acquisition d’une technologie disruptive

En 1990, après deux décennies d’existence, Apple était à la recherche de nouveaux marchés.

Le marché des assistants personnels lui sembla être un bon segment à développer. L’entreprise lança donc Newton, un assistant particulièrement bien conçu et facile à manipuler.

Elle investit de fortes sommes d’argent dans le développement de ce produit et elle le promut de façon agressive. 140 000 Newton furent vendus les deux premières années. Le chiffre était très faible au vu des sommes investies et la plupart des analystes présentèrent le Newton comme un échec. Son système de reconnaissance d’écriture était décevant et ses fonctions de communications trop chères.

Le produit était pourtant bien disruptif dans la mesure où il est parvenu à créer son marché. Mais pour le marché et les dirigeants d’Apple les 43 000 ventes de la première année furent perçus comme un échec. Or à l’échelle d’un marché disruptif, il s’agit au contraire d’une réussite. D’autres acteurs tel Palm ou HP réussirent à s’imposer plus tard sur ce marché.

Le principe de l’innovation de rupture est l’essai – erreur. L’histoire d’Apple est d’ailleurs très significative. L’Apple 1 fût un échec, la première version de l’Apple II aussi. Ce n’est que la seconde version de l’Apple II [H11501] qui parvint à trouver une clientèle. Par la suite, les premières générations de Macintosh échouèrent également avant qu’Apple ne trouve la bonne formule.

Avec Newton, Apple tenta donc de raccourcir ce délai d’apprentissage. Elle décida qu’elle savait parfaitement ce que les clients attendaient d’un assistant personnel et que ces derniers aussi. Les investissements massifs imposèrent la nécessité d’un retour sur investissement à court terme. Or un tel produit nécessitait une phase d’apprentissage comme toute innovation de rupture.

C’est donc pour cela que ces innovations requièrent des organisations de petite taille.

 

Étude N°2 : Attendre que le marché soit assez large pour être intéressant

C’est la startégie attentiste. Clayton Christensen a démontré plus haut à quel point cette stratégie est peu bénéfique. Les deux exemples suivants illustrent sa démonstration.

En 1984, Seagate et d’autres fimes commercialisèrent le disque dur de 5,25 pouces. Cette technologie disruptive avait été mise au point en 1983. Elle mis donc à peu près un an à s’imposer sur le marché du PC. En effet, cette durée est néssaire pour mettre au point un modèle ordinateur à partir de composants déjà commercialisés sur le marché. Une autre société, Priam l’avait développé en 1982, mais c’était trop tôt et la société ne parvint pas à l’imposer.

Seagate Technology fût le second a mettre au point un modèle 3,5 pouces en 1984. Les analystes s’attendaient à ce que le modèle soit commercialisé en 1986, au moment où le marché deviendrait intéressant. Le modèle ne fût lancé qu’en 1987, à un moment où ce marché devenait intéressant.

Toutefois, en 1991, malgré des ventes significatives de disques 3,5 pouces, Seagate ne vendait toujours pas ses disques dur à des fabricants d’ordinateurs portables. Ses ventes de 3,5 pouces étaient destinées au marché du PC fixe où le disque de 5,25 pouces déclinait. En d’autres termes, Seagate canibalisait son marché historique.

Pourquoi ?

Nous avons vu dans la première partie du livre comment les ingénieurs de Seagate qui développère le 3,5 pouces sont partis fonder Conner peripherals. L’un des dirigeants de l’entreprise expliqua plus tard les raisons de leur succès et celui de l’échec de Seagate.

« Nos prédécesseurs concevaient le disque dur. Puis ils le fabriquaient et finalement, ils le vendaient. Nous avons changé ça. Nous vendons d’abord les disques, puis nous les concevons et enfin nous les construisons. […]. Seagate n’a jamais été en mesure de comprendre comment fonctionnait le marché de l’ordinateur portable. »

En d’autres termes, Conner a établi un standard de conception du disque de dur pour le marché du Pc portable. Elle obtenait ainsi un maximum d’informations et de mettre au point son produit avant de lancer la production. [Ce modèle de production s’est ensuite généralisé à d’autres industries comme nous l’avons vu dans le cas du Lean Startup]

 

Etude n°3 : Petites opportunites pour petites organisations

Comme pour HP et IBM, une société établie peut faire le choix de créer une nouvelle filiale pour développer une innovation disruptive. Ou comme dans le cas de Quantum (Plus) et Compaq (Conner), elles peuvent acquérir des parts dans une startup.

Dans les deux cas, il s’agit d’éviter de rencontrer les difficultés qui ont été celles de Micropolis lors de la mise au point du disque de 5,25 pouces.

A la fin des années 70 Control Data passa à côté du marché du 8 pouces. En conséquence, elle décida d’envoyer une équipe indépendante à Minnéapolis pour développer le disque de 5,25 pouces. Voici comment un de ses dirigeants de l’époque présente cette décision :

« Nous avions besoin d’une organisation qui puisse être excitée à l’idée d’avoir une commande de 50 000$ ».

Prenons un exemple d’innovation externalisée maintenant. En 1968, les systèmes de contrôle de refroidissement moteurs sur le marché étaient encore tous mécaniques. Ces systèmes étaient utilisés pour régler la température des moteurs dans les systèmes de climatisation, les pompes industriels, etc.

Allen Bradley était justement le leader dans la production des moteurs pour ces produits. La société produisait aussi les composants électromécaniques de refroidissement qui leur étaient nécessaires.

Cette année là, Modicon, une startup lança un modèle de contrôle de refroidissement électronique. Ce système était beaucoup moins puissant qu’un système mécanique. Il offrait néanmoins une flexibilité plus grande.

En 1969, les dirigeants d’AB pressentirent la fin prochaine des contrôleurs mécaniques. Ils décidèrent donc d’investir dans une startup concurrente de Modicon, Information Instruments, Inc. AB pût ainsi se positionner sur ce marché disruptif.

Dans le même temps, Westinghouse et General Electric ignorèrent l’innovation en question. Pourtant, ils étaient leaders dans la production de micro-composants électroniques et disposaient donc d’un avantage technologique.

AB n’avait pas cette expertise mais les progrès rapides de sa startup lui donnèrent raison. En quelques années, les contrôleurs électroniques d’Information Instruments, Inc. remplacèrent ses modèles électromécaniques.

EN RESUME

Les managers ne sont pas obligés de rechercher une croissance durable avec de l’innovation disruptive. Ils peuvent continuer à améliorer leur technologie et rester forts et compétitifs.

Mais le retours sur investissement d’un primo entrant sur une technologie disruptive peut-être énorme. Pour elles, l’enjeu sera de s’adapter aux conditions d’un marché émergent. Ce derniers sera caractérisé par des petits volumes et de faibles marges.

La politique d’innovation qu’elle adoptera sera déterminante. Celle-ci doit se caractériser par :

  • De petites organisations de type Startup
  • Dissociées du métier historique de l’entreprise et basées à un autre endroit
  • Ayant leur propres fournisseurs et démarchant leurs propres clients, y compris ceux du métier historique
  • Procédant en mode essai-erreur pour retirer le plus d’enseignement
  • Vendant leur produit à des clients early adopters avant d’en industrialiser la production.

Chapitre 7. Découvrir les marchés nouveaux et émergents

 

Dans le contexte de l’innovation incrémentale, il est assez simple d’évaluer les besoins d’un marché. En effet, les clients et les compétiteurs sont connus.

Les frais de recherche et développement, les études et le marketing peuvent ainsi être estimés sur des bases plutôt fiables.

Mais dans le cas d’une innovation de rupture, il est impossible de faire ce type d’estimation.

Dans ce chapitre, nous verrons comment les experts de l’industrie du disque dur ont fait pour identifier des opportunités. Ces derniers ont eu néanmoins eu énormément de mal à évaluer la taille de ces nouveaux marchés dans des contextes disruptifs.

 

PRÉVISIONS DANS DES CONTEXTES DISRUPTIFS VS PREVISIONS DANS DES CONTEXTES D’INNOVATION INCRÉMENTALE

L’industrie du disque dur est très riche en données. Un rapport mensuel détaillé est ainsi publié par un syndicat regroupant l’ensemble des fabricants le Disk/Trend. Le rapport publié par le Disk/Trend se montre souvent très fiable lorsqu’il s’agit de prévoir comment une technologie existante va évoluer.

Ses méthodes de prévisions se sont par contre avérées inefficaces lorsqu’il s’est agi d’anticiper sur l’arrivé d’une technologie disruptive.

 

À LA RECHERCHE D’UN MARCHÉ POUR LE DISQUE DUR D’1,3 POUCES : L’EXEMPLE DU KITTYHAWK D’HP

HP s’est ainsi retrouvée prise au dépourvu au moment de lancer son disque de dur de 1,3 pouces, le Kittyhawk. Le plus petit modèle de disque disponible sur le marché était le 3,5 pouces. Fallait-il baser ses prévisions sur l’apparition et le développement de ce modèle ou trouver une autre méthode ?

HP choisit la première option. Le marché des assistants personnels commençait à émerger et les dirigeants d’HP pensèrent que le Kittyhawk y trouverait naturellement sa place.

Un cabinet d’étude confirma leur pressentiment et établit les prévisions. Ainsi, les managers de la société développèrent des partenariats avec les principaux acteurs de l’industrie : Motorola, ATT, IBM, Apple, Microsoft, Intel, NCR. Eux aussi avaient misé sur le marché des assistants personnels.

Le Kittyhawk fût donc développé et mis sur le marché en 12 mois. C’était un produit haut de gamme grâce notamment à un capteur d’impact. Il pouvait par exemple encaisser des chutes sans s’abîmer. Son prix était donc élevé, 250 $ la pièce.

Mais le marché du PDA ne tint pas ses promesses et le Kittyhawk ne réalisa qu’une petite fraction des ventes attendues. Plus inattendu, l’essentiel des ventes était effectué au Japon auprès de fabricants de micro-caisses enregistreuses, de vidéo de surveillance et de scanners industriels. Ces clients n’avaient pas été anticipés par les prévisions d’HP.

Après deux ans d’existence, l’industrie du jeu vidéo montra son intérêt pour le produit. Mais elle demanda des prix nettement plus bas que ceux d’HP.

En réalité, HP avait conçu le Kittyhawk comme une technologie incrémentale. Elle pensait avoir les mêmes clients et les mêmes fournisseurs que ceux de ses disques 3,5 pouces. Elle misait sur la miniaturisation des terminaux avec un passage du PC portable au PDA, mais sans changement de value network.

Il s’agissait en réalité d’un produit disruptif et le segment du jeu vidéo aurait pu être prometteur. Mais le produit était cinq fois trop cher pour ce segment.

Plutôt que de pivoter pour répondre au besoin de cette industrie, le management considéra que trop d’argent avait été investi. Le Kittyhawk fût donc retiré du marché fin 1994.

Retrospectivement, les managers de HP considèrent que leur plus grosse erreur fût de considérer tout le long du projet que leurs hypothèses étaient bonnes.

HP n’est pas la seule entreprises à avoir commis cette erreur comme nous le montre ici bas l’exemple de Honda.

 

COMMENT HONDA A CONQUIS LE MARCHE AMÉRICAIN DE LA MOTO

La réussite de Honda sur le marché de la moto en Europe et aux Etats-Unis est souvent présentée comme une réussite. Pourtant avant d’y arriver l’entreprise japonaise a connu de nombreuses déconvenues.

Honda se mit à produire des motos au Japon à la fin de la deuxième guerre mondiale. Dans un contexte de grande pauvreté et de destructions, ses motos étaient économiques et robustes. Elles permettaient d’assurer de petit déplacement. Ses ventes augmentèrent de 1 200 unités en 1949 à 285 000 unités en 1959.

Au Japon, un des modèles de la marque était la Honda Supercub. Ce modèle était un tout terrain qui était utilisé notamment pour effectuer des livraisons sur les routes abîmées du Japon d’après-guerre.

En 1959, les dirigeants de l’entreprise décidèrent de s’installer aux Etats-Unis pour y vendre des modèles adaptés aux besoins du marché.

Les dirigeant réalisèrent donc une étude de marché. Celle-ci leur révéla que les américains valorisaient essentiellement la vitesse et la puissance de leurs motos. Honda n’avait pas de moto adaptée mais elle tenta néanmoins l’expérience.

Elle détacha 3 de ses employés de à Los Angeles pour promouvoir les ventes de ses modèles. Afin d’économiser sur places ces derniers amenèrent avec leurs modèles de Supercub pour se déplacer.

Les trois employés passèrent une première année difficile. Certains concessionnaires acceptèrent de commercialiser les modèles Honda mais les résultats furent désastreux. Les motos Honda étaient adaptées aux petites rues irrégulières et aux trajets courts. Sur les autoroutes américaines les modèles s’abîmaient très vite. Ils n’étaient pas adaptés non plus à de longues durées de conduite à grande vitesse.

Les frais de remplacement des modèles sous garantis mirent la société en péril. Il fallait renvoyer les modèles qui s’étaient abîmés et les remplacer par des modèles neufs, frais de transport en sus.
Les trois commerciaux de Honda à Los Angeles décidèrent un jour de sortir avec leur Supercub 50cc dans des villages proches. Les voisins, en les apercevant en train de se préparer leur demandèrent où ils avaient trouvé ces jolies moto.

Ces derniers ne prêtèrent pas beaucoup d’attention à cet intérêt et continuèrent d’utiliser leurs Supercub pour leurs sorties. L’intérêt pour ces motos augmenta et un vendeur de Sears entra en contacta avec les trois commerciaux de Honda à Los Angeles. Mais la société mère au Japon préféra ignorer cette demande.

La société souhaitait continuer à développer son marché de motos urbaine on-road plutôt que le tout-terrain. Finalement, face aux demandes de plus en plus récurrentes, elle se décida à commercialiser ce modèle aux Etats-Unis.

Les trois représentants de Honda adoptère une stratégie de commercialisation différente cette fois. Il s’adressèrent à des magasins de sport pour distribuer ce modèle. Le bouche à oreille fonctionnait bien, mais la société n’avait pas les moyens pour réaliser une véritable campagne de publicité.

C’est à ce moment qu’une classe d’étudiant en Marketing à l’université de Los Angeles travailla sur un cas pratique au sujet de la Supercub. Un des étudiants proposa :

« Vous faites les plus belles rencontres sur un Honda » – « You meet the nicest people on a Honda »

Encouragé par son professeur, l’étudiant vendit son slogan à la société. Ce slogan permit de rendre la marque célèbre aux Etats-Unis.

Le dilemme de l'innovateur

You meet the nicest people on a Honda

La Honda 50cc était donc bien une inovation disruptive. Avec elle, le constructeur japonais changea le marché de la moto aux Etats-Unis. Il s’imposa d’abord dans les petites cylindrées en adressant des clients qui n’auraient jamais acheté une moto auparavant. Puis, il s’attaqua aux segments des grosses cylindrées, celui qu’il avait tenté de pénétrer à son arrivée. Cette-fois-ci l’expérience fût réussie et Harley Davidson et BMW perdirent leur place de leader.

Cette histoire illustre encore une fois le chemin classique d’une innovation disruptive. Celle-ci s’impose par le bas d’un value network. Là où les clients sont marginaux et les marges très faibles. Une fois que le produit y a fait ces preuves, son perfectionnement technique lui permet d’entamer sa migration vers le nord est, là où les performances attendues et les marges sont plus élevées.

La situation des années 50 s’est donc inversée. Dans les années 80, c’est Harley Davidson qui tenta de proposer un modèle de petite cylindrée en s’associant au fabricant italien Aprilla. Mais le produit était trop éloigné des standards des clients d’Harley. D’autre part, il était qualitativement inférieur aux modèles Honda. Il ne parvint donc pas à trouver sa clientèle.

 

COMMENT INTEL A DECOUVERT LE MARCHÉ DU MICROPROCESSEUR

Intel est l’une des sociétés qui a inventé le DRAM, la mémoire vive de l’ordinateur. Pendant longtemps, ce produit fût au coeur de son activité. Pourtant, en 1978, l’arrivée des constructeurs japonais de micro-composants avaient fortement réduit les marges dans ce secteur.

Comment Intel a-t-elle donc fait pour passer du métier de la mémoire et du stockage à celui très différent des microprocesseurs. En fait, cela arriva presque presque par accident.

Intel a développé son premier microprocesseur suite à un contrat avec un fabriquant de machines à calculer japonais. A l’issue de ce contrat, les ingénieurs d’Intel parvinrent à convaincre les managers de racheter le brevet de ce processeur.

Intel n’avait pas de stratégie pour développer ce processeur. Ce dernier avait une capacité limitée comparé aux unités de traitement centrales des ordinateurs de l’époque. Mais ils permettait de développer de nouvelles applications qui étaient auparavant impossibles.

Avec l’épuisement de ses marges sur le marché du DRAM, Intel commença à basculer progressivement vers le métier du microprocesseur.

Les dirigeants continuaient pourtant tous à focaliser leur attention sur le DRAM. Mais, dans le même temps, les managers et les ingénieurs réorientaient l’allocation de ressource vers le métier du microprocesseur. Aucune étude de marché n’a été réalisée pour valider cette orientation. Une telle étude n’aurait d’ailleurs rien pu prévoir.

Avec son premier processeur, le 8088, Intel a créé une technologie de rupture. Pourtant, les ingénieurs et marketeurs n’avaient aucune certitude sur ses usages potentiels.

Puis la génération de suivante de processeur fût mise au point. Là encore, les marketeurs n’envisagèrent pas qu’ils puissent être utilisés pour produire des ordinateurs personnels. Pourtant, c’est grâce au marché du PC que les ventes de processeur Intel décollèrent.

Au moment où le processeur était mis au point, personne chez Intel n’avait d’idée de quels pouvaient être les marchés adressés ni les revenus et marges à espérer. Finalement, c’est cet état d’esprit exploratoire qui a permis ce succès du produit.

 

FAIRE DES PREVISIONS DANS LE CADRE D’UNE INNOVATION DE RUPTURE

Une mauveaise idée n’est pas nécessairement une entreprise qui échoue

Revenons sur l’exemple d’INTEL. Les idées des ingénieurs et des marketeurs au sujet des débouchés du microprocesseur s’avérèrent fausses pour la plupart. Mais Intel ne suivait pas un plan d’action marketing. Contrairement à Apple (Newton) ou HP (Kittyhawk), ses investissments limités autorisaient donc l’expérimentation et l’erreur. L’activité microprocesseur d’Intel a donc survécu à de nombreux faux départs avant de trouver son marché. Il en est de même pour Honda.

En fait, la pluparts de nouvelles industries créées dans des contextes d’innovation ont eu à abandonner leur plan initial pour pouvoir trouver leur marché. Il est donc fondamental d’engager le moins de dépense d’étude ou de marketing dans des phases d’expérimentation.

 

Les mauvaises idées ne doivent pas signifier l’échec pour un manager

Pourtant dans la plupart des sociétés, ces échecs sont imputés aux managers qui ont porté les projets. Même si l’idée est mauvaise à la base. En se montrant incapables d’entrer dans une démarche d’apprentissage, les grandes société se retrouvent incapables de retirer les enseignements d’un échec. Si les managers d’HP avait privilégié l’écoute du marché de niche que représentait les acteurs du jeu vidéo sur la planification rigoureuse et l’investissement marketing massif, la trajectoire du Kittihawk aurait été bien différente.

La planification attentive est applicable à l’innovation incrémentale car cette dernière s’adresse à des clients connus.

 

La mauvaise idée est nécessaire à l’innovation disruptive

En cas d’innovation disruptive, il faut d’abord comprendre les clients et le marché auquel on s’adresse et cela ne peut être fait qu’en expérimentant.

L’exemple de Honda montre que le succès d’une technologie provient généralement d’une découverte faite par surprise. Cette situation de découvert n’est possible qu’en observant et en écoutant ce que les clients ont à dire.

Pour qu’un échec ne signifie pas une accroc dans sa carrière, le manager devra donc sortir de son bureau et écouter ce que les clients ont à lui dire.

 

Chapitre 8. Evaluer les forces et faiblesses de votre organisation

Lorsqu’ils décident de lancer un projet innovant et disruptif, les managers partent à la recherche d’employés idéals pour le porter. Il vérifient notamment que les qualités de chaque salarié pressenti ait la capacité de contribuer aux résultats attendus. Si son profil et son métier ne correspondent pas, alors il n’est pas choisi.

Malheureusement, ces managers ne se posent pas la question de savoir si leur organisation sera en mesure de faire réussir ce projet.

Pourtant, une organisation a elle aussi un profil et un métier qui va conditionner son travail. Ce profil peut faire dérailler un projet innovant.

Les managers doivent donc également adapter l’organisation pour qu’elle soit en mesure de faire aboutir le nouveau produit.

 

ORGANISER L’INNOVATION

Trois facteurs vont déterminer ce qu’une organisation est en mesure de faire ou pas : ses ressources, ses processus et ses valeurs.

 

Ses ressources

Ce sont les facteurs les plus visibles : les salariés, les équipements, la technologie, les produits, les systèmes d’information, les marques, les relations avec les fournisseurs, etc.

Elles peuvent être utilisées facilement et transférées d’un pôle de l’entreprise à l’autre sans difficulté. Les ressources sont donc rarement le problème d’un projet innovant.

Mais des ressources placées dans des contextes ou les valeurs et les processus diffèrent pourront avoir des résultats bien différents.

Pour organiser l’innovation, il faut donc porter l’attention à ces deux critères.

 

Ses processus

Les organisations créent de la richesse lorsque les employés transforment les inputs (travail, équipement, technologie, énergie, information, etc.) en produit et service de plus grande valeur.

Le processus est le modèle dans lequel ces ressources interagissent.

Certains de ces processus sont formalisés, c’est à dire formalisés, rédigés et suivis. D’autres sont informels, ils correspondent à des habitudes de travail installées dans l’entreprise depuis longtemps. Elle correspondent à l’affirmation :

« C’est comme ça qu’on travaille ici ».

Les processus permettent d’effectuer des tâches spécifiques. L’obsession des managers pour les processus vient du fait qu’ils permettent de s’assurer qu’une tâche a bien été effectuée correctement ou non. Le non respect d’une tâche et du processus signifie pour eux que le principal levier de création de richesse dans l’entreprise est perturbé.

Ce point démontre donc que pour un manager, un projet innovant managé par l’essai-erreur est un risque pour l’organisation.

 

Ses valeurs

Le dernier facteur est celui des valeurs de l’entreprise. Les valeurs sont les critères qu’une entreprise utilise pour définir ses priorités. Par exemple :

  • Est-ce qu’une commande est suffisamment intéressante ?
  • Est-ce qu’un projet est risqué ?
  • Est-ce qu’un client est plus important qu’un autre ?
  • Est-ce qu’une idée innovante est attractive ou sans intérêt ?
  • Est-ce que les marges promises par un nouveau produit sont intéressantes ?
  • Etc.

Cette question des valeurs est particulièrement importante. C’est-elle qui explique les organigrammes par exemple. En effet, les managers seniors ont besoin de former d’autres managers pour que ces derniers puissent prendre des décisions de moindre importance. Plus une entreprise grossit, plus elle doit prendre de décision et plus il est nécessaire de diffuser les valeurs et de complexifier l’organigramme.

Associé au processus, on comprend pourquoi le middle-management se retrouve à prendre des décisions qui éliminent les projets innovants.

 

COMMENT LES PROCESSUS ET LES VALEURS PEUVENT CONTRIBUER AUX INNOVATIONS INCREMENTALES ET DISRUPTIVES

Revenons sur les chiffres du marché du disque dur présenté dans The innovator’s dilemma.

En 40 ans, il y a eu 111 innovations incrémentales et 5 innovations disruptives. A la suite de chacune des transformations technologiques incrémentales, les leaders ont pu maintenir leur position. A l’issue de chacune des cinq innovations disruptives, les nouveaux entrants dominaient le marché.

Le modèle RVP (ressource/valeur/processus) proposé par Clayton Christensen permet d’expliquer pourquoi les entreprises établies penchent naturellement vers l’innovation incrémentale et ignorent l’innovation disruptive.

  • L’intérêt d’une innovation incrémentale peut être évalué grâce à une étude de marché. En fonction des résultats de l’étude les managers prendront la décision de développer ou non cette innovation. Ces deux tâches sont identifiables dans le cadre d’un processus. Elles peuvent être formalisées.
  • L’innovation incrémentale permet aussi d’augmenter les capacités de ses produits, leurs prix et donc les marges. Là aussi, les valeurs permettront au manager de prendre une décision.

 

RESSOURCES / VALEURS / PROCESSUS DANS LE CAS D’UNE TECHNOLOGIE DISRUPTIVE

Une startup trop dépendante de ses ressources

Au démarrage d’une start-up, les réalisations sont essentiellement portées par les ressources de l’entreprise.

Mais au fur et à mesure de sa croissance, les processus et les valeurs de l’entreprise finissent par être établis. L’entreprise s’appuiera alors de moins en moins sur ses seules ressources et de plus en plus sur des valeurs et des processus définis.

Ce passage est important car c’est lui qui permettra à l’entreprise d’augmenter ses ventes en volumes et ses revenus. En rationalisant ses efforts, la startup peut passer d’un situation de nouvel entrant à une situation de leader.

Voici par exemple ce qui arriva à Avid Technology au début des années 90. Cette startup lança un logiciel d’édition vidéo qui permettait d’accélérer sensiblement le temps de montage. Ce produit rencontra alors un succès immédiat.

Très vite, les ventes augmentèrent mais l’entreprise ne disposait pas d’une gestion de stock efficace pour faire face aux commandes.

De plus, le logiciel connût de nombreux bugs sans que l’entreprise n’arrive à les régler. Elle ne parvint donc pas à contruire les processus qui lui auraient permis d’affronter ses problèmes de qualité et de stock. L’entreprise ne pût jamais dépasser le stade où la valeur est produite grâce aux efforts fournis par ses ressources. En moins de trois ans, des concurrents prirent sa place de leader alors qu’Avid avait pourtant crée ce marché.

 

Un cabinet de conseil qui ne s’appuie que sur ses valeur et ses processus

McKinsey et les autres cabinets de Conseils sont des exemples de sociétés qui s’appuient exclusivement sur les valeurs et et les processus. Elles recrutent chaque année des centaines de personnes issues des meilleurs MBA. Puis elles les forment à leurs méthodes et les envoient mener des projets chez les clients. Pourtant, ces sociétés ont peu changé depuis un siècle.

Elles se sont très peu diversifiées. Elles ont échoué à se positionner sur les marchés pourtant voisins du service informatique. Aujourd’hui leur marché est marginal en comparaison de celui de ces grands acteurs du service. Leur conservatisme extrême appuyé par des processus efficaces et des valeurs rigides ne leur a pas permis de bénéficier d’une innovation que des ressources internes auraient pu proposer.

 

La difficulté à équilibrer son RVP (Ressource / Valeur / Produit)

La réussite d’un nouvel entrant est généralement présentée comme étant la réussite d’un produit auprès d’un segment client. Mais cette présentation est partielle.

Un nouvel entrant réussit aussi parce ses fondateurs sont parvenus à établir quelles devaient être les priorités de l’organisation. Ces fondateurs parviennent ainsi à mettre en place un système de résolution de problème qui permettent aux managers de prendre des décisions.

C’est ainsi que le système de valeur de l’entreprise se consolide.

Progressivement, les managers finissent par se convaincre que ce système de valeur est la seule façon possible de travailler dans leur entreprise. Les processus et les valeurs sont alors regroupées sous le mot culture d’entreprise.

Pour les managers, l’enjeu devient alors de faire accepter cette culture d’entreprise aux employés. La culture d’entreprise est un outil puissant pour faire avancer collectivement les employés d’une startup vers la réussite.

Une culture d’entreprise est donc l’aboutissement d’un parcours où la construction de la richesse est basée sur les individus, puis sur les processus et enfin sur les valeurs.

Toutefois, la culture d’entreprise précise aussi ce que l’organisation ne doit pas faire. Elle devient ainsi une énorme faiblesse au moment d’affronter le changement.

Digital Equipment Corporation (DEC) avait-elle les moyens de réussir dans ordinateurs personnels ?

DEC était une des marques de référence dans la fabrication des premiers PC. L’entreprise était déjà leader dans la production de micro-ordinateurs. Ses compétence technologiques étaient reconnues et sa marque aussi. Enfin, l’entreprise disposait d’une très bonne trésorerie.

Pourtant DEC n’est pas parvenue à évoluer vers le marché du PC. L’entreprise avait bâti un RVP efficace dans le marché de du micro-ordinateur. Elle assemblait par exemple ses composants en mode batch et pouvait rapidement produire et livrer des commandes importantes. De ce fait, elle adaptait sa production à la demande et limitait considérablement ses coûts. Chaque mise au point de nouveaux modèles prenait entre 6 et 12 mois.

Ses clients étaient essentiellement des entreprises. Tout cela lui garantissait des marges d’à peu près 50%.

Dans les années 80, les premiers modèles de PC firent leur apparition sur le marché. DEC évalua l’opportunité de développer ces nouveaux produits. Mais le système de priorisation de l’entreprise (valeurs) réduisait systématiquement la priorité attribuée au projet de mise au point du PC.

Chaque tentative était avortée par un système RVP (Ressources / valeur / Produit) entièrement construit pour produire des micro-ordinateurs générant une marge unitaire de 50%. DEC déclina peu de temps après et disparût à la fin des années 90.

 

QUELLES CAPACITÉS POUR FAIRE FACE A L’INNOVATION DISRUPTIVE

Les ressources humaines s’adaptent, pas les processus et les valeurs

Contrairement à l’idée répandue, les ressources sont celles qui s’adaptent le plus facilement en cas de changement. Si un employé ne parvient pas à effectuer une nouvelle tâche, il suffira de le former ou de l’affecter à une tâche avec laquelle il sera plus à l’aise. Enfin, les employés peuvent être experts dans plusieurs domaines et faire preuve de polyvalence.

Les processus n’ont pas la faculté d’adaptation des ressources humaines. En cas de changement, leur adaptation est plus lourde. Si une entreprise ne dispose pas des compétences requises, il est fréquent qu’elle fasse appel à un partenaire ou à un fournisseur spécialisés. Elle renonce ainsi à se doter d’une capacité.

Les valeurs sont les plus complexes à faire changer. Comme le montre l’exemple de DEC, une société habituée à des marges élevées ne parviendra pas établir un système de priorités pour développer des produits à marge plus basse.

C’est pour cette raison qu’il est souhaitable dans ces cas d’acquérir une autre société ou de créer une filiale. Celle-ci aura la possibilité de s’appuyer sur ses propres ressources pour construire progressivement ses processus, son système de valeurs et sa culture d’entreprise.

Dans ces cas là, la société mère devra laisser sa filiale se développer. En cas d’absorption trop rapide, la culture d’entreprise et le système de valeur de la petite société s’évaporeront aussitôt. Or ce sont eux qui permettent à une innovation d’aboutir et de créer une croissance durable.

 

L’acquisition d’une startup

En 1984, IBM fît l’acquisition de ROLM, une société leader dans la fabrication de systèmes PBX (autocommutateur téléphonique privé).

La société acquise étaient très performante et son métier promettait pour l’avenir. Mais IBM décida de fusionner les équipes des deux sociétés. Le chiffre d’affaire des activités de Rolm s’effondra. En effet, les commerciaux d’IBM étaient habitués à des marges de 18% alors que celles des autocommutateurs de Rolm étaient de moins de 10%. Ces derniers ne réalisèrent aucun effort pour mettre en avant ces produits.

Des sociétés comme Johnson & Johnson se sont habitués à développer leurs innovations à l’extérieur de leur entreprise. Johnson & Johnson a créé des activités dans de nombreux domaines à partir d’acquisitions externes : lentilles de contact, chirurgie endoscopique, traitement du diabète, etc. De même pour Cisco, Lucent Technologies et Nortel dans le domaine des routeurs.

Toutefois, dans ces cas là, la fenêtre d’ouverture pour procéder à une acquisition est limitée. Par exemple, Lucent a payé extrêmement cher pour le rachat d’Ascend Communications. De même pour Nortel avec Bay Networks. Les startups acquises avaient déjà consolidé leur base client et leur marché. Elles étaient bénéficiaires et s’apprêtaient à s’attaquer au marché de la voix. En fait, Lucent et Nortel avaient tenté de développer les produits en question en interne. Mais elle n’y étaient pas parvenues.

 

Créer de nouvelles capacités au sein de l’entreprise

Acquérir de nouvelles capacités n’est pas complexe en soi. Il suffit de recruter, d’investir dans des machines outil, créer une marques, etc. Mais si elle sont insérées dans un système de valeur et des processus qui ne changeront pas, ces ressources produiront peu de résultat.

Au début des années 90, General Motors créa une nouvelle marque, Saturn. Elle s’adressait au segment de clientèle des berlines de ville. Les constructeurs américains avaient ignoré ce marché jusque là et les constructeurs japonais avaient occupé ce segment. La voiture devait-être plus économique, moins chère et plus pratique et adaptée aux petits déplacements.

Saturn n’était pas juste une marque. Elle avait ses propres salariés et son usine dans le Tenessee. Elle disposait également d’un réseau de concessionnaire propre. Le lancement fût réussi mais les ventes de Saturn pénalisaient essentiellement celles des autres marques du groupe. Au début des années 2000, GM décida de rationaliser ses moyens de production et la production des voitures Saturn regroupée avec celle des autres marques.

La culture d’entreprises de General Motors étaient adaptées à la fabrication de grosses berlines américaines, pas celle de Saturn. En peu de temps, la spécificité de la marque se dilua, les ventes s’effondrèrent. Finalement, GM annonça la disparition de Saturn en 2012.

Une société ne peut mener à bien une innovation de rupture si elle ignore la réalité de ses processus et de ses valeurs. Les dirigeant doivent donc s’assurer qu’un innovation est portée par des ressources, des processus et des valeurs appropriées.

Clayton Christensen propose le modèle suivant pour savoir si l’innovation peut-être portée en interne ou si elle doit être externalisée.

Le dilemme de l'innovateur

Schéma 8.1 – Adapter les besoins d’innovation aux capacités de l’organisation – Le dilemme de l’innovateur – Clayton Christensen

Comment lire le schéma

Les axes de gauche et du bas représentent les questions que doit se poser le manager au sujet d’une situation existante.

Les notes sur l’axe de droite représentent la réponse appropriée aux situations de l’axe de gauche.

Les notes sur l’axe du haut correspondent la réponse appropriée aux questions de l’axe du bas.

  • Région A du schéma 8.1 : Elle décrit une situation dans laquelle le manager est confronté à une innovation technique importante mais dont la logique reste incrémentale.
    Le manager aura certes besoin d’une grosse équipe de développement mais le projet peut-être mené au sein de l’entreprise. Clayton Christensen donne l’exemple du développement d’Internet Explorer par Microsoft. On peut aussi penser à l’adoption de la 4G ou de la fibre pour les opérateurs Télécoms.
    Ces projets d’innovation incrémentale sont extrêmement difficiles à mener. Ils visent à renforcer le business modèle existant de la société.
  • Région B : Il s’agit des projets d’innovation incrémentale simple. L’ajout d’une fonctionnalité ou l’augmentation des capacités d’un produit en font partie.
  • Région C : Les dirigeants sont confrontés à une technologie disruptive et l’organisation et les valeurs d’entreprise ne leur permettent pas de se l’approprier.
    Ils devront donc créer une organisation pour relever le défi. Pour Clayton Christensen, lorsqu’un réseau de distribution physique souhaite se diversifier sur internet, il se retrouve dans ce cas de figure.
  • Région D : Les projets disruptifs reposent sur la même technologie que le métier historique de l’entreprise. Mais il nécessitent des coûts et des investissements bien plus bas. Une équipe fonctionnelle légère sera chargée du développement commercial du produit tout en s’appuyant sur les capacités de production de l’activité principale.
    L’autonomie fonctionnelle de cette équipe sera ici fondamentale.

Ce modèle doit bien entendu être relativisé. Prenons l’exemple de DELL. Cette entreprise vendait des ordinateurs par téléphone. Lorsqu’elle décida de créer un nouveau magasin en ligne, il s’agissait bien d’une innovation incrémentale. Elle ouvrait un nouveau canal sans remettre en cause sa technologie et ses marges. Le projet a donc été géré en interne.

Pour Compaq, HP et IBM, cette stratégie aurait été au contraire disruptive. Par conséquent, il aurait été nécessaire de passer par un partenariat, un acquisition ou de créer une filiale autonome.

Chapitre 9. Performance, demande du marché et cycle de vie produit

Dans la première partie du livre, nous avons vu que les capacités technologiques d’un produit finissait toujours par dépasser ce que le marché attendait.

Nous avons également vu que ce moment là était un déclencheur. Il créait une opportunité d’innovation. Des nouveaux entrants pouvaient dès lors proposer des produits aux capacités plus faibles et adressant des segments de clientèle ignorés.

 

COMMENT LES PERFORMANCE EXCÉDENTAIRES CHANGENT LES RÈGLES DE LA COMPENSATION

 

Le dilemme de l'innovateur

Intersection des trajectoires entre les capacités fournies et les capacités demandées – Le dilemme de l’innovateur – Clayton Christensen

Le schéma 1.7, déjà présenté dans la première partie du livre montre qu’en 1988, les disques durs de 3,5 pouces et de 5,25 pouces fournissaient des capacités plus qu’adéquates. Pourtant, les fabricants de disque ont continué à les améliorer, et le disque dur de 3,5 pouces a fini par supplanter celui de 5,25 pouces sur le marché du PC.

A capacité égale, ce disque coûtait pourtant près de 20% plus cher que celui de 5,25 pouces. Pourquoi les fabricants de PC ont ils préférés utiliser une technologie plus chère alors que celle qu’ils utilisaient jusqu’alors était satisfaisante et coûtait moins cher.

En fait, en 1988, la petite taille des disque prit plus d’importance que ses autres caractéristiques. Ils permettaient aux fabricants d’ordinateurs de réduire la taille du matériel.

Voici donc l’allure que prend l’évolution d’une compétition technologique entre concurrents. Dans un premier temps, l’innovation va chercher à augmenter les capacités. Puis dans un second temps, elle cherche à réduire la taille. Dans un troisième temps, c’est la fiabilité. Ce n’est que dans le dernier stade que l’effort porte sur les prix, quand le produit a atteint sa limite physique et que l’innovation décline.

 

A QUEL MOMENT UN PRODUIT DEVIENT UNE MARCHANDISE ?

Schéma 9.3 – Modèle de l’offre de performance excédentaire appliqué à l’industrie du disque dur- Le dilemme de l’innovateur – Clayton Christensen

Schéma 9.3 – Modèle de l’offre de performance excédentaire appliqué à l’industrie du disque dur- Le dilemme de l’innovateur – Clayton Christensen

« Ils traitent notre produit comme une vulgaire marchandise ».

Voici ce que disent généralement des commerciaux déçus qui ne parviennent plus à faire valoir les qualités techniques de leur produit. Clayton Christensen parle de transformation du produit en marchandise. Le produit devient une marchandise lorsque ce dernier n’a plus d’autre qualité à faire valoir que son prix.

C’est exactement ce qui est arrivé au disque dur de 5,5 pouces en 1988. Et c’est aussi ce qui arrive aujourd’hui (en 2018) aux disques dur de 3,5 pouces.

Quand une compétition (concurrence) se déroule sans contrainte (monopoles, règlementation), le potentiel d’optimisation du produit s’épuise du fait de la mise à disposition d’une successions d’améliorations sur le marché.

Clayton Christensen en déduit un modèle de l’offre de performance excédentaire (Perfomance oversupply framework).

 

LE MODELE DE L’OFFRE DE PERFORMANCE EXCEDENTAIRE ET L’EVOLUTION DE LA CONCURRENCE SUR UN PRODUIT

Phase 1 : Lorsqu’aucun produit ne satisfait la demande du marché, les fabricants les font évoluer en augmentant les performances et en ajoutant des fonctionnalités.

Phase 2 : Lorsque 1 à 2 produits arrivent à satisfaire la demande du marché, la fiabilité qui devient déterminant.

Phase 3 : Puis les performance des produits finissent par répondre à la demande de fiabilité marché de façon crédible. Les clients tendent alors à demander des produits à plus forte praticité : taille, encombrement, gain de temps.

Phase 4 : Enfin, les produits proposés sur le marché cessent d’évoluer. Ils deviennent finalement des marchandises. Tous les produits répondent aux besoins minimaux de performance / fiabilité / praticité du marché. Le seul critère différenciant sera le prix.

Clayton Christensen salue ici la contribution de Geoffrey Moore et de son livre, Crossing the Chasm. Ce dernier fait reposer les phases décisives de l’innovation sur les usagers et les clients et non pas sur le produit.

En effet, Geoffrey Moore souligne le rôle déterminant des early adopters. Ces derniers vont choisir un produit sur la base de ses seuls fonctionnalités. Ce sont donc ces usagers innovateurs qui vont permettre à une technologie de s’installer en l’aidant à passer les phases 1 (performance), 2 (fiabilité) et 3 (praticité). La dernière phase tendrait ici à correspondre à l’adoption du produit par le grand public.

Ce modèle de l’offre de performance excédentaire décrit très bien l’évolution incrémentale d’une technologie. Mais est-il applicable tel quel à l’innovation disruptive?

 

CYCLE DE VIE DU PRODUIT ET INNOVATION DISRUPTIVE

Le modèle de l’offre de performance excédentaire est en réalité perturbé par l’apparition d’une technologie de rupture. Cela est dû à deux caractéristiques de l’innovation disruptive.

 

Le critère déclencheur l’innovation disruptive est la satisfaction d’un besoin négligé, pas la recherche de performance

En cas d’inovation disruptive, le modèle de l’offre excédentaire ne s’applique plus. Nous avons vu avec tous les exemples plus haut (IBM, industrie sidérurgique, excavation) que le premier critère est la satisfaction d’un marché ignoré et marginal.

En créant un structure commerciale qui adresse ces besoins, l’entreprise créé un produit qui par la suite pourra augmenter ses performances. Les managers qui souhaitent introtuire un produit disruptif ne doivent donc pas partir à la recherche des performances avant d’avoir établi leur clientèle.

 

Les technologies disruptives sont intrinsèquement plus simples, moins chères et plus fiables que les technologies établies

Même si le prix d’une technologie disruptive peut paraître plus élevé au départ, le rapport performance / praticité / fiabilité / prix joue toujours en faveur de la technologie disruptive.

Celle-ci, en achevant son cycle d’innovation incrémentale aura toujours un prix plus bas que la technologie établie qui finira par être supplantée.

 

LES PERFORMANCES EXCEDENTAIRES DANS LE MARCHÉ DES LOGICIELS DE COMPTABILITÉ

Intuit est le leader des logiciels financiers dédiés aux PME aux USA. La société détient 70% des parts de marché. Pourtant, la société était à la base spécialisés dans les logisiels financiers grands publics. Elle est entrée tardivement sur ce marché des PMA. La société avait identifié les trois points suivants pour développer son produit :

  • Premièrement, l’entreprise n’avait pas la compétence requise pour s’adresser à des clients experts (auditeurs, contrôleurs financiers). Elles pouvait par contre s’appuyer
  • Deuxièmement, les fonctionnalités les plus commodes de ce type de solution étaient le reporting. Pourtant elles étaient négligées par les offres du marché.
  • Troisièmement, dans les PME ciblées, il n’y avait généralement pas de personnes travaillant en tant que comptable. Cette tâche était accomplie par le dirigeant d’entreprise ou un membre de sa famille.

Alors que les acteurs du marché tendaient à ajouter des fonctionnalités et complexifiaient leur produit pour des publics experts, Scott Cook a donné la priorité à un besoin négligé : la simplicité.

Quickbook, le produit d’Intuit changea donc les bases de la compétition. Celui-ci était plus simple à utiliser et répondait à l’essentiel des demandes des publics les moins experts. L’outil devint ainsi le standard du marché que de nouveaux compétiteurs cherchaient maintenant à copier.

 

CONTRÔLER L’INNOVATION DANS UN CONTEXTE CONCURRENTIEL

 

Le dilemme de l'innovateur

Schéma 9.4 – Changement dans les bases de la compétition – Le dilemme de l’innovateur – Clayton Christensen

Clayton Christensen propose ce schéma pour tenter de comprendre les trois stratégies qui s’offrent à un manager pour créer un marché pour son produit de rupture.

  • Stratégie 1 : Développer les fonctionnalités d’un produit en privilégiant la performance et la fiabilité. C’est la stratégie qu a choisi HP avec les imprimantes jet d’encre par exemple. Le but de l’entreprise est d’acquérir des clients haut de gamme, là où les marges sont plus élevées.
  • Stratégie 2 : Apporter du confort et des prix bas. Ce sont les stratégies des entrants les plus tardifs sur en marché disruptif. Ces entreprises tenteront d’absorber une part du marché en offrant du confort aux clients (DELL) ou en proposant des prix bas (RYANAIR, EASYJET).
  • Stratégie 3 : Tenter d’influencer l’évolution de la demande vers plus de performance ou de fiabilité via des actions de marketing (APPLE).

Il n’y a pas véritablement de mauvais stratégie selon Clayton Christensen. Pour chacune de ces stratégies, on constate beaucoup d’échecs et de belles réussites.

 

Chapitre 10. Un cas d’étude : la voiture électrique

 

Le livre se finit sur un chapitre qui imagine comment la voiture électrique pourrait finir par s’imposer en tant que technologie de rupture.

Quelques dates d’abord :

  • 1900 : la voiture électrique est supplantée par la voiture à essence comme véhicule individuel motorisé ;
  • Années 1970 : les fabricants lancent les premières recherche de motorisation électrique dans un contexte de hausse du prix du pétrole
  • 1998 : La Californie vote une loi qui oblige les fabricants à vendre au moins 2% de voitures électriques dans l’état.

La question que pose Clayton Christensen dans The innovator’s dilemma est la suivante : La voiture électrique constitue-t’elle un opportunité de croissance durable pour les fabricants d’automobiles ?

Pour cela, deux conditions sont nécessaires :

  • La performance offerte par les technologies existantes doit dépasser la demande longtemps
  • La voiture électrique doit répondre au besoin d’un segment de clientèle ignoré par l’industrie actuelle

 

LA VOITURE ELECTRIQUE EST-ELLE UNE TECHNOLOGIE POTENTIELLEMENT DISRUPTIVE?

La première condition est atteinte depuis longtemps. Personne ne roule aux vitesses maximales offertes par les véhicules, la plupart des options du véhicule ne sont jamais utilisées et l’autonomie de la plupart des véhicules est très confortable. La voiture électrique, elle, n’offre pas toutes ces qualités. L’autonomie notamment ne permet pas de répondre aux besoins de la plupart des usagers. A noter également qu’à l’époque où The innovator’s dilemma a été écrit (1998), l’autonomie de ces voitures était extrêmement faibles.

Mais ce n’est pas suffisant pour déterminer si une technologie est disruptive. Pour cela il faut que la trajectoire d’amélioration de la technologie rejoigne progressivement la demande moyenne du marché.

Le dilemme de l'innovateur

La voiture électrique et les performances attendues du marché

C’est ce que nous voyons dans ce schéma. Sur l’ensemble des critères ci-dessus, nous voyons que la trajectoire d’amélioration de l’électrique est réelle. Cette technologie n’atteindra peut-etre pas les performances de la voiture à carburant avant longtemps. Mais dans un schéma de disruption, c’est la demande du marché qui sert de référence et non la performance offert par les produits existants.

Le véhicule représente donc bien un rupture potentielle sur le marché de l’automobile. Reste à savoir si des segments de clientèle peuvent trouver un intérêt à utiliser un nouveau segment de clientèle.

 

Y-A-T’IL UN MARCHÉ POUR LES VÉHICULES ÉLECTRIQUES

Dans le cas de l’excavation hydraulique, la faible contenance des seaux signifiait une faible capacité d’extraction. Pourtant cette limite avait fini par devenir un avantage. La plupart des petits chantiers n’avaient pas besoins de grosses capacités d’excavation.

Dans le cas de la voiture électrique, est-ce qu’il existe un public qui serait génés par la faible vitesse et le manque d’autonomie. Ces derniers valoriseraient par contre le faible coût de l’approvisionnement en comparaison à l’essence.

Clayton Christensen identifie deux cibles :

  • Les parents souhaitant offrir un véhicule à leur enfant. Ces derniers préfèreraient offrir un véhicule moins performant et donc moins dangereux.
  • Les conducteurs de centres urbains congestionnés.

 

QUEL SERAIT LE PRODUIT, SA TECHNOLOGIE ET SA STRATÉGIE DE DISTRIBUTION ?

Développer un produit dans un contexte disruptif

En suivant ce schéma, le développement voiture électrique devra suivre ce schéma :

  • Premièrement : l’objectif devra-être de produire une voiture simple, fiable et confortable. Les batteries devront par exemple être rechargeables rapidement et un peu partout.
  • Deuxièmement : Dans la mesure où personne ne connaît les clients de la voiture électrique, elle devra être construite en mode essai-erreur. C’est à dire que les premiers modèles devront pouvoir être réajustés en permance jusqu’à satisfaction des besoins d’un premier segment client. C’est à ce moment là que la production en série pourra être envisagée.
  • Troisièmement : la voiture devra être vendue à prix bas. Ce point est une condition du succès de l’usage de la voiture électrique. Cela même si le coût à l’usage s’avère plus élevé.

 

Stratégie technologique pour une innovation disruptive

Historiquement, une innovation disruptive ne coïncide pas avec une innovation technologique. Dans le cas de la voiture électrique, cela pose un problème. La technologie des batteries ne permet pas à l’heure actuelle d’envisager de développer une automobile ayant plus de 100km d’autonomie (nous sommes en 1998).

Pour les clients des constructeurs automobiles actuels, cette limite est trop importante. C’est pour cela qu’une telle innovation ne viendra probablement pas d’un constructeur automobile établi. Le nouvel entrant identifiera un segment de marché pour lequel les limites actuelles de la voiture électrique ne posent pas d’inconvénient.

 

Stratégie de distribution dans un contexte disruptif

Comme pour Honda dans la moto, la voiture électrique devra trouver un réseau de distribution propre. Les réseaux de distribution actuels s’appuient sur un modèle économique et des marges qui ne seront pas nécessairement ceux de la voiture électrique.

 

QUELLE ORGANISATION ?

L’organisation devra se satisfaire de faibles commandes et des marges limitées dans les premiers temps. C’est pour cela qu’il devra s’agir idéalement d’une entreprise distincte, qu’elle soit la filiale d’un groupe existant ou une entreprise entièrement indépendante.

Vu le gap technique et d’usage, la société devra tenir un long moment avant d’engranger du succès. Elle nécessitera donc un nombre d’essai extrêmement élevés avant de réussir.

Livre :

Liens complémentaires :

The innovator’s dilemma – Première partie

By Lotfi BENYELLES

The Innovator’s dilemma (Le dilemme de l’innovateur – 1997 – non traduit) est le premier livre de Clayton Christensen.

Le livre analyse les raisons qui amènent les entreprises leaders à perdre progressivement leur position sur un marché. Il s’agit généralement d’entreprises bien managées. Leurs marges sont élevées et en général, les investisseurs se ruent sur leurs actions. Les clients aussi manifestent leur confiance en renouvelant leurs commandes.

Pourtant, pendant ce temps, un compétiteur marginal intègre le marché. Contrairement à l’entreprise leader, il arrive avec un proposition de produit plus simple. Celle-ci est destinée à un segment de clientèle délaissé. Généralement, son offre est plus coûteuse à produire et ses marges sont donc plus basses. Finalement, son offre s’impose et entraîne un changement dans la configuration du marché.

The Innovator’s dilemma est un livre particulièrement bien écrit et agréable à lire. Aucun autre livre ne détaille aussi bien les mécanismes d’une innovation disruptive. Il donne ainsi des clés de lectures indispensables pour la compréhension de l’innovation et du cadre général dans lequel les startup interviennent.

 

Introduction

Au début des années 50, Sears est devenu leader de la grande distribution aux Etats-Unis. L’entreprise apportait un lot d’innovations dans le secteur qui sont aujourd’hui des fondamentaux du métier.

 

L’âge d’or de Sears et du mainframe

Elle rationalisa d’abord sa chaîne d’approvisionnement. Puis elle créa un catalogue annuel gratuit qui permettait au client de faire ses choix avant de se déplacer en magasin. Ensuite, elle inventa le concept de marque distributeur. Enfin, elle autorisa l’achat à crédit, ce qui augmenta significativement son volume de chiffre d’affaire.

Ainsi, à la fin des années 60, l’image de Sears était communément associée à la nouveauté et au dynamisme.

Pourtant, de nos jours en Amérique du nord, plus personne ne présente Sears comme une entreprise innovante. Au contraire, l’entreprise a raté l’ensemble des grandes évolutions du secteur depuis les années 70.

 

Les grandes surfaces innovent dans les années 70

D’abord, elle comprit trop tard l’intérêt des grandes surfaces dans les années 70. De même, elle passa complètement à côté de la distribution par internet dans les années 2000. Alors qu’elle était dominante en Amérique du nord et en Amérique latine, elle est aujourd’hui confinée aux Etats-Unis.

Mais le plus troublant est que le marché de Sears a changé au moment même où son histoire devenait une success story, vers 1965. Au moment où les premiers hypermarchés et le hard discount sont apparus.

The innovator's dilemma

Cataloque Sears – Page jouets

Les acteurs du mainframe ratent l’émergence du PC

De même, la branche d’IBM qui dominait le marché du mainframe est passée à côté du marché du PC. D’ailleurs, aucun des concurrents d’IBM dans le mainframe n’a réussi ce passage vers le monde du PC. Ce raté a ouvert la brèche pour de plus petits acteurs tel Commodore, Apple ou Tandy.

En fait, la maison mère d’IBM n’a pas réellement raté ce passage. D’abord, elle constata l’incapacité de ses équipes à proposer des ordinateurs légers. Elle autorisa en conséquence la création en son sein d’une petite startup, IBM PC. Celle-ci eut l’autorisation d’entrer en concurrence avec les activités de sa maison mère.

 

Les clients et les investisseurs freinent l’innovation disruptive

Des investisseurs que l’on cherche à satisfaire à court terme

En 1986, le DG de DEC annonçait fièrement à ses investisseurs que son entreprise était leader d’un marché rentable à la croissance vertigineuse.

Pourtant quelques années plus tard dans la presse, le nom de DEC était généralement associé aux mots restructuration, plan de relance, échec, faibles marges et promesses non concrétisées.

Les exemples d’échec d’entreprises leaders et innovantes en leur temps sont nombreux : Xerox, Digital, HP, etc. Certaines ont connu l’échec avant de se reprendre comme Apple.

 

Des managers qui ont trop écouté leurs clients

En fait, ces entreprises étaient parfaitement bien managées. Elles écoutaient leur client, investissaient massivement, disposaient de personnel compétent. C’est justement ce qui les a mené à la perte de leur leadership.

Face à une innovation disruptive il convient justement de ne plus écouter ses clients, d’investir dans des produits à faible performance, fournissant des marges plus basses et ciblant des petits marchés plutôt que des gros.

Pour en faire la démonstration, Clayton Christensen commence par poser plusieurs idées qui nous éclairent se le dilemme de l’innovateur.

 

Le rôle de la technologie

La technologie est ce qui permet de transformer le travail, les organisations et l’information en services à grande valeur ajoutée. Sears employait par exemple une technologie particulière pour acheter, présenter et vendre ses produits.

Ses concurrents comme Costco employaient une technologie différente. Cette technologie implique des manières de faire propres à l’entreprise : c’est à dire manière bien précise de faire de l’ingénierie, du marketing ou de s’organiser. L’innovation de rupture ou disruptive va consister à remettre en cause une des ces trois manières de faire.

 

Le dilemme de l’innovateur

Par conséquent, Clayton Christensen va chercher à détailler les mécanismes de l’innovation de rupture à l’origine du dilemme de l’innovateur. En effet, dans une entreprise, le manager doit simultanément :

    • Continuer à développer à court terme le business établi d’où provient la rentabilité ;
    • Mettre à disposition les ressources adéquates au développement une technologie nouvelle. Celle-ci vise à terme à remplacer le business actuel dont l’entreprise tire pourtant toute sa rentabilité.

Le modèle de l’échec

Or, en règle générale, le manager privilégie toujours la première orientation. C’est à dire la rentabilité à court terme.

Voici comment l’industrie du disque dur illustre ce tropisme. En effet, celle-ci a connu six innovations de rupture dans le trente dernières années. Pourtant, ce n’est qu’à deux reprises seulement que le leader du marché n’a pu maintenir sa position avec la généralisation de produit suivante.

Par conséquent, Clayton Christensen souligne qu’il y a bien un modèle de l’échec (failure framework). Il identifie trois raisons qui mènent le management classique à échouer en cas d’innovation disruptive.

 

Raison 1 : L’absence de distinction entre innovation disruptive et innovation incrémentale

La plupart des innovations sont en réalité des améliorations incrémentales des performances d’une technologie existante.

Ce sont les innovations incrémentales. Ces dernières permettent d’améliorer les produits existants. Le fabricant cherche ainsi à augmenter la valeur perçue du produit par les clients traditionnels.

 

Une technologie disruptive apparaît plus rarement.

Elle correspond à un changement dans la proposition de valeur qui fait référence sur le marché.

Généralement, le nouveau produit est moins performant. Mais il propose des fonctions auquel un public nouveau (ou écarté) accorde de la valeur.

En résumé, les produits basés sur une innovation de rupture sont moins chers, plus simples et souvent plus pratiques à utiliser.

 

Certaines innovations peuvent-être incrémentales dans certains secteurs et disruptives dans d’autres

Par exemple, la généralisation de la fibre est une innovation incrémentale pour les opérateurs téléphoniques. Par contre, elle est disruptive pour les industriels de la télévision.

En effet, elle remet en cause leur stratégie de distribution de contenus en ouvrant un nouveau canal de distribution et en changeant les règles de tarification du secteur.

 

Raison 2. Le progrès technique fait oublier quels sont les besoins clients

Dans leur effort habituel pour multiplier les innovations incrémentales, les entreprises finissent par proposer des produits qui dépassent les attentes.

The innovator's dilemma

Source : The innovator’s dilemma

C’est ce que nous voyons dans le schéma I.1. Dans cette course à l’innovation incrémentale, les produits proposés peuvent ainsi devenir également plus chers que ce que le client peut payer.

C’est cette situation qui permet à une innovation disruptive d’être lancée en proposant des produits aux performances en deçà de ceux de la génération précédente.

 

Raison 3. Les entreprises privilégient les investissements dans des marchés générant de fortes marges

Cette orientation est liée aux trois caractéristiques fondamentales d’une innovation disruptive :

  1. Des produits plus simples, moins chers et génèrent moins de marge ;
  2. Les technologies commercialisées d’abord dans les marchés émergents et aux volumes insignifiants ;
  3. Les principaux clients des firmes établies ne veulent généralement pas des produits de l’innovation disruptive. Ils ne peuvent pas les utiliser car ils ne présentent pas encore les niveaux de performance attendus.

 

Les principes / croyance du management classique qui entravent l’innovation disruptive dans l’entreprise

Pour aller au bout de sa démonstration, The innovator’s dilemma liste les cinq principes qui aujourd’hui limitent l’innovation disruptive en entreprise.

 

Principe 1 : Les entreprises dépendent de leurs clients et de leurs investisseurs pour développer leurs ventes et leur rentabilité

Selon ce principe, seul les produits offrant le plus de capacité peuvent satisfaire les clients. De même, seuls ceux générant le plus de marge peuvent satisfaire les investisseurs. L’analyse menée par Clayton Christensen démontre qu’une fois que l’on est engagés dans des marchés à forte marge, il est difficile de justifier des investissements dans des segments à plus faible rentabilité.

Pourtant, la question de l’investissement dans ces technologies finit toujours par se reposer à ces investisseurs et à ces manager. A ce moment là il est généralement trop tard. Les clients ont commencé à migrer vers l’innovation disruptive chez le concurrent et la rentabilité offerte aux entrants tardifs du nouveau marché est bien plus faible.

A l’inverse, des manager qui passent outre ces critères et n’hésitent pas à attaquer les segments à plus faible marge. Ce sont eux qui créent les conditions d’une croissance durable grâce à l’innovation disruptive. Nous verrons dans la deuxième partie que ces manager là tendent à créer des structures chargées de développer une innovation. Celle-ci le fera à l’abri des contraintes de rentabilité.

 

Principe 2 : Les petits marchés ne permettent pas aux grandes entreprises de croître

Les technologies disruptives permettent justement à de nouveaux acteurs du marché d’émerger. Et il est démontré plus tard dans l’étude que les premiers entrants sont ceux qui bénéficient de la plus grosse partie des marges dégagées par le nouveau marché.

La plupart des grandes entreprises adoptent la stratégie du wait and see.

Elles attendent que le nouveau marché soit établi pour monter dans le wagon. Cette stratégie est généralement coûteuse et n’apporte pas les bénéfices qui permettent de maintenir une situation de leader sur son marché. Nous l’avons vu avec Sears.

 

Principe 3 : Un marché qui n’existe pas ne peut pas être analysé correctement

Les principes d’analyse et de prévision d’une innovation disruptive ne peuvent pas s’appuyer sur des données de marché. Des chiffres pour ce type d’innovation peuvent être obtenus, mais ils supposent une démarche expérimentale basée sur des tests et des retours clients.

Mais les manager et les investisseurs rechignent à s’exposer et demandent des chiffres plus généraux avant de lancer ce type d’expérimentation. C’est le serpent qui se mord la queue. L’absence de chiffre et de prévisibilité tétanise les manager et les investisseurs. Il ne peut pas y avoir de prévision de vente, de taille de marché estimée, de chiffre d’affaire prévisionnel. Il ne peut donc pas y avoir d’innovation.

Principe 4 : Les capacités d’une organisation sont aussi ses faiblesses

Pour fonctionner, l’entreprise s’appuie sur deux piliers :

    • Ses processus. Ce sont les méthodes apprises et utilisées par les employés. Elles leurs permettent de transformer le travail, l’énergie, les matières premières, l’information et l’argent en produit à valeur ajoutée.
    • Ses valeurs. Ce sont les critères de priorisation dans la prise des décisions des employés et des managers.

Ces deux piliers permettent à l’entreprise de fonctionner selon les équilibres économiques existants. Néanmoins, il sont extrêmement difficiles à modifier et peinent à prendre en compte des innovations de rupture.

Principe 5 : La nouvelle technologie ne couvrira pas les besoins du marché

Nous avons vu que les capacités techniques d’une technologie finit toujours par excéder la demande d’un marché. Lorsqu’un manager ou un investisseur avance ce principe, il parle en fait d’une capacité réelle qui n’est en fait que partiellement utilisée.

C’est par exemple le cas des voitures aujourd’hui. Les fabricants justifient le maintien du moteur à explosion par le fait que les technologies alternatives ne permettent pas d’atteindre sa vitesse ou son endurance.

Pourtant, la vitesse maximum d’une voiture est depuis très longtemps bien au dessus des besoins réels des conducteurs.

De plus, nous voyons aujourd’hui que les alternatives à la voiture à combustion apparaissent. Elles s’adressent à des niches où le critère d’endurance n’est pas important. Ces usages permettent de développer la véhicule électrique et de créer un nouveau modèle de valeur. Celui-ci supplantera peut-être celui de la voiture à combustion.

 

Première partie : Comment les grandes sociétés échouent à innover ?

The innovator's dilemma

Source : The innovator’s dilemma

 

Chapitre 1 : Comment les entreprises établies ne échouent à innover – L’expérience de l’industrie du disque dur

L’industrie du disque dur a connu d’enormes changements depuis sa création. 17 fabriquants existaient en 1976. Un seul d’entre eux a survécu aujourd’hui, IBM. Ces entreprises étaient pourtant grandes et diversifiées, ce qui n’a pas empêché leur disparition.

Entre 1976 et 2008, 129 autres sociétés ont pénétré ce marché. Seul vingt d’entre elles existaient encore en 2008. A l’exception d’IBM, Fujitsu, Hitachi et NEC, tous les fabricants de disques en 2008 avaient été créées en tant que startup lors des trente dernières années.

Dans son étude Clayton Christensen a ainsi pu mettre en évidence que la baisse rapide du prix de production du mégaoctet de disque n’avait aucun rapport direct avec la survie ou la mort des acteurs de ce marché. Cette baisse de prix permettait une innovation incrémentale à laquelle tous les acteurs en place s’adaptaient de la même façon.

L’essentiel des innovations ont été incrémentales Dans d’autres industries, le même constat peut-être établi. La capacité à s’adapter à un rythme d’évolution technologique n’est pas le critère de maintien ou de disparition d’une entreprise Alors qu’est-ce qui a causé la disparition de 125 acteurs du marché du disque dur entre 1975 et 2008 ?

 

LES INNOVATIONS TECHNIQUES NE SONT PAS DES INNOVATIONS DE RUPTURE.

Les innovations techniques majeures confortent les entreprises établies

Ces innovations technologiques ont pu apparaître comme des innovations de rupture, mais elles ne l’étaient pas nécessairement.

Prenons l’exemple du remplacement de la ferrite par la bande magnétique. Depuis les années 50, on utilisait la ferrite comme matériau pour l’enregistrement de l’information dans les disques durs. En 1968, on apprit que ce matériau allait atteindre rapidement ses limites physiques. A partir des années 70, certains fabricants investirent lourdement et remplacèrent la ferrite par la bande magnétique.

La plupart des fabricants qui décidèrent d’attendre au delà de ce délai disparurent. IBM, Seagate, and Quantum, les premiers à passer à l’enregistrement magnétique se maintinrent et purent poursuivre leur course à l’innovation incrémentale. Les trois entreprises existent toujours de nos jours.

 

Les innovations techniques sont des innovations incrémentales

Il en fût de même, lorsqu’IBM lança le disque à 2,5 pouces dans les années 80. Ce dernier venait offrir une possibilité de stockage supplémentaire pour le marché déjà bien établi des ordinateurs personnels. Il ne répondait pas à un besoin nouveau.

C’était donc une innovation technique incrémentale. Il faut noter que pour ces innovations technologiques, ce sont généralement les firmes qui sont déjà leader qui parviennent à s’imposer. Ces innovations là n’offrent pas de place aux nouveaux entrants.

 

L’INNOVATION DE RUPTURE AU SEIN DU MARCHÉ DU DISQUE DUR

Alors qu’est-ce qui a fait l’innovation de rupture au sein du marché du disque dur ? Clayton Christensen prend l’exemple du PC portable. Ce dernier n’a pas été une innovation disruptive dans le contexte de la production d’ordinateurs. Il avait les mêmes fonctionnalités que le PC et était moins performant. Mais pour le marché du disque dur, la niche du PC portable était une innovation de rupture.

En imposant le standard du disque 3,5 pouces, le PC portable a changé le rapport performance / prix qui cadençait l’évolution du marché du disque dur. Cette innovation a également permis l’arrivée de nouveaux acteurs, un changement dans les hiérarchies précédentes et la disparition de ceux qui n’avaient pas réussi à s’adapter.

 

INNOVATION DE RUPTURE ET MODÈLE DE L’ÉCHEC DANS L’INDUSTRIE DU DISQUE DUR

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Source : The innovator’s dilemma

Dans les années 50, un marché naissant qui se limite au disque 14 pouces

Dans ce schéma, nous voyons comment l’industrie du disque dur a évolué. Quatre standards se sont succédés entre 1974 et 1985. Les disques de 14 pouces créés par IBM à la fin des années 50 étaient adaptés au marché du mainframe. Les acteurs de ce marché ont pu accroître pendant près de dix ans les capacités de ce produit. C’était de l’innovation incrémentale. Les disques de 14 pouces ont fini par dépasser les besoins du marché au moment où Shurgart associates lança le disque 8 pouces en 1973.

Il est intéressant de noter que c’est au sein d’IBM que les premiers prototypes de disques de 8 pouces furent développés. Allan Shurgart, Il souhaitait développer ce nouveau standard pour répondre aux besoins de marchés plus petits que celui du mainframe. Mais IBM refusa de développer ce produit. Il n’intéressait pas ses clients et le prix du mégaoctet pour ce type de modèle était trop élevé.

 

Le disque 8 pouces « disrupte » le marché du disque dur

Avec le lancement du 8 pouces, Shurgart Associates et les autres nouveaux entrants partirent à la recherche de nouveaux clients. Leur produit répondait assez bien aux besoins d’un marché de niche, celui des ordinateurs d’entreprise. Mais ce marché était encore balbutiant.

Le produit entra dans un cycle d’innovations incrémentales (schéma 1.1) et rattrapa très vite les capacités demandées par le marché du mainframe. En effet les disques 14 pouces offraient des capacités excédentaires depuis bien longtemps (cf. schéma 1.7). Grâce à l’innovation incrémentale, le disque 8 pouces était maintenant satisfaisant pour les acteurs du mainframe. Ces innovations incrémentales réduisirent aussi le prix au mégaoctet de ce modèle de disque. La plupart des fabricants de disques 14 pouces furent incapables de s’adapter à temps à l’exception d’IBM. Shugart Associates, Micropolis, Priam et Quantum, les nouveaux entrants devinrent les leaders du marché du disque 8 pouces.

A la fin des années 70, le modèle de l’échec se reproduit.

Seagate lança le disque de 5,25 pouces avec pour cible le marché des ordinateurs personnels. Très vite, le 5,25 pouces devint le standard et rattrapa les capacités demandées par les clients du 8 pouces. A l’exception de Micropolis, tous les fabricants qui avaient lancé le 8 pouce au début des années 70 disparurent.

Au milieu des années 80, le modèle de l’échec se reproduisit encore une fois.

Seagate était devenu leader grâce au 5,25 pouce. Ses ingénieurs proposèrent un disque de 3,5 pouces, de taille plus petite avec un coût au mégaoctet plus élevé. Les responsables de l’entreprise ne virent pas vraiment l’utilité d’une telle innovation.

Cela les amenait à adresser des marchés de niche et à produire avec des marges plus basses. Rodime et Conner lancèrent leur modèle de disque dur de 3,5 pouces. Ces deux fabricants contribuèrent ainsi au développement du marché du PC portable. Seagate s’aligna quelques années plus tard en proposant son modèle de disque dur 3,5 pouces. Mais l’entreprise n’en tira pas de bénéfices comparables à ceux des premiers entrants.

Les firmes établies se retrouvent en queue de peloton d’un marché renouvelé

Les managers de Seagate avaient évalué le disque du de 3,5 pouces selon les critères du marché du 5,25 pouces où ils étaient dominants. L’entreprise préféra attendre de voir si le marché de l’ordinateur portable allait vraiment décoller. Elle craignait également de voir ces nouveaux produits cannibaliser ses ventes de disque 5,25 pouce, marché où elle dominait. Le risque de ce type d’attitude, on l’a vu avec IBM / Shurgart, est que la prophétie se réalise au bénéfice d’un nouvel entrant plus audacieux.

Chapitre 2 : Le value network et l’impossibilité d’innover

Avec cet exemple du marché du disque dur, deux choses sont à signaler au sujet des entreprises leaders sur leur marché :

    • Elles ne parviennent pas à retrouver une vision vers le bas du marché. C’est à dire à considérer les besoins de secteurs de niche alors que c’est cette attitude qui leur avait permis de devenir leader.
    • Elles deviennent prisonnières d’une vision vers le haut du marché. C’est à dire qu’elles ne parviennent plus à analyser les opportunités au delà de l’équilibre produits / marges qu’elles ont construit avec leurs clients actuels.

C’est pour ces deux raisons que les entreprises installées sont donc généralement incapables d’affronter l’innovation de rupture. Cela tient au concept de Value Network.

 

QU’EST-CE QUE LE VALUE NETWORK ?

Le Value Network est, selon l’auteur, le contexte dans lequel une entreprise identifie les besoins de ses clients et y répond. C’est au sein du Value Network que l’entreprise résout ses problèmes, s’approvisionne, réagit au marché et à ses concurrents, etc. En bref, c’est l’environnement dans lequel elle créé et échange de la valeur.

Au sein d’un même Value Networks, il est difficile d’accorder de l’intérêt aux innovations à marges plus basses

Cet environnement va déterminer pour une entreprise les perceptions de la valeur économique des produits, des clients et des marchés. Dans le cas des fabricants de disque dur, cette perception est déterminée par la complexité des produits qu’elles contribuent à créer. Le disque dur est un composant d’un ensemble plus large, l’ordinateur ou le serveur. Le Value Network du disque dur est donc le réseau qui réunit l’ensemble des acteurs qui contribuent à la création des composants et à l’achat de l’ordinateur.

 

Chaque Value Network a son propre niveau de marge ou rapport production / bénéfices

C’est pour cette raison que les marges attendues du disque dur 14 pouces étaient élevés. Elles étaient déterminées par le value network du mainframe. Ce dernier était fondé sur une commercialisation B2B qui autorisait des marges élevées.

Le PC portable a lui un équilibre économique très différent. Il possède son propre Value Network. Ses coûts d’assemblage sont nettement plus importants du fait de leur taille et de leur nombre. De plus, ils sont commercialisés par des réseaux de distribution grand public. Les marges y dépassent rarement 15 à 20%. Les ventes unitaires doivent y être plus élevés que celles du mainframe.

 

Les managers évaluent les innovations au sein d’un value network. Ils peinent à voir leur intérêt dans d’autres value network

C’est ainsi qu’un disque dur est intéressant à améliorer pour un fabricant qui le vend sur le marché du mainframe. Cet environnement offre en effet des marges élevées. A l’inverse cet acteur du marché du mainframe ne voudra pas baisser ses marges pour s’adapter à un autre value network. Il ne perçoit pas les caractéristiques du nouveau marché qu’il adressera. Ses critères de qualification de la valeur sont inadaptés.

Il analysera les attributs d’une innovation de rupture selon les critères de son propre marché. Ceci alors que la value network du produit disruptif n’existe pas encore. Pourtant, une fois que la value network du produit disruptif est créé, elle tend à se développer grâce à l’innovation incrémentale. En se développant, elle absorbe la value network du produit de la génération précédente.

Dans cette nouvelle value network, les nouveaux entrants ont des produits plus performants, plus pratiques, moins chers. Ils répondent également aux besoins d’un plus grand nombre de marchés. Les anciennes firmes établies sont réduites à un segment du nouveau marché avec un produit moins performant. Elles semblent donc condamnées à disparaître.

 

Y a t’il un moyen d’éviter cette trajectoire ?

Oui, mais à deux conditions :

  • Connaître les règles d’évolution technologique incrémentale et ses limites ;
  • Identifier les blocages dans le passage vers une technologie disruptive.

 

COURBE EN S ET VALUE NETWORK

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Source : The innovator’s dilemma

Chaque innovation technologique incrémentale a une courbe de développement en S. Sa progression est lente à son démarrage, puis une fois que la technologie est comprise, maîtrisée et diffusée, sa performance technique s’améliore. C’est à ce moment que le cycle d’innovation incrémental est le plus bénéfique. En pleine maturité, la technologie atteint de façon asymptotique ses limites physiques. A ce moment là, les améliorations des capacités du produit deviennent trop coûteuses par rapport aux bénéfices attendus. Il devient donc souhaitable de mettre un terme à ces innovations incrémentales et switcher vers une technologie disruptive. Celle-ci redonnera une marge d’innovation incrémentale avantageuse.

Mais les entreprises n’y parviennent que très rarement. Pourtant, ce sont souvent elles qui sont parvenu à développer des prototypes potentiellement disruptifs. The innovator’s dilemma détaille les sept étapes qui amènent les manager à subir l’innovation disruptive.

 

LES ETAPES DU DÉVELOPPEMENT D’UNE TECHNOLOGIE DISRUPTIVE AU SEIN DE L’ENTREPRISE

Etape 1 : Une technologie disruptive est développée au sein de l’entreprise

Un prototype potentiellement innovant est développé au sein de l’entreprise. Souvent dans un coin et avec les moyens du bord. La décision de le réaliser provient généralement d’un opérationnel et pas du management.

Par exemple, les équipes de Seagate ont proposé à leur management un disque dur de 3,5 pouces à leur management en 1985. Seagate était leader du marché du disque dur à ce moment là, grâce au disque du de 5,25 pouces.

 

Etape 2 : Les équipes marketing testent les réactions auprès de leur clientèle

Les tests du produit innovant sont fait au sein du value network de l’entreprise établie. Or la particularité d’un produit disruptif est justement de créer un nouveau value network.

Ainsi, les marketeurs de Seagate décidèrent de tester le prototype auprès de la branche PC d’IBM. Le disque avait des capacités trop faibles pour ces derniers. Le marketing jugea donc qu’il n’y avait pas d’intérêt client pour ce produit.

Dans l’esprit des manager de Seagate, ce qu’il leur fallait, c’était un produit qui connaisse le même succès que le modèle vedette de la marque. Ce disque dur de 5,5 pouces nommé ST412 générait alors 300 millions de dollars dans un marché du PC en fin de cycle.

 

Etape 3 : Les managers décident de poursuivre la course à l’innovation technologique incrémentale

Ne sachant pas comment mesurer les performances promises par les produits innovants, les managers renoncent à le développer. Ils s’acharnent à améliorer leur technologie actuelle.

Seagate renonça donc à se lancer dans le marché du 3,5 pouces. Le marché potentiel d’un tel produit était incertain. De plus, le coût de production au mégaoctet était jugé trop élevé.

En effet, les marges des produits de la marque oscillaient entre 35 et 40 %. Avec le petit disque de 3,5 pouces, elle tombait à 25 et 30 %. Cet investissement technologique n’avait donc aucun sens pour Seagate. Et Seagate prit la décision de poursuivre les améliorations de son produit actuel même si celui-ci avait atteint le haut de sa courbe en S. C’est à dire, qu’il commençait à approcher les limites physiques de son potentiel d’amélioration.

 

Etape 4 : De nouvelles sociétés apparaissent et les marchés clients de l’innovation disruptive se consolident

Dans ces situations, les employés qui n’ont pas pu faire valoir les avantages de leur prototype démissionnent et créent une société concurrente. Par exemple, les fondateurs de Conner Peripherals, étaient d’anciens employés de Seagate et Miniscribe soutenus par le fabricant de PC Compaq.

 

Ces startups créées, elles partent à la recherche de nouveaux clients pour leur produit. Leur innovation ne répondent pas à des besoins clients identifiés.

Déjà, quand Seagate a créé le disque à 5,25 pouces une génération avant, l’ordinateur personnel était un hobby de geeks isolés. Seagate avait donc contribué à créé le marché. Au lancement du disque de 3,5 pouces, il en fût de même, il n’y avait pas de marché. Le premier PC d’IBM ne fut créé que deux ans plus tard.

De même, Compaq n’avait pas encore mis au point son premier PC portable lorsqu’elle décida d’investir dans Conner. Conner n’a donc pas développé le disque de 3,5 pouces dans le but de le vendre à Compaq. Comme tout nouvel entrant, l’entreprise n’avait pas de stratégie marketing claire à son lancement.

 

Etape 5 : Les nouveaux entrants finissent par faire évoluer leur offre vers le haut.

Les nouveaux entrants font évoluer les capacités techniques de leur produit rapidement. Ils entament un cycle d’innovation incrémentale qui les amènent à faire croître les capacités de leur produit plus vite que le besoin de leur marché. Ils peuvent dès lors viser les segments de marché plus gros où les marges sont plus élevés. De plus, les innovations incrémentales ont rendu le produit plus performant, moins cher et plus simple que son concurrent de la génération précédente.

 

Etape 6 : Les firmes établies grimpent en queue de wagon du nouveau train en tentent désespérément de défendre leur clientèle

A ce moment, la nouvelle architecture est pleinement compétitive. Elle est plus intéressante que le produit d’ancienne génération. L’innovation incrémentale du nouveau produit lui permet d’engager la bataille avec un rapport prix / performance supérieur au modèle d’ancienne génération. Les firmes établies n’ont pas d’autres choix que de proposer un produit de nouvelle génération. Ce dernier va lui-même cannibaliser les ventes de l’ancienne génération de produit et dégrader les marges de l’entreprise.

 

Les points clé du value network

  1. Le contexte de création de valeur (value network) a une influence profonde dans la façon dont une entreprise voit les opportunités, engagent des ressources et développe ses technologies. Les entreprises identifient ainsi les opportunités de leur produit sur des critères uniques de performance. Ces critères sont partagés par tous les acteurs au sein du même value network. Elles ne sortent donc pas de leur frontière.
  2. Les entreprises au sein de ce value network ne tendent à voir que les clients au sein de ce même value network. Pour investir dans leur innovation, elles tendent à se borner aux besoins de ces clients.
  3. Les firmes établies qui décident d’ignorer les technologies dont leur client n’ont pas besoin finissent par se mettre en risque. Cela arrive les améliorations d’un produit innovant moins performant à ses débuts finit par couvrir les besoins de ses propres clients.
  4. Les nouveaux entrants prennent l’avantage sur les firmes établies. Le drame des firmes établies est qu’elles perdent leur client. Cela se produit exactement pour les raisons qu’elles avaient évoqué en écartant une innovation qui ne semblait pas répondre à un besoin client à ses débuts. Leur produit est maintenant plus coûteux et moins performant.
  5. Les nouveaux entrants deviennent des firmes établies dans ce nouveau Value Network. Un nouveau Value network est créé avec les anciennes firmes établies qui ont réussi le passage vers la nouvelle technologie, un nouveau le nouveau Value network.

Ce modèle est-il applicable à d’autres industries ? Le livre propose de le tester dans l’industrie de l’excavation mécanique.

 

Chapitre 3. Disruption dans l’industrie de l’excavation mécanique

Le dilemme de l'innovateur

Licence Creative Commons – Credits Slava Evzhenkov

LE MARCHÉ DE L’EXCAVATION AVANT LES ANNÉES 70

Un marché concentré sur les grands chantiers

Clayton Christensen cherche ensuite à vérifier si ce modèle de l’échec et cette incapacité à sortir de son value network se vérifie dans d’autres industries. Il reprend son analyse en l’appliquant au secteur de l’excavation. Jusque dans les années 60, ce marché était dominé par les fabricants de grues d’excavation à diesel.

Celles-ci étaient raccordées à un corps peu mobile et disposaient de très grands sceaux capable d’extraire d’énormes volumes de terre. L’extraction avec des machines hydraulique s’est rapidement substituée à l’excavation diesel dans les années 70.

 

Apparition de l’excavation hydraulique

Toutes les firmes qui avaient dominé l’ingénierie de l’excavation dans les années d’après-guerre ont disparu à ce moment là. L’ensemble des acteurs qui dominent ce secteur sont les entreprises qui attaquèrent ce marché dans les années 70. L’exemple de la technologie hydraulique tend donc à confirmer notre hypothèse.

Les acteurs dominants se révèlent incapables d’envisager la disruption. Ils reproduisent le modèle de l’échec.

    • Acteurs établis : Insley, Koehring, Little Giant, and Link Belt
    • Nouveaux entrants : J. I. Case, John Deere, Drott, Ford, J. C. Bamford, Poclain, International Harvester, Caterpillar, O & K, Demag, Leibherr, Komatsu, and Hitachi
L’excavation diesel domine le marché

Les engins d’excavation sont nécessaires à l’essentiel des chantiers. Aujourd’hui, nous les rencontrons aussi bien dans les petits chantiers privés que dans les grands ouvrages. Dans les années 45-60, ce matériel était essentiellement utilisé dans les très grands chantiers. Voici les trois cas d’usages principaux :

    • Le BTP : terrassement, creusement de fondations pour des immeubles, etc.
    • Le génie civil : le creusement de canaux, l’enfouissement de pipelines, etc.
    • Le creusement des mines.
Les capacités du diesel excèdent la demande

Les performances de forage et d’excavation demandées par ces acteurs étaient très élevées. C’est ainsi que le matériel avait fini par s’imposer car il possédait la plus grande force de traction des immenses seaux remplis de terre.

Pour les acteurs de ce marché la performance de leur matériel se mesurait en quantité chargée par seau.

L’émergence de la technologie de l’excavation hydraulique et sa trajectoire d’amélioration La première machine hydraulique fut produite par une entreprise britannique, J.C. Bamford en 1947. Elle fût suivie par plusieurs entreprises américaines qui commercialisèrent leur modèle hydraulique à la fin des années 40. La capacité de leurs seaux était très faibles et la profondeur atteinte aussi.

Avec la technologie hydraulique, les nouveaux entrants ciblent les marchés de niche

Du fait de ces limitations, les nouveaux entrants durent rechercher d’autres marchés que ceux cités plus haut. Les nouveaux entrants associèrent leur machine à excavation à des tracteurs et ciblèrent les petits chantiers et les agriculteurs. Ces derniers avaient des besoins d’excavation nettement moins profonds que ceux des usagers d’excavateurs diesel. Ils commercialisèrent leurs produits par les réseaux de distributions habitués à adresser cette petite clientèle.

Ces petits clients et leur réseaux de distribution constituèrent le value network de l’excavation hydraulique. Mais pour que cette technologie devienne réellement disruptive, il fallait qu’elle se substitue à l’ancienne.

On retrouve dans ce schéma l’amorce de courbe en S décrite plus haut.

Innovation incrémentale dans les technologies d’excavation hydraulique

L’excavation hydraulique connut un démarrage lent. La capacité des seaux sur ces machines restait donc très en dessous des de la demande moyenne du marché de l’excavation.

Puis les améliorations incrémentales successives permirent à cette technologie de rattraper la demande moyenne du marche. Le matériel qui avait été développé durant quinze ans était devenu plus léger, plus maniable et pratique. Il avait surtout atteint le niveau de performance que souhaitaient la plupart des clients.

La performance des machines diesel elle dépassait depuis longtemps cette demande des clients. Mais ces derniers ne souhaitaient plus payer pour des capacités excédentaires qu’ils n’utiliseraient pas. Par ailleurs les produits diesel n’avait pas bénéficié des innovations apportées par l’hydraulique (rotation 360 et mobilité).

La réponse des entreprises établies confrontées à la technologie hydraulique

En 1951, le leader du marché de l’excavation Diesel, Bucyrus, tenta de s’adapter. Il proposa un modèle hydraulique à deux cylindres au lieu de trois. L’un pour la rotation, l’autre pour l’articulation du bras. La levée du seau était toujours assurée par un moteur diesel.

Le modèle était donc un hybride. Il fût baptisé Hydrohoe (Houe hydraulique). L’entreprise tenta de le commercialiser auprès de son propre Value Network. Ce fut un échec, car il ne répondait pas à leurs besoins.

Dans les années 60, d’autres entreprises établies tentèrent de se lancer dans les machines à l’excavation hydraulique. Toutes proposèrent des modèles hybrides au sein de leur value network. Tous leurs clients jugèrent le produit limité.

REPRODUCTION DU MODÈLE DE L’ÉCHEC

Comme pour l’industrie du disque dur, les entreprises établies on reproduit les deux erreurs suivantes :
    • S’adresser à leurs propres clients pour valider le besoin d’une innovation disruptive ;
    • Ignorer les besoins d’autres marchés perçus comme des niches. Ces derniers disposent d’un potentiel non exploité, de leur propres logiques de distribution et d’un rapport coût / bénéfices différent.

Les nouveaux entrants ont développé leur produit à partir de ces nouveaux marchés. Ils ont progressivement comblé l’écart entre les capacités de l’hydraulique et la demande de performance réelle de l’ensemble du marché.

Le marché du diesel absorbé par celui de l’hydraulique

Elles ont ainsi constitué leur propre value network et absorbé le value network des firmes établies. A l’exception du creusement des mines, les machines à excavation diesel n’avaient plus d’intérêt pour les clients.

Les entreprises établies n’ont pas échoué par arrogance, mépris ou incompétence. Quand la question s’est posée, elles ont pu proposer des produits à technologie hydraulique. Technologiquement, elles étaient donc en mesure de s’adapter.

Elles ont été incapables de sortir de leur value network et d’envisager une clientèle hors de leur marché. L’hydraulique n’avait aucun sens pour elles jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

Ceux qui évoluent vers le haut ne parviennent pas à redescendre

Un autre phénomène explique également cette incapacité à affronter l’innovation de rupture. L’auteur l’appelle la migration vers le nord-est. Il s’agit en fait de l’attrait des compagnies vers le haut du marché. C’est à dire là où les capacités demandées sont élevées et où les marges sont plus hautes.

En procédant de la sorte, les nouveaux entrants délaissent le segment qui leur avait permis de s’établir. Les manager et investisseurs valorisent d’ailleurs fortement ce changement de segment client. A l’apparition d’une innovation disruptive, cette stratégie s’avère pourtant funeste.

Chapitre 4. La migration vers le nord-est

Le dilemme de l'innovateur

The innovator’s dilemma

Partir vers le nord-est où les marges sont plus belles

SEAGATE PART À LA RECHERCHE DE CLIENTS PLUS RENTABLES

Nous voyons dans le schéma ci-dessus (4.1) que Seagate illustre parfaitement ce schéma de migration nord-est. Ainsi, sa première génération de produit disposait d’une capacité moyenne qui répondait aux besoins des ordinateurs personnels.

Mais dans les années 90, la capacité moyenne des produits vendus par Seagate augmenta pour s’adapter aux besoins de segments professionnels. Ces derniers offraient de meilleures marges.

Le choix entre des marges plus élevées et la disruption vers des segments moins rentables

Cette situation obéît à un scénario général. Tous les acteurs du marché s’engagent dans ces mouvements attirés par les marges plus élevées. Ils y investissent de la recherche, du marketing, de l’administratif afin de rester compétitifs.

Voici donc le choix auquel ces entreprises se retrouvent confrontées :

    • Suivre la disruption et se lancer dans un produit aux marges plus faibles
    • Investir dans un segment client aux marges plus élevées
En général, les managers choisissent toujours les segments clients les plus rentables, au détriment de l’innovation de rupture

C’est le choix qui s’est présenté à IBM avec le disque dur 8 pouces. C’est aussi celui qui s’est présenté à Seagate lorsque ces ingénieurs lui ont présenté un prototype de 3,5 pouces. Les fabricants de disque 8 pouces devaient choisir entre

    • lancer un produit qui dégraderait leur marge de 15 points
    • investir auprès de clients qui leurs promettait vingt points de marges supplémentaires.

Dans le marché du disque dur, les managers ont donc systématiquement choisi la deuxième option. Elle leur paraissait rationnelle au sein de leur value network. Ces entreprises qui étaient des nouveaux entrants sont devenues alors des entreprises établies. Cette situation les a coupé de leur attitude disruptive initiale qui supposait au contraire une mobilité vers le bas.

La mobilité vers le haut rend donc la disruption dangereuse pour les entreprises qui y sont confrontées.

LA LOGIQUE DE L’ALLOCATION DES RESSOURCES POUR LES ENTREPRISES EN MOBILITÉ ASCENDANTE

L’allocation de ressources favorise la mobilité ascendante au détriment de la disruption

Cette mobilité vers le haut est favorisée par des modèles d’allocations de ressources au sein des entreprises.

    • Dans le premier modèle, le processus d’allocation de ressources est rationnel. C’est un processus de décision dans lequel les managers arbitrent les propositions d’allocation. Celles qui sont cohérentes avec la stratégie et promettent un retour sur investissement sont conservées. Les autres sont éliminées.
    • Le second modèle a été décrit par Joseph Boyer, un collègue Clayton Christiansen à Harvard. Ce dernier note que toutes les propositions d’innovation de rupture viennent du bas de l’entreprise, jamais du haut. Le middle management joue alors un rôle critique. Ces derniers doivent filtrer les projets. Les évolutions de carrière des managers ont lieu quand ces derniers font réussir des projets. Leur carrière déraille lorsqu’ils échouent. Ces derniers tendent donc à choisir des projets et à les packager de façon à ce qu’ils leur permettent de réussir.

C’est dans ce second modèle que l’innovation est possible. Mais comparons maintenant deux situations :

Le marketeur présente son projet d’innovation incrémentale

Un marketeur présente son projet de développement d’un nouveau segment de clientèle. Pour l’atteindre, il propose d’augmenter les capacités du produit. En repartant de l’historique, il démontrera que son projet permettra d’améliorer les ventes et la marge de son entreprise. Par ailleurs, il aura déjà validé ses hypothèses de vente auprès de client pilotes et parfois enregistré les premières commandes. Le projet est prêt à être lancé dès validation par le management.

L’ingénieur échoue à défendre l’innovation disruptive

L’ingénieur présente son idée d’innovation. Il n’a pas de marché à présenter. Il ne sait pas estimer le potentiel de son innovation. Cette dernière n’a pas de cas d’usage à offrir qui pourrait servir de référence. Toutes ses hypothèses sont basées sur des hypothèses non vérifiées. Ses retours clients sont souvent faiblement qualifiés.

L’entreprise finit toujours par privilégier les revenus à court terme

Le premier projet sera donc choisi par le management de l’entreprise. En primant les revenus à court terme et la marge, l’organisation entière qui ne permet pas de porter l’innovation disruptive. Parfois, un senior-manager fait le choix d’une innovation disruptive. Même dans ces cas, l’organisation tend à la rejeter car elle n’apportera pas les résultats attendus d’ordinaire par les individus : de la marge, du revenu et des carrières réussies. Dans le débat interne sur l’allocation de ressources, le choix de l’innovation de rupture est donc souvent perdant.

L’EXEMPLE DE L’INDUSTRIE DU DISQUE DUR D’1,8 POUCES

Une disruption en apparence ratée

Clayton Christensen raconte également l’histoire du disque dur d’1,8 pouces. Il visita une entreprise qui l’avait lancé en 1993 en espérant disrupter le marché. En 1994, ses dirigeants confièrent à Clayton Christiansen que ce produit n’avait pas de clientèle. Même si le produit s’améliorait rapidement, aucun des fabricants de PC portable n’en voulait.

 

Les clients n’étaient pas là où on les attendait

Pourtant, quelques mois plus tard, un de ses étudiants fit une présentation en utilisant un document stocké dans une petite boite noire reliée à son ordinateur.

Clayton Christensen lui demanda de quoi il s’agissait. L’étudiant lui répondit qu’in s’agissait d’un disque nomade d’1,8 pouces fabriqué par une petite startup du Colorado.

Ainsi, nous avons ici un encore un problème du développement vers le nord-ouest. La grande entreprise avait à sa disposition la même technologie que la startup. Pourtant, c’est la startup qui a été à la recherche du nouveau segment de clientèle.

 

La recherche de marges élevées ne permet pas la disruption

La grande entreprise n’était donc pas capable d’imaginer une application dédiée à un segment où les marges seraient plus fables et les volumes plus élevés. Elle persistait à envisager l’usage de son prototype dans un secteur où les marges étaient trop élevées pour lui permettre de percer.

LA MIGRATION VERS LE NORD-EST DE L’INDUSTRIE SIDÉRURGIQUE

The innovator's dilemma

Nucor Steel Mill, Luna Park, West Seattle – Auteur : Gary Lund – Licence Creative Commons

Les petites aciéries (minimills), rentables dès les années 60

L’industrie des petites aciéries (Minimills) est devenue viable au milieu des années 60. Ces petites aciéries permettent de produire du métal à un coût intéressant à des volumes dix fois plus bas que celui des grandes aciéries intégrées. L’échelle de production est la seule différence. La contrainte de production continue basée sur un feu permanent est la même dans les deux systèmes de production.

 

Une activité marginale et deconsideree

En 1995, la petite aciérie la plus efficace nécessitait en moyenne 0,6 heures de travail par tonne d’acier. La plus efficace des grandes aciéries intégrées en nécessitait 2,3.

Par conséquent, les petites aciéries sont passées de moins de 1% en 1965 à plus de 40% en 1995. En 2015, elles représentaient 70% de la production d’acier aux Etats-Unis.

Toutefois, en 2008, Clayton Christensen notait qu’aucune grande aciérie n’avait encore choisi d’utiliser la technologie des minimills aux USA. Ceci malgré un contexte de déclin général de la production d’acier aux Etats-Unis avec la fermeture d’un grand nombre de sidérurgistes intégrés.

Pourtant, ce n’est pas le cas dans d’autres pays où les grands fabricants ont investi. Par exemple, Nippon Steel, Kawasaki / NKK au Japon, British Steel, Hoogovens (Tata Steel) en Europe et Pohang Steel en Corée ont investi dans les petites aciéries.

 

Les grands sidérurgistes délaissent le métal de moindre qualité et les clients les moins rentables

A leur lancement dans les années 60, les minimills offraient un produit de plus faible qualité que les grands sidérurgistes. Elles se spécialisèrent donc dans l’acier d’armature. En matière de qualité de produit, cet usage tolérait une lus grande quantité d’impuretés dans le métal. Les grandes aciéries furent contentes de se débarrasser de la clientèle de l’acier d’armature. Elle était peu rentable.

Les minimills rentabilisèrent ce segment en réduisant leurs coûts : vente par téléphone, pas de stock, pas de R&D, peu de management. Puis elles améliorèrent la qualité de leur acier et produisirent des pièces plus grosses et plus variées (barres, tiges et cornières).

 

Les minimills poussées par des investissements agressifs

En 1980, les minimills possédaient 90% du marché des armatures et 30 du marché des barres, tiges et cornières. Puis au milieu des années 80, Nucor et Chaparral, les deux plus agressives de ces entreprises se lancèrent dans la production de poutres de structure. En 1995, Bethleem fermait la dernière ligne de production de poutres dans une grande aciérie aux Etats-Unis laissant le champ libre aux minimills.

 

Les managers des grandes aciéries privilégient l’innovation incrémentale

Le déclin des grandes aciéries intégrées trouve aussi son origine dans les choix réalisés par ses managers.

Ainsi, en 1985, alors qu’elles abandonnaient les secteurs les moins rentables aux minimills, les grandes aciéries se spécialisèrent dans la production de grandes feuilles d’acier. Ces dernières étaient utilisées pour produire des canettes, des pièces d’automobiles ou d’électroménager. En faisant ce choix, elles se spécialisaient sur des clients à forte marge. De plus la petite taille des minimills ne leur permettait pas d’affronter les grands sidérurgistes sur ce segment. De même, les outils de production requis nécessitaient des investissements qui étaient hors de portée de minimills.

En d’autres termes, les grandes aciériers ont migré vers le nord-est de leur value network.

Ces investissements fructueux furent salués en leur temps car le ROI semblait alors évident. D’ailleurs, la capitalisation de l’un des leaders des grands sidérurgistes, Bethleem Steel grimpa de 175 millions de dollars en 1986 à 2,4 milliards en 1989.

The innovator's dilemma

The innovator’s dilemma

Les grands sidérurgistes passent à côté d’une innovation majeure

Mais une innovation disruptive allait mettre fin à ce monopole des grandes aciéries dans la production des grandes feuilles de métal.

Dans ces mêmes années, Schloemann-Siemag AG, une entreprise allemande, lança une nouvelle technologie.

Celle-ci qui permettait de produire des dalles minces à partir d’une coulée de métal (cf. photo). Le métal de faible épaisseur était ensuite enroulé sans refroidissement dans un moulin. Ce procédé avait plusieurs avantages :

    • D’abord, l’investissement nécessaire à la mise en place de ce procédé était de 250 millions de dollars. Ce montant était dix fois moins élevé que l’investissement nécessaire au procédé utilisé dans les par les grands sidérurgistes.
    • Ensuite, ce procédé permettait aussi de réduire la production des bobines de feuilles de métal de 20%.

Mais, la technologie de Schloemann-Siemag AG avait aussi un inconvénient à ses début. En effet, le métal produit selon ce procédé ne permettait pas de proposer une surface sans défaut.

 

Les minimills à la recherche de clients à forte marge

Toutefois, les grands sidérurgistes évaluèrent l’opportunité d’utiliser le procédé de Schloemann-Siemag AG. Mais l’absence de défaut posait problème à certains clients. Par conséquent, ils renoncèrent à changer d’outil de production. Ils continuèrent d’ailleurs à investir dans l’ancien procédé.

En parallèle, Nucor, un des principaux acteur des minimills s’appropria le procédé en premier à la fin des années 80. En effet, cette entreprise n’était pas encombrée par les demandes de l’industrie automobile ou celle de l’électroménager. Ainsi, les minimills entamèrent leur migration vers le nord-est de leur value network.

Conclusion de la première partie de

The innovator’s dilemma

Finalement, l’histoire de l’innovation dans l’industrie sidérurgique est semblable celle du disque dur.

Elle est faite d’investissements agressifs, de décisions rationnelles, de migration vers des segments clients rentables et de recherche de marges. Les acteurs de ces industries ont tous été confrontés au même dilemme de l’innovateur.

Donc, si les décisions managériales sont à l’origine du déclin des grands acteurs, quel management peut permettre l’innovation disruptive. C’est ce que nous verrons dans la deuxième partie de « The innovator’s dilemma ».

 

Le livre :

 

L’auteur de The innovator’s dilemma

  • Clayton M. Christensen est professeur à Harvard et spécialiste de l’innovation. Son livre « The innovator’s dilemma » est devenu l’ouvrage de référence pour comprendre quelles sont les dynamiques de l’innovation.

 

Sources complémentaires

Lancer un nouveau produit en quelques jours

By Lotfi BENYELLES

Tec Ebauches SA a été fondée il y a dix ans. L’entreprise a a créé un une technique d’impression de haute qualité pour répondre à des besoins aussi différents que l’impression de motifs sur des supports rigides. L’entreprise peut aujourd’hui répondre en quelques jours aux besoins massifs de gros clients. Jusqu’à 12 000 impressions par jour pour les coques de téléphone. En parallèle, elle s’adresse à d’autres types de clients qui demandent une personnalisation plus forte et une qualité irréprochable. Ainsi l’entreprise produit régulièrement des petites séries de 100/ 150 cadrans très haut de gamme pour des séries limitées de montres d’un horloger de luxe.

Tec Ebauches SA, comme de nombreuses startups favorise l’adaptabilité de son système de production. Cela lui permet de travailler avec de très faibles stocks et de s’adapter rapidement en cas de nouveaux besoins.

Des lancements réguliers

Même chez les grands fabricants, les chaînes de fabrication et d’approvisionnement sont aujourd’hui conçues pour gérer ce type réactivité. La keynote annuelle annonçant le lancement de nouveaux produits est de plus en plus répandue (Grands fabricants de l’électronique et des télécoms, éditeurs de jeu vidéo, startups de l’habillement, etc.).

Pour ces entreprises, l’annonce du lancement coïncide avec le lancement d’un nouveau produit commercialisé dès le lendemain. C’est donc l’ensemble de leur système de production qui s’adapte à cet événement et aux contraintes du marché.

Un produit en quatre étapes

  • Une conception rapide et testée auprès d’un public pilote
  • L’adaptation de la chaîne de production dans un délai très rapide dès que l’annonce de la sortie est connue
  • L’adaptation du système logistique avec l’écoulement si nécessaire des stocks de l’ancien modèle et la fabrication
  • Le lancement dans les délais et l’enregistrement des premières commandes.

Cette démarche permet également un contrôle sur les prix. Dans le cas de l’iPhone, une gestion de stock au plus près est associée à un prix élevé. Le produit n’a même pas besoin d’être soldé ou remisé pour des questions de stock trop importants.

Des stocks réduits

Les chaînes de fabrication et d’approvisionnement sont aujourd’hui conçues pour gérer cette réactivité. Sans même passer par une Keynote, les entreprises de la mode n’hésitent plus aujourd’hui à modifier leur production en série au cours de saison pour proposer de nouveaux modèles. Cette démarche permet également un contrôle sur les prix. Dans le cas de l’iPhone, le téléphone est vendu à un prix élevé et n’a pas besoin d’être soldé ou remisé pour des questions de stock trop importants.

S’adapter à des publics spécifiques

Cette réactivité ne permet pas uniquement d’accélérer le cycle de production / lancement. Elle permet également d’adapter son produit à des publics spécifiques. Nous avons vu l’exemple de l’automobile avec Toyota. Cette possibilité se généralise aujourd’hui et de nombreux industriels conçoivent leur système de production en vue d’une adaptation à des besoins spécifiques des clients plutôt qu’à une production en série.

Personnaliser avec une chaîne industrielle

Prenons l’exemple de Velum, une PME alsacienne qui a fait le choix de changer son appareil de production en 2012. Jusqu’alors, lorsqu’un commerçant choisissait un système d’éclairage pour son magasin, il avait le choix entre différents luminaires standardisés. Ils avaient un grand choix de formes, mais les couleurs et l’intensité lumineuse étaient déterminées à la conception du produit. En s’appuyant sur les demandes de ses clients, l’entreprise a créé un système permettant la personnalisation du produit par le client. Ce dernier peut maintenant déterminer lui-même la couleur de son éclairage et son intensité. Les 145 000 références au catalogue peuvent ainsi être personnalisées selon 5000 possibilités.

Des petites entreprises et des startups sont aujourd’hui fondées et mettent en avant la personnalisation comme création de valeur.

Impression 3D pour le prototypage rapide

La plupart des systèmes de fabrication à base de plastic utilisent la technique du thermomoulage. Ce système nécessite la mise en place de moules et ces derniers sont extrêmement coûteux et chronophages à mettre en place. Cela désavantage les entrepreneurs qui souhaitent tester des produits à base de plastic. L’arrivée de l’impression 3D depuis quelques années a permis de rebattre les cartes et de généraliser la démarche de prototypage produit avec cet outil.

Eric Ries cite l’exemple de la startup SGW Designworks. L’entreprise avait été sollicitée par un de ses clients qui travaillait pour l’armée. Elle souhaitait développer dans un délai très serré un système de détection des mines dans des zones de conflit. Il fournissait à SGW le système de détection basé sur un capteur rayon X. La startup devait de son côté développer le support mobile qui rendrait le dispositif opérationnel sur le terrain.

Valider le prototype avant usinage

SGW a pu accélérer sa démarche de prototypage grâce à un premier prototype en plastique imprimé en 3D.

Puis, une fois le modèle validé, elle lança un usinage de pièces en aluminium et procéda aux derniers ajustements. L’ensemble du processus depuis prototypage jusqu’à à la finalisation du modèle pilote prit une dizaine de jours jours.
Grâce à ce pilote, SGW pût prendre des décisions rapides et solliciter du feedback client. Elle aboutit ainsi en peu de temps à la mise en place d’une gamme de produits variée et générant du revenu.

L’impression 3D devient un outil de production de petites séries

L’impression en 3D tend elle-même à devenir un outil de production et à aller au delà du simple prototypage. Prenons ainsi l’exemple des opticiens. Les lunettes sont en général disponibles selon trois tailles. Par conséquent, les modèles standards s’avèrent parfois inadaptés. C’est pourquoi l’opticien japonais Hoya a créé une imprimante 3D dédiée à la fabrication de lunettes personnalisées. D’abord, un scan prend les mesures du visage et envoie l’information à l’imprimante. Puis, celle-ci lance la production de la paire de lunettes incolore.

Enfin, le procédé permet au client de choisir la teinte et la coloration tout à la fin. Pour le moment, Hoya cherche à perfectionner le procédé et à le déployer chez les opticiens. Ceux-ci pourront ainsi proposer des modèles personnalisés à leurs clients.

Les opticiens, un terrain d’expérimentation

D’ailleurs, un procédé proche a existe pendant trois ans en ligne. Wedd.fr avait été développée par une startup française Aoyama. Le client envoiyait d’abord les caractéristiques souhaitées pour ses lunettes. Puis, celles-ci lui étaient envoyées par la poste. Il pouvait les renvoyer gratuitement si elles ne lui convenait pas.

Aoyama vient d’être placée en liquidation judiciaire faute d’avoir trouvé le bon modèle économique. Toutefois, ces deux exemples montrent que les progrès de la personnalisation des procédés de production de lunettes est l’une des clés de la transformation de ce secteur.

Prochain article

La semaine prochaine, je publierai la deuxième partie de cet article. Il détaillera comment les entreprises du web et les startups ont adapté les méthodes de productivité décrite plus haut et comment elles parviennent à lancer leurs produits dans des délais très courts (méthodes, exemples, retours d’expériences et principales erreurs)

Dans le monde des startups, le client ne sait pas ce qu’il veut

By Lotfi BENYELLES

Lorsqu’une startup échoue, il est fréquent que la presse pose en diagnostic l’absence de prise en compte des besoins client. Pourtant, ce qui différencie une startup d’une entreprise ordinaire, c’est justement le fait de ne pas partir d’un besoin client mais d’une hypothèse qui devra être confirmée par un feedback client.

 

Le client ne sait pas ce qu’il veut

En effet, une startup est différente d’une entreprise ordinaire qui développe un produit déjà existant sur le marché.

Dans le monde des startups, les clients ne savent justement pas ce qu’ils veulent. La boucle de feedback va servir donc à affiner l’hypothèse de l’entrepreneur au sujet de son produit. Il n’y a pas de signal à attendre de la part du client pour lancer le développement du produit.

Une startup devra donc solliciter elle-même la réaction de ces clients vis à vis de son produit sous forme de tests.

Tester ses hypothèses

Dès qu’une hypothèse est formulée, l’équipe chargée du développement du produit devra concevoir et mettre en place un test au plus vite. Le développement du produit devra prendre le moins de temps possible (petit batch).

Surtout, le créateur de la startup devra avoir une idée claire des apprentissages qu’il souhaite tirer de son test. Il devra donc avoir posé les hypothèses qu’il va tester

  • Tester les hypothèses de valeur de son produit : est-ce que mon groupe client est prêt à acheter ce produit ? Est-ce qu’il lui reconnaît une valeur ?
  • Les hypothèses de croissance de sa startup : Est-ce que les ventes de mon produit peuvent se développer et comment ? (bouche à oreille, croissance virale, campagne de communication, achat de trafic, vente indirecte via un tiers, etc…)

Un produit de pointe, mais pas de client

Dans son livre sur le lean startup, Eric Ries propose l’exemple de la startup Alphabet Energy basée à l’université de Berkeley.
L’entreprise avait travaillé des années sur la réutilisation de la chaleur générée par les machines (moteurs, outillage usines, turbines, etc). Elle avait ainsi mis au point une gaufre thermoélectrique en silicone qui convertissait la chaleur résiduelle de ces machines en électricité. La particularité de cette gaufre était de s’appuyer sur un matériau largement répandu, le silicone. En s’approvisionnant auprès des fournisseurs de silicone utilisés pour les composants d’ordinateurs, Alphabet s’insérait dans une chaîne de production où des économies d’échelles avaient déjà été réalisées depuis longtemps. Ses coûts étaient donc plus intéressants que celui des technologies concurrentes. Celles-ci nécessitaient des investissements lourds pour industrialiser une chaine de production avec des produits moins répandus que le silicone.

Un système de production léger

L’utilisation de matériaux répandus avait permis à Alphabet de créer un système de production léger, adapté aux prototypages rapides et à la production de petites séries.

L’entreprise s’était donc épargnée les lourds investissements de lancement des ses challengers. Elle était en mesure de concevoir et produire un système de récupération de chaleur à faible coput en six semaines, là où plusieurs mois étaient nécessaires à ses concurrents.

Il restait néanmoins à trouver un usage et un modèle de croissance économiquement viable à ce produit.

 

Revoir ses hypothèses pour trouver ses premiers clients

La première hypothèse fût la suivante. Les usines de génération d’électricité étaient de parfaites candidates pour l’achat du semi conducteur d’Alphabet. Ces usines disposaient de turbines puissantes qui généraient une grande quantité de chaleur, notamment les turbines à gaz. Ces turbines étaient elles mêmes des dispositifs d’alimentation secondaires. Elles étaient utilisées en cas de pic de consommation électrique pour compléter l’approvisionnement principal à base de charbon ou du pétrole.

Le produit d’Alphabet serait donc couplé à ces turbines à gaz. Il suffisait d’y attacher le modèle de semi-conducteur d’Alphabet. Celui-ci constituerait une autre source d’électricité d’appoint pour l’usine. Le cas d’usage semblait donc idéal.

L’entreprise produisit un premier prototype pour tester cette hypothèse. Mais il s’avéra vite que les entreprises du secteur de l’énergie ont une aversion forte au risque. Elles ne pouvaient donc pas devenir des « early adopters » acceptant les aléas d’un prototype en cours de test. Elles étaient par contre des candidates parfaites pour l’achat du produit dans sa version définitive.

 

Multiplier les pivots

Après trois mois, ces créateurs conclurent que ces démarches infructueuses auprès des entreprises du secteur de l’énergie. Alphabet décida de pivoter pour tester d’autres segments clients. Les usines conventionnelles de production de marchandise s’avérèrent les plus réceptives. En effet, elles étaient habituées à effectuer des tests sur des petits segments de leur chaîne de production. Alphabet put ainsi faire des essais de son produit en conditions de production réelle. Les retours lui permirent d’évaluer d’autres hypothèses afin de rendre sa solution commercialisable. Six mois plus tard, la version définitive du produit était bien différente de la première version. Grace aux tests, Alphabet avait finalisé un produit capable de produire de l’électricité au plus bas coût/watt possible.

Alphabet a adopté la production en petite série et la boucle de feedback pour établir son produit définitif. Avec ces expérimentations elle a dépensé bien moins en expérimentation que ce que ses concurrents auraient dépensé.

 

Un acteur de référence

Dix ans après, le marché génération d’électricité grâce à la récupération de chaleur est reconnu comme un secteur d’avenir. Alphabet Energy est un des acteurs de référence de ce marché. A la création de son premier produit, l’entreprise n’avait pas tenu compte d’un besoin client spécifique. Ce sont les tests et les pivots successifs qui ont permis d’identifier le client idéal. La startup a ainsi ajusté son produit aux besoins qu’elle avait elle-même contribué à créer.

 

Photographe : Tobias Mayr – Licence Creative Commons